Sauf si vous venez de passer 5 ans sur la planète Mars, ou dans une prison Irakienne, vous avez forcément entendu parler de “ développement durable ”, le nouveau concept branché indispensable dans la panoplie du politicien moderne, au point que notre président va l’inclure dans la constitution de notre beau pays par le biais d’une charte adossée à la constitution, rien que çà.
Mais au delà des mots, que recouvre exactement ce concept ? Le développement durable est "un développement permettant aux générations actuelles de subvenir à leurs besoins sans obérer la capacité des générations futures à satisfaire les leurs". Soit, mais si l’on veut creuser plus loin, comment cet objectif peut-il se matérialiser ?
Sur les sites officiels de notre gouvernement, l’on apprend que le secret du développement durable réside dans "l’équilibre" du développement économique par un développement socialement plus équitable et respectueux de l’environnement. Donc, pour que la planète se développe “ durablement ”, “ harmonieusement ”, il faut préserver un “ équilibre ” entre développement économique, progrès social, et respect environnemental.
Si on le lit vite, cela peut paraître sensé, et c’est sans doute pour cela que le concept semble rencontrer une certaine popularité auprès du public. Après tout, chacun n’aspire-t-il pas à plus de “ progrès économique ”, de “ progrès social ”, et à un environnement agréable et sain ?
Pourtant, une telle définition ne peut que faire bondir le lecteur un tant soit peu initié aux principes du libéralisme. Cherchez bien, çà saute aux yeux. Vous ne voyez pas le gros manque, le “ bug conceptuel ” qui se cache derrière cette logorrhée lénifiante ?
Pour vous mettre sur la voie, essayez de penser à ce qu’un coréen du nord, un cubain, ou un iranien, peuvent penser de cette définition. Ca y est, vous y êtes ? Mais oui, bon sang mais c’est bien sûr, nos théologiens du développement durable ont omis de préciser qu’il était difficile de concevoir un tel progrès sans développement des libertés individuelles ! Oui, chers lecteurs ébahis, un pouvoir despotique pourrait, si l’on en croit la définition officielle, favoriser le développement durable s’il respectait le sacro-saint “ équilibre ” entre développement économique, social, et environnemental, quand bien même il massacrerait annuellement quelques centaines ou milliers d’opposants.
Le clergé de l’écologie politique me taxera de mauvaise foi. "La référence à la démocratie est implicite", me dira-t-on. Il n’empêche que la définition officielle du développement durable ne fait aucune référence au développement des libertés individuelles comme une condition absolument nécessaire au développement, qu’il soit "durable", "agréable", "harmonieux", "satisfaisant", voire même "bandant", de l’humanité.
Cette omission n’est pas secondaire. Elle est critique.
Car dans les régimes ou les libertés individuelles sont bafouées, et leurs droits corollaires (propriété, résistance à l’oppression) itou, il est assez délicat d’envisager un développement durable pour chaque individu. Celui ci peut à tout moment subir les agressions de l’appareil totalitaire et voir sa vie ou le fruit de son travail lui échapper : la durabilité du développement ne saurait donc être garantie dans de tels régimes.
"Soit, la démocratie est donc un préalable", me rétorquera-t-on, "mais si ce préalable est réalisé dans un pays ou une partie du monde, la définition du développement durable ne vous paraît-elle pas pertinente ?"
Et bien "Non, votre honneur". Le respect des libertés individuelles et plus généralement des droits naturels de l’individu (vie, liberté, propriété, résistance à l’oppression, cf. Déclaration des DDH de 1789) n’est pas un simple préalable à un développement harmonieux durable de l’humanité. Il en est le socle, la source, le cœur, la sève, le terreau, le catalyseur.
Pas de libertés d’entreprendre, pas de progrès économique. Pas de respect des droits de propriété, pas d’incitation à entreprendre. Ces vérités premières sont suffisamment connues, même s’il se trouve encore quelques nostalgiques des utopies social-marxistes pour ne pas l’admettre. Je ne m’y étendrai pas.
Mais ces libertés sont également les seules garantes de vrais progrès sociaux et de respect environnemental. Là, je sens poindre un certain scepticisme chez les moins convaincus de mes lecteurs. Pourtant, cela se démontre aisément.
