Comme le président du Sénégal Abdoulaye Wade ne cesse de le rappeler (cf. cet article du monde), les subventions européennes et américaines à l'exportation de leurs produits agricoles sont destructrices pour les agricultures des pays en voie de développement.
Cet article de radio-France International, organisme que peu d'observateurs pourront taxer d'être dévoué à la pensée libérale, résume parfaitement les dégâts ces subventions font aux pays les plus pauvres, pour lesquels le secteur agricole est encore prépondérant. Extrait :
"L'aide publique au développement totalise 50 milliards de dollars par an. Les subventions américaines et européennes sont sept fois plus élevées : elles dépassent le cap des 350 milliards de dollars. A elle seule, l’Union européenne représente les deux tiers de ces subventions à l’exportation, loin devant les Etats-Unis."
Pourtant, les 7 principaux bénéficiaires européens de ces subventions (dont la France) versent dans l'égoïsme le plus écoeurant lorsque leurs ministres de l'agriculture co-signent un document dans lequel ils osent déclarer:
"Certains avancent que la politique agricole commune serait responsable de la faim dans le tiers-monde. Il faut savoir raison garder. Les agricultures de nombre de ces pays, en particulier en Afrique, ont avant tout vocation à assurer l’autosuffisance alimentaire. Celle-ci est gravement mise à mal par la destruction des agricultures traditionnelles qui provoquent une hausse des importations."
Traduisons en français politiquement incorrect :
"c'est parce que ces imbéciles du tiers monde voudraient faire leur révolution agraire, comme nous l'avons faites aux 18 et 19ème siècles, qu'ils se retrouvent dans des situations difficiles. S'ils se contentaient de cultiver le manioc pour nourrir leur famille, ils n'en seraient pas là."
Dégueulasse de cynisme, il n'y a pas d'autre mot. Le maintien des agricultures des PVD à l'état moyennageux serait donc leur seule voie de survie. Merci les riches !
Et surtout, c'est économiquement absurde. Entrer dans l'ère de l'agriculture moderne est justement une des conditions nécessaires, dans toute société, pour dégager les gains de productivité qui permettront de développer les autres secteurs d'activité. C'est ce qu'une étude même superficielle de l'histoire économique des nations occidentales enseignerait à un élève de 4ème normalement doté d'esprit d'analyse, mais çà ne chatouille pas nos politicards soucieux d'aller chasser la voix du céréalier beauceron ou du bovinophile normand.
Ce ne sont ni l'excès de mondialisation ni le libéralisme qui tuent le tiers monde, ce sont les dérogations à leurs principes que s'octroient les pays puissants, pour complaire à des minorités influentes.
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Mais il n'y a pas qu'en Afrique ou en Asie que ces subventions font des dégâts. Elles ont également des effets dévastateurs sur nos économies.
Car ces subventions énormes, elles viennent d'une poche: celle des contribuables européens et américains. Et donc entre autres Français.
Bref, moi, toi, lui, vous, chers amis contribuables, contribuez à améliorer substanciellement le niveau de vie d'une minorité d'exploitants agricoles ( il ne faut pas se leurrer: 20 % des plus gros exploitants touchent 80% de l'enveloppe, comme un documentaire de la chaine ARTE l'avait révélé il y a quelques années - beaucoup de petits exploitants ne sont pas conviés au festin, et ceux là ont toute ma sympathie) non par leur travail, parce que vous achetez leurs merveilleux produits, mais parce qu'ils mettent à sac les préfectures (En France. L'ordre est mieux maintenu chez la plupart de nos voisins...) dès que l'on envisage de toucher à leurs privilèges, et qu'ainsi ils ont su s'approprier une partie de la cagnotte financée par les cochons de payants.
Si ces sommes étaient laissées aux contribuables, les réductions d'impôts résultantes irrigueraient la consommation et l'épargne des ménages, selon les aspirations des individus, ce qui bénéficierait à l'ensemble des entreprises sachant plaire aux consommateurs.
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On m'objectera que la fin des subventions marquerait la fin d'un nombre important d'exploitations agricoles. Certes. Mais l' expérience Néo-Zélandaise d'abandon des subventions à l'agriculture ont montré que l'agriculture une fois restructurée apportait bien plus à l'économie en général, et que le bénéfice pour toute l'économie lié à la baisse des dépenses publiques résultantes était bien supérieur aux coûts liés à la restructuration du secteur agricole. Ajoutons à cela que cela provoque un meilleur usage des ressources naturelles par les exploitants agricoles, et notamment un usage plus raisonné de substances polluantes, ce qui est tout bénef' pour l'environnement.
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Bénéfices pour le tiers monde et pour les économies européennes, tous ces avantages liés à la fin de l'assistanat agricole sont déjà connus des décideurs, des économistes, et ce de la droite libérale à la gauche tiers-mondiste. Mais les politiciens des pays principalement "bénéficiaires" des subventions, au premier rang desquels la France, ont trop peur de perdre les voix des agriculteurs, déterminantes dans la course aux nombreux fauteuils électoraux en milieu rural.
L'Europe et les Etats Unis devraient se concerter au plus vite pour adopter un plan d'abandon concerté de leurs subventions agricoles, sur une durée n'excédant pas 3 à 5 ans.
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Lire aussi: institut économique de montréal, les méfaits de la réglementation agricole - l'exemple de l'industrie laitière canadienne.
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