Francis Mer a proposé à Jean Pierre Raffarin de commencer un processus de réduction des effectifs de la fonction publique par non renouvellement des départs en retraites à proprotion d'un non renouvellement pour deux départs. Cela pourrait, selon "le monde", représenter 30.000 emplois de moins en 2004.
Enfin, un ministre relativement courageux. Il est vrai que lui n'est pas un bureaucrate de pure souche, qu'il n'a plus à prouver sa valeur ni un job de politicien professionel à perdre.
Ceci dit, compte tenu des réactions hostiles prévisibles des syndicats de fonctionnaires, il ne faut pas se réjouir trop vite. JPR peut encore vouloir "calmer le jeu" et proposer une réduction des dépenses de personnel moins importante. Nous verrons bien. Espérons qu'enfin un gouvernement fasse preuve de courage face aux syndicats corporatistes qui tétanisent toute volonté réformatrice depuis trop longtemps.
La question se pose de savoir comment gérer ces réductions d'effectifs, au sein de la myriade de services publics qui composent la nébuleuse "administration". L'objectif est que le service public rende un service très amélioré et à moindre coût. Et franchement, c'est possible.
L'on peut considérer plusieurs pistes, par ordre de difficulté politique:
1/ Réduire le poids de la bureaucratie:
L'on peut distinguer deux catégories de fontionnaires: ceux qui accomplissent un service à valeur ajoutée auprès du client final, le citoyen contribuable, et ceux qui assurent des fonctions "support" (comptabilité, ressources humaines, logistique...), qui fournissent les services internes permettant aux premiers d'accomplir leur mission. Les seconds sont supposés "mettre de l'huile dans les rouages", mais lorsqu'ils deviennent prépondérants dans la marche d'un service, ils deviennent les bancs de sable qui grippent la machine.
Lorsqu'un service et bien géré, les agents "au contact" (policiers enquêteurs, enseignants, personnel soignant, etc...), sont beaucoup plus nombreux que les agents affectés aux fonctions support ("back office"), et ne sont pas eux mêmes contraints d'accomplir des tâches bureaucratiques liées à ces fonctions administratives.
Or actuellement, en France, les personnels affectés à la "marche bureaucratique" de l'administration sont pléthoriques, et des gens dont le métier est de servir le citoyen sont contraints de distraire une part importante de leur énergie à effectuer eux même des tâches à basse valeur ajoutée: médecins gérant les fournitures des hopitaux, policiers gérant des garages de préparation de véhicules, etc...
Songez qu'on trouve fréquemment 2 à trois spécialistes de comptabilité publique pour 50 personnes en administration centrale, ou 10 personnes pour 300 employés pour effectuer les paies et suivre les avancements... automatiques à l'ancienneté (!) des agents en service déconcentré ! Et ce ne sont que des exemples. Quelle entreprise privée survivrait avec des frais de gestion pareils ?
Les procédures internes à l'administration sont devenues un fardeau porté par les contribuables, soit sous forme d'impôt, soit sous forme de dette pour les générations futures. Tout doit être mis en oeuvre pour réduire le poids de ces procédures internes: Recrutements, flux financiers, achats publics, gestion statutaire,...
2/ Réduire l'organigramme administratif
Entre les ministères, les établissements publics, les conseils, comités, et organismes para-administratifs qui coexistent, il n'est pas rare de trouver des doublons, triplons ou X-uplons de compétences, entre organismes qui ne communiquent guère en tre eux et rouvent, chaun à leur manière, des façons de dépenser de l'argent public justifiant leur compétence.
Prenons l'exemple des OGM: Ont leur mot à dire non seulement le ministère de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, mais encore le ministère des finances (répression des fraudes), de l'intérieur (préfectures, pour l'application locale des réglementations), l'AFFSA (agence française de sécurité alimentaire), divers organismes du monde agricole...
L'IFRAP, Think tank Français consacré à l'observation de l'(in)efficacité des politiques publiques, a recensé plus de 20 départements ministériels ou établissements publics intervenant dans le domaine des transports et de la sécurité routière.
A chaque organisme, ses dirirgeants, ses gestionnaires de fonctions transversales, sa bureaucratie. Il y a une réorganisation drastique à faire des services de l'état en les regroupant par grandes prérogatives, par grande thématique.
De plus, la décentralisation qui s'annonce doit différer de celle de 1982, qui a abouti à créer dans de nombreux domaines un doublement des services publics locaux, les uns sous les ordres de l'administration centrale d'état (services verticaux) et les autres sous l'autorité des conseils régionaux ou généraux. Il faut en finir avec les compétences croisées locales et nationales, multiplicatrices fécondes de bureaucraties parallèles.
2 bis/ mettre en oeuvre un système d'informations efficace pour l'administration.
Un bon levier pour identifier les poids morts et réorganiser ce gigantesque foutoir (il n'y pas de terme plus approprié, désolé), serait d'obliger tous les organismes publics à renoncer à leurs sites web structurels (ah, la cacophonie du .gouv.fr...) et à assurer, de façon collaborative, l'alimentation d'une rubrique thématique d'information et de services à valeur ajoutée sur le site "service-public.fr", ce qui révèlerait très vite les compétences redondantes, et la valeur réelle de la contribution de chaque organisme à la thématique commune. Voir à ce sujet le rapport de Pierre De la Coste sur l'efficacité des systèmes d'information publics, auquel j'ai eu la chance de collaborer.
D'une façon générale, un système d'information en réseau performant permet d'améliorer la productivité des structures qui les mettent en oeuvre. Espérons que les déclarations du gouvernement dans ce doamine ne resteront pas du domaine de l'incantation.
3/ Réduire le poids de l'état dans les domaines qui pourraient bénéficier de l'apport du secteur privé ou associatif
De nombreux ouvrages ont montré que dans de nombreux domaines, l'intervention de l'état était soit excessive, soit carrément injustifiée, et conduisait à des résultats opposés à l'effet recherché.
Jacques Marseille, dans "le grand gaspillage", dénombre ces exemples d'inefficacité de l'intervention publique: la culture, et les aides à l'emploi en sont des exemples frappants.
En outre, dans d'autres domaines où la disparition totale de la puissance publique n'est guère envisageable (sauf d'un point de vue libertarien que je ne partage pas), une redistribution même partielle des cartes en faveur d'une concurrence accrue ou de partenariats avec le secteur privé ou associatif, rendrait l'action publique beaucoup plus efficace: assurance maladie, éducation, aide sociale, logement des plus démunis, transports, ... Liste non exhaustive.
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Les économies qui résulteraient de telles réorganisations iraient bien au delà de la masse salariale de 30.000 fonctionnaires de moins annuellement. Jacques Marseille estime à 110 milliards d'Euros (700 Mds de F, pour être exact) les économies "facilement" réalisables en quelques années, simplement par des mesures de gestion intelligente de l'intervention publique et des services qui en ont la charge, et ce sans réduction du périmètre des services assurés à l'individu.
110 Milliards d'euros, c'est le produit annuel de la TVA, le double du produit de l'impôt sur le revenu. Imaginez le boom économique qui s'ensuivrait si cet argent était laissé dans la poche des contribuables au lieu d'être injecté dans des bureaucraties contre-productives.
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La proposition de Francis Mer est le premier pas vers la reconstruction d'une France malade de l'hypertrophie de son secteur public. Espérons que le gouvernement saura s'en saisir et la mettre en oeuvre de façon intelligente.
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