Commençons par le progrès social. Celui ci peut se définir selon deux principes : égalité de tous devant le droit, et capacité d’une société à fournir aux personnes désirant contribuer à son développement en fournissant force de travail ou capital les moyens de ne pas sombrer dans la pauvreté ou l’indigence, notamment après un accident de la vie.
L’égalité en droit ne peut être parfaitement accomplie que dans un strict respect des droits individuels de toute personne, telles que les libéraux le conçoivent. Dans cette acception, aucun puissant de ce monde, aucun groupe, aucune collectivité ne peut forcer un individu à renoncer à ses libertés ou les lui confisquer, tant que la réciproque reste vraie. Si vous restreignez les libertés individuelles, alors vous donnez à une entité ou un groupe (en général, l’état, ou des personnes profitant des dérogations qu’il instaure) la possibilité de décider pour autrui ou de spolier sa propriété, sans liberté ou voie de recours du plus faible contre le plus fort ou contre la majorité.
Quant à la capacité d’une société à assurer un minimum vital aux malchanceux ou aux moins qualifiés, pourvu qu’ils se donnent un peu de peine, elle doit être financée. Et son financement sera d’autant plus aisé que ces personnes seront moins nombreuses, et que les individus payant pour la protection sociale des plus démunis seront plus riches, ce qui permettra de prélever une part minimale de cette richesse, par charité ou par impôt. La protection sociale individuelle (prévoyance, assurances) sera d’autant plus accessible que le revenu du plus grand nombre permettra de se l’offrir.
Bref, loin de lui être hostile, le développement économique est la source du progrès social. Et pas de liberté, moins de développement économique, et la source est tarie.
"Mais", me direz vous, "si l’accroissement des richesses ne profite qu’à un petit nombre, où est le développement harmonieux dans tout cela ?"
Dans les sociétés de liberté, où les acteurs sont libres d’accepter ou non une transaction, les forces du marché tendent à équilibrer naturellement la redistribution de la valeur ajoutée créée par les entreprises entre salariés (le travail) et actionnaires (le capital), et la possibilité pour les seconds de pressurer durablement les premiers ne peut durablement se prolonger si les salariés ont le choix entre de nombreux employeurs prospères, ce qui ne peut être réalisé que du fait d’une grande liberté d’entreprendre laissée aux détenteurs de capital. De fait, la part de la valeur ajoutée des entreprises redistribuée aux employés est stable autour de 63% depuis 30 ans en France (Source: Christian Julienne, "le diable est il libéral", ed. belles lettres). Si cette valeur ajoutée s’élève en valeur absolue, ce qui là encore est le cas lorsque les individus, libres d’agir, améliorent sans cesse leur productivité, alors la part reçue par chacun augmente, ce qui est à n’en point douter un indiscutable élément de progrès social.
Là encore, la liberté est donc la source du progrès.
“ Oui, mais le respect de l’environnement, qu’en faites vous ? c’est bien connu, les capitalistes n’ont que faire de l’environnement, ils le détruisent, le saccagent quotidiennement ! La liberté est ici synonyme d’excès, de destruction environnementale ! ”
Là encore, une observation un tant soit peu objective du monde réel bat en brèche cette affirmation fréquente des écologistes étatistes.
Tout d’abord, observons que ce sont les pays communistes qui ont initié les plus grands désastres écologiques de notre ère : Tchernobyl, l’assèchement de la mer d’Aral, l’air saturé de poussières de charbon dans la Chine du nord, etc… Et quiconque a visité l’ex URSS a pu se rendre compte que le respect de l’environnement n’était sans doute pas une priorité des autorités communistes…
Cela s’explique fort bien : dans une économie de marché, les agents économiques sont obligés d’utiliser au mieux les ressources à leur disposition pour parvenir à un résultat. L'usage efficient des ressources qui leur sont allouées est une condition sine qua non de leur survie. En économie planifiée, de telles incitations à la raison n’existent pas.
De surcroît, une industrie qui génère des nuisances excessives ne pourra guère le faire longtemps dans un pays de liberté et de respect des droits à la vie et de propriété : le préjudice qu’elle aurait à réparer serait par trop important. En économie planifiée, les mécanismes de modération des nuisances émises sont beaucoup moins efficaces.
