Entendu ce midi sur France Info, radio porte drapeau officiel de la pensée politiquement correcte de ce pays, de la bouche d'un journaliste dont je tairai le nom par hygiène, afin que le bon peuple ne puisse identifier l'auteur de telles vacuités intellectuelles (de toute façon, je l'ai déjà oublié) :
"L'identité culturelle Lituanienne est menacée par la société de consommation, qui attire irrésistiblement la population vers les centres commerciaux ultra-modernes de la banlieue de Vilnius ".
Allons bon ? Passons sur le côté "cliché à deux balles" d'une telle assertion. On imagine trouver ce genre de fadaises sur un devoir d'élève redoublant de deuxième année de fac de sociologie, pas dans les doctes exposés un être supposé doué de raison et prétendument journaliste payé par ma redevance.
Imaginez un peu, cher lecteur, l'ouvrier, l'ingénieur, ou l'infirmière de Kaunas, et non l'inverse, pendant 50 ans de servage sous le joug du bon père des peuples et de ses héritiers, qui a du faire des heures de queue devant des magasins plus vides qu'une chanson de Bertrand Cantat, qui a peut être fait partie des 20% de familles que le régime communiste forçait à vivre en appartement communautaire (Komunalka) avec 9 mètres carrés par personne (la norme pour " le peuple d'en bas " décidée par le parti), qui a attendu 10 ans pour avoir le plaisir de rouler dans une jigouli (une sorte de Fiat 125 des années 60 produite sous licence en Ukraine jusqu'en 1990) dont un chômeur français n'aurait pas daigné toucher la poignée, qui a vécu dans la crainte qu'un mot de travers de sa part ne lui fasse connaître les affres de l'appareil répressif le plus impitoyable.
Imaginez le, cet homme las, sans horizon, découvrant un matin de 1990 qu'il a le droit de s'émanciper de la tutelle de ses anciens maîtres, et qui se met à travailler comme un damné, non pas pour mener la grande vie, oh non, mais pour pouvoir accéder à quelques biens tellement courants dans nos sociétés que nous les consommons sans y penser, et imaginez le rêver devant tous ceux qu'il ne peut pas encore se payer, mais qu'il sait pouvoir espérer posséder, lui ou ses enfants, si son niveau de vie continue de croître et s'il en éprouve le désir.
Imaginez le, pouvoir enfin renouveler quelques vieux meubles fatigués, réparer les huisseries de son appartement trop longtemps laissées à l'abandon, capter quelques chaînes privées finlandaises sur le satellite, imaginez le varier parfois son alimentation avec quelques produits aussi nouveaux que des fromages à pâte molle ou des ananas de côte d'Ivoire, et payer un scooter à son fils. Essayez d'imaginer ce qu'il ressent lorsqu'il se rend compte qu'enfin, ses efforts lui servent à faciliter son existence quotidienne, et pas à satisfaire la soif de pouvoir de quelque nomenklaturiste lointain dont il ne pouvait auparavant espérer le moindre retour positif.
A-t-il raison, notre nouveau "petit bourgeois", de savourer ces nouvelles perspectives ? Est il bien avisé de se ruer dans les centres commerciaux pour s'acheter des appareils de photo Japonais fabriqué à Kuala Lumpur et y manger un Mac Chicken sauce tex mex avec ses trois gosses qui peut être iront faire leurs études dans la Finlande toute proche, voire même peut être en Suède ou - horreur suprême de la mondialisation - aux Etats Unis ?
Et bien non, cher lecteur, notre radio officielle l'affirme bien haut et fort, notre bon Lituanien est une victime de la société de consommation qui menace son identité culturelle ! Vilnien, vilnienne, le grand capital te ment, la grande distribution te spolie, les multinationales s'emploient à te saigner de tout ce que tu possèdes, et plus que toute autre avanie, à diluer ton exception culturelle dans le brouet infâme de l'illusion consumériste qui telle une drogue dure, déploie ses charmes vénéneux pour mieux t'asservir ! ah mais ! Gerbe vite ton double Bacon frites, brûle ton antenne satellite, cultive tes patates dans ton kolkhoze, et surtout ne laisse pas les centres commerciaux pervertir ce que tu as de plus précieux, ton âme, que dis-je, ton identité culturelle Lituanienne !
Et que dire du gouvernement de Lituanie, qui brade l'héritage culturel Lituanien aux intérêts de la grande distribution, qu'il retrouve enfin le droit chemin ! Non à l'union Européenne ! Non à l'invasion des soit-disant bienfaits du capitalisme ! Non aux centres commerciaux ! et surtout, par dessus tout, qu'il protège l'exception culturelle Balte.
Au diable les aspirations des populations Lituaniennes au confort de nos sociétés occidentales à la culture dénaturée ! Que sont les aspirations épicuriennes d'un peuple à côté de la préservation de l'identité Lituanienne ? Qui sont ces hédonistes honteux qui utilisent leur liberté pour se jeter dans les pièges tendus par des multinationales qui ne recherchent, horreur suprême, que le profit, oui madame Michuskas, le vil profit capitaliste, sans hésiter à piétiner la culture ancestrale des policiers et infirmières de Kaunas, qui avait été si bien défendue pendant les temps heureux ou le parti communiste d'URSS veillait sur le bonheur et l'identité des pays Baltes ?
Non, cher lecteur, ne souris pas à ces quelques cyber-pitreries. Les niaiseries radiophoniques et télévisuelles de ce genre, répétées ad nauseam à l'aide de tes impôts par des colporteurs officiels de l'orthodoxie cognitive teintée de bolchevisme insidieux destiné à laver le cerveau du bon peuple, façonnent l'opinion de la masse "d'idiots utiles" (© Vladimir I. Oulianov) qui iront voter en chantant en 2007 pour ceux qui voudront te pendre. Alors va vite te vautrer dans la société de consommation pendant que tu le peux encore.
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