... A savoir: moi ?
Pourtant, je suis plutôt devenu méfiant vis à vis de nos médias "grand public". Mais il faut croire qu'"ils" sont plus rusés que moi. Mieux entraînés aussi. et qu'il m'arrive d'abaisser ma garde fort mal à propos.
Il y a quelques jours, sur la foi des éléments à ma disposition, j'écrivais en substance que "l'empressement d'Aznar à incriminer l'ETA contre les évidences qui s'accumulaient accusant les islamistes lui ont sûrement coûté quelques points qui ont pu lui être fatals." Et j'ajoutais très imprudemment que cela avait pu induire dans l'opinion espagnole des réactions de défiance vis à vis d'un chef de gouvernement "visiblement moins à l'aise en période de crise grave que dans la gestion quotidienne du pays".
A la source de mon interprétation d'alors, la croyance que l'imputation des attentats à ETA par le gouvernement espagnol ne relevait que du réflexe lié au passé sanglant d'ETA, alors que TOUS les indices collectés montraient que la piste islamiste était la plus probable. Et que n'ai-je pas entendu sur nos ondes répéter que "le mode opératoire choisi était celui des islamistes, pas celui de l'ETA". Une telle convergence de vue a endormi ma méfiance, transformant à mes yeux Aznar en dirigeant borné et voulant à tout prix que la réalité se conforme à son propre préjugé. Si, ne riez pas, j'ai écrit à peu près çà il y a moins d'une semaine.
Or, qu'apprends-je via Alain Madelin dans le Figaro, le 18 mars ? Je cite:
On aimerait pouvoir se rassurer en feignant de voir dans ce bouleversement électoral la défaite d'un gouvernement trop prompt à imputer à ETA la responsabilité des attentats de Madrid. Certes, le gouvernement espagnol a sans doute été imprudent et malhabile dans la gestion de cette crise. Mais, à sa décharge, il est facile d'observer qu'il n'avait pas besoin d'une telle imputation pour gagner les élections, qu'il a pratiqué la plus grande transparence dans les éléments d'enquête qui survenaient et que le diagnostic initial n'était pas sans vraisemblance dans un pays où les bombes ont toujours été signées ETA.
C'est là que çà devient vraiment intéressant:
Il faut rappeler, d'abord, que le 24 décembre dernier deux membres de cette organisation ont été arrêtés alors qu'ils voulaient faire exploser 45 kilos d'explosif dans un train à la gare de Madrid et que la technique du sac à dos et de la mise à feu au moyen d'un téléphone portable était, dit-on, une technique classique d'ETA. Ensuite, que la perspective de massacre à grande échelle n'était pas sans crédibilité de la part d'une organisation qui avait voulu faire sauter avec 1,6 tonne d'explosifs la plus grande tour de Madrid, l'équivalent du World Trade Center, et que le 29 février dernier deux membres d'ETA étaient encore arrêtés avec une camionnette chargée de 500 kilos d'explosifs.
Allons bon... ETA, cette organisation "qui ne s'en prenait qu'à des cibles gouvernementales", "qui téléphonait avant de commettre ses attentats", pour un peu, des "terroristes civilisés", à en croire nos journalistes, ETA donc (ou une scission groupusculaire au sein d'ETA, allez savoir...) avait déjà semble-t-il planifié de radicaliser son action et ses méthodes, et seule la sagacité de la police espagnole avait pu déjouer des attentats rès meurtriers en préparation. le 24 décembre, un attentat comparable à celui du 11 mars et commis par des terroristes basques avait été évité de justesse.
Cà change beaucoup de choses. Car alors il était normal pour le gouvernement espagnol de continuer à privilégier la piste d'ETA, et ce même après la découverte d'une camionette contenant quelques explosifs et des extraits du coran vers 15h30. Une diversion (terme emrunté à Zek) était tout à fait envisageable dans un tel contexte. Si on peut toujours reprocher à Aznar d'avoir mal comuniqué après les attentats (encore que l'on en connaisse que ce que la presse française en a rapporté), les accusations d'entêtement coupable, auxquelles j'ai cru, voire de malhonêteté, que j'ai tout de même soupçonné, tombent complètement.
Or, avez vous été assourdis par nos médias de titres ou de commentaires tels que :"le mode opératoire des attentats d'Atocha correspondait à celui employé par les terroristes basques lors des tentatives d'attentat déjouées par la police espagnole le 24 décembre" ? Je ne dis pas qu'aucun journal ne l'ait fait, je n'ai pas la prétention de les lire tous, mais force est de reconnaître que dans les principaux médias grand-public français, cette information n'a guère été mise en valeur.
Au contraire, l'empressement des mêmes médias à se faire l'écho des cris de vierge effarouchée des militants du PSOE demandant à Aznar des "explications" pour ses "mensonges"dès le vendredi soir après les attentats, paraît après coup fort suspect. Une fois encore, notre clique journaleuse gramsciste semble avoir soigneusement sélectionné dans l'océan d'informations qui nous baigne celles qui étaient le plus suceptible d'aller dans le sens de ses préjugés et a cherché à exploiter dès le début la crise du 11 mars pour se livrer à son exercice favori, une campagne de désinformation contre un dirigeant qui avait le tort d'être libéral, d'avoir fortement commencé à redresser avec succès, en huit ans, un pays dévasté par 40 ans de franquisme puis 20 ans de socialisme dans sa version la plus corrompue, et de s'opposer à la "vision" dirigiste de l'europe voulue par "l'axe franco-allemand".
Et je me suis laissé baiser. Triple buse. Pourtant, ces informations, peu présentes dans notre presse, étaient facilement accessibles, par exemple chez nos cousins canadiens. Fonder une réflexion à partir de faits rapportés par la presse française est bien difficile, tant celle ci semble avoir oublié ce qu'est une relation objective de faits (cf. ce livre), de Bagdad à Madrid en passant par Paris.
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