D’autre part, quiconque a voyagé dans les grandes métropoles des pays pauvres aura été frappé par l’état déplorable du parc automobile et l’air irrespirable que l’on y trouve, à mille lieues de ce que l’on respire à Paris, ville ou la qualité de l’air n’a cessé de s’améliorer depuis 25 ans, on l’oublie trop souvent. Mais imaginons par exemple que M. Wade, soucieux du "développement durable" au Sénégal, impose à tous les taxis Dakarois, qui assurent l’essentiel du transport en voitures particulières, de se convertir au pot catalytique. Une telle mesure condamnerait 75% des chauffeurs de taxis trop pauvres pour changer leur véhicule, à cesser leur activité. La qualité de l’air y gagnerait peut-être, mais quid de la population sénégalaise, qui ne pourrait plus exercer une certaine profession, se déplacerait difficilement, et qui serait contrainte de payer son taxi plus cher dans un contexte de concurrence réduite ? Et l’appauvrissement général consécutif à une telle décision priverait les Sénégalais des ressources nécessaires pour lutter contre d’autres problèmes, et notamment environnementaux.
Cet exemple illustre qu'il en va de la dépollution comme de la protection sociale, elle a un coût, d'autant plus finançable que l'on produit beaucoup de richesses. Les pays pauvres doivent parfois faire temporairement l'impasse sur des dommages environnementaux réversibles pour assurer la croissance permettant leur traitement ultérieur dans des conditions économiquement acceptables.
"Tout de même, les agressions perpétrées contre l'environnement par des entreprises sont nombreuses !", m'objecterez vous, et vous n'aurez pas totalement tort.
Mais là encore, dans nos sociétés, c'est l'insuffisance de la protection des droits individuels, et notamment de la propriété, qui est à incriminer. Si les personne sont libres d’agir, de s’associer, de faire valoir leur opinion, de faire respecter leurs droits de propriété, alors non seulement elles augmenteront leurs revenus, donc leur capacité à agir, mais en plus, elles feront pression contre les fauteurs de nuisances pour les contraindre à les réduire, soit en concluant des accords de réduction de ces nuisances, soit en achetant les biens les moins nuisibles (produits plus écologiques), soit par le recours à la justice pour obtenir réparation des préjudices subis, et en dernier recours, par la loi, votée librement par une majorité, toutes ces incitations poussant les pollueurs à limiter leurs atteintes à la propriété des tiers. Quant au coût de réduction des nuisances, il sera de plus en plus faible grâce au progrès technique, qui naît lui aussi de la liberté d’agir des uns et des autres.
De fait, si les dommages causés par telle ou telle entreprise (métalleurop par exemple) sont très médiatisés, on oublie souvent que l'immense majorité des entreprises occidentales a intégré depuis plus de 20 ans des exigences sans cesse croissantes en matière de respect environnemental.
La définition officielle du développement durable ignore la liberté et le respect des droits individuels comme source de "développement durable". En contrepartie, elle induit qu’il y aurait un “ équilibre ” à respecter entre trois développements par natures opposés, le développement économique, le développement social et le progrès environnemental. Une telle définition implique qu’une régulation devrait être opérée au détriment du progrès économique, pour favoriser "l’équité" sociale et éviter que l’environnement ne soit atteint. Bien entendu, une telle régulation serait d’abord étatique, et c’est hélas la direction prise par la France, entre autres au moyen de son désastreux projet de charte de l’environnement. Le développement durable "officiel" fait la part belle à l'intervention de la bureaucratie d'état pour limiter la liberté d'action des agents économiques, il sera source d'appauvrissement durable, et de moindres ressources disponibles pour financer la protection sociale et nos aspirations à un meilleur environnement.
En conclusion, la notion "officielle" d’équilibre entre trois forces apparemment antinomiques est un leurre. Les progrès sociaux et environnementaux naissent de la capacité des citoyens :
- à décider de leur avenir et faire respecter leurs droits individuels. Cela découle de leur liberté d’expression, d’association, de choix démocratique, et de l’existence d’une justice égale pour tous et efficace.
- à produire les richesses nécessaires au financement de leurs aspirations d’ordre social et environnemental, ce qui suppose la liberté d’agir, de travailler, d’entreprendre, et le respect des droits de propriété. Limiter autoritairement le développement économique conduirait à terme à réduire la protection sociale et environnementale.
Il y a une seule source de développement durable, c’est le développement des libertés et des droits individuels, ce que proposent les libéraux. Toute fausse solution visant à promouvoir le progrès social et environnemental en restreignant ces libertés produira à terme un résultat inverse à celui escompté, à cause de l’appauvrissement général qui en résultera.
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