Nombreux sont ceux qui critiquent le "néo/ultra/ libéralisme" au motif qu'il ne semble pas avoir produit partout des effets bénéfiques, et notamment dans la plupart des pays en voie de développement.
Le décalage entre le niveau de vie des pays "installés" (G8 élargi), et celui des nations émergentes ou ex-communistes peut choquer en première analyse et aboutir à une condamnation trop rapide du libéralisme.
L'Economiste péruvien Hernando de Soto explique dans son livre "les mystères du capital", pour la première fois à ma connaissance, que si les principes de l'économie capitaliste semblent ne pas fonctionner dans ces pays, c'est parce que les systèmes de lois en vigueur n'y ont pas créé de système fiable de droits de propriété sur le foncier, l'immobilier ou les milliers de micro-entreprises qui y produisent pourtant l'essentiel de la valeur ajoutée.
Pire, les lois de ces pays posent des barrières réglementaires considérables à l'accession à la propriété ou au droit d'entreprendre, afin de protéger les classes possédantes établies. L'antithèse du libéralisme en quelque sorte.
Aussi ces micro-entrepreneurs n'ont ils pas de moyen de garantir les risques inhérents à l'entreprise avec des titres de propriété. Ils ne peuvent pas vendre, louer, échanger, fusionner des biens ou des parts sociales. Leur activité s'exerce le plus souvent sous une telle insécurité juridique que cela empêche que des investissements lourds y soient effectués.
Hernando de Soto remarque en outre que ces systèmes de gestion de droits de propriété performants ne se sont pas facilement mis en place dans les pays industrialisés (18-19ème siècle), et que le décollage de la révolution industrielle dans ces pays est étroitement corrélé à la naissance de ces fondations juridiques modernes.
Aussi pose-t-il le postulat, amplement justifié par l'exemple et les contre-exemples, que tant que des systèmes de garantie et de formalisation abstraite ("titrisation ?") de la propriété individuelle ne fonctionneront pas normalement dans les nations les moins riches, alors tout espoir de développement économique et social durable profitant à une majorité sera illusoire.
Le livre de M. Soto n'est hélas pas en vente dans sa version française, mais un de ses textes a été traduit par l'institut Euro 92. Il résume parfaitement l'argumentation et les expériences de l'auteur.
Joseph Stiglitz, prix nobel d'économie (je dois vérifier l'année. Entre 1997 et 2001) et peu suspect de libéralisme débridé (il est régulièrement taillé en pièce par les économistes de l'école Autrichienne sur Mises.org...) fait des constats qui vont dans le même sens à propos de l'ex Union Soviétique, dans son livre "la grande désillusion", ou il critique non pas la mondialisation comme ont voulu le faire croire les pseudo-économistes d'Attac, mais une certaine façon de conduire la transition à l'économie de marché en dehors des principes de droit.
Selon lui, avoir voulu faire fonctionner les entreprises d'état de lex URSS sous un mode capitaliste avant d'avoir jeté les bases d'un système moderne de garantie et de gestion des droits de propriété a conduit au vol de l'appareil productif russe par une minorité mafieuse qui a trouvé plus facile de rentabiliser son "acquisistion" en la liquidant qu'en la développant, ce qui n'aurait pas été possible si les acheteurs de ces entreprises avaient du en payer les parts à leur vraie valeur (je simplifie un peu, l'argument de Stiglitz est plus évolué).
Bref, il n'y a pas de développement durable, pour reprendre un terme à la mode, sans mise en place d'un système garantissant la propriété individuelle et la liberté d'agir dans le respect des droits de propriété d'autrui. Ce qui est l'essence même du libéralisme.
De là à en déduire que entre les différents pays développés, ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui garantissent de la meilleure façon ces mêmes droits est un pas que je franchis allègrement pour ma part.
A quand un Nobel pour de Soto ?
via euro92
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