La droite parlementaire vient de subir un désastre électoral comparable à celui qu'avait subi la gauche en 1992, où ces mêmes régionales avaient laissé deux seules régions au PS et à ses alliés d'extrême gauche. Au delà de la brutalité du résultat, il convient de se demander si l'on a maintenant une chance d'éviter une victoire de la gauche aux prochaines élections nationales en 2007, et quelles seront les conséquences prévisibles du résultat de ce dimanche dans les prochaines années.
Pourquoi le couple Chirac-Raffarin a-t-il pris une telle râclée ?
Jusqu'à une période récente, la gauche incarnait - bien à tort selon moi, mais telle n'est pas la question - le progrès social, la "générosité" vis à vis des pauvres financée par les gains des plus riches. Les partis de droite compensaient leur relatif déficit d'image sociale en s'affichant comme des gestionnaires fiables des comptes de la nation, qui favorisaient l'entreprise donc la prospérité générale, au détriment de l'égalité sociale. Bref, la droite compensait en sérieux ce qu'elle perdait en romantisme.
Malheureusement, traumatisée par les manifestations massives contre la réforme Juppé de l'assurance maladie en 1995, puis par le lamentable échec électoral de 1997, la droite de 2002 n'a pas voulu apparaître comme socialement trop rétrograde aux yeux d'une opinion trop habituée aux systèmes d'aides multiples qui sont le quotidien de nombreux français. Elle a donc cherché à "réformer en douceur" la société française, selon ses propres termes, et surtout a cherché à gouverner sans prendre de risque politique apparamment important. Comme je l'ai déjà écrit par ailleurs, nulle trace de libéralisme dans son action. Jacques Chirac s'est même transformé en défenseur acharné des thèses alter-mondialiste (comprendre: trotskistes, ultra-protectionnistes et anti-capitalistes) en toute occasion, de Johannesbourg à Evian.
Malheureusement, cette politique étatiste, interventionniste, sans autre fil directeur qu'une démagogie à courte vue pour tenter de séduire tel ou tel lobby, bref, une politique aux méthodes socialistes pour une clientèle de droite, s'est révélée désastreuse tant au niveau de l'emploi, qui s'est légèrement dégradé depuis le départ de Lionel Jospin, qu'au niveau des comptes publics, comme le montre l'image ci dessous (honteusement copiée sans autorisation à l'agence Reuters):
la droite, moins bonne gestionnaire que la gauche ?
Les chiffres sont impitoyables: l'endettement et les déficits publics ont augmenté sous le gouvernement raffarin, alors que la pression fiscale, qui s'était légèrement tassée entre 2001 et 2002 (budget voté en 2001, donc) n'a pas pu être contractée en 2003 malgré des effets d'annonce répétés au sujet de la baisse de l'impôt sur le revenu, hélas compensé par la hausse des impôts indirects.
Bref, raffarin a fait une politique de gauche, il a obtenu des résultats... de gauche ! Et encore plus mauvais que ceux de la gauche "vraie" de surcroît.
Certes, d'aucuns diront, et ils auront raison, que Raffarin n'a pas eu la chance de Jospin. Celui ci a pu ramasser les miettes d'une croissance mondiale étonnante entre 1997 et 2001 pour afficher des comptes publics présentables (aux standards français...) sans lancer de réforme de fond autre que des catastrophes financières à retardement comme les emplois-jeunes ou les 35 heures, alors que Raffarin n'a connu qu'une période de croissance mondiale atone après les attentats du 11 septembre, ce qui a fortement contribué à réduire les rentrées fiscales et à plomber les comptes publics. Mais c'est oublier un peu vite que des réformes courageuses auraient pu créer en France la croissance endogène qui aurait pu compenser le ralentissement économique mondial. Après tout, les rigidités Françaises ont toujours conduit à ce que notre pays connaisse des taux de croissance inférieurs à ceux de nos voisins ces 15 dernières années, que la conjoncture soit bonne ou mauvaise. Ce sont ces points de croissance "interne" qui auraient pu sauver MM. Raffarin et Chirac. Mais ils n'ont rien fait pour que nos entreprises puissent aller les chercher. Les résultats sont là...
Quand le piège de la gauche fonctionne à merveille...
Hélas pour la pseudo-droite, la gauche, que l'on croyait à tort durablement rejetée aux oubliettes après la débâcle d'avril 2002, a utilisé avec un certain talent un seul argument "massue" contre la droite: toute tentative de réformette, qui mettait forcément dans la rue quelques mécontents, fut aussitôt taxée d'ultra-libérale. Tout recul, même mineur, d'une situation de privilège, fut elle parfaitement scandaleuse, fut immédiatement présentée par la gauche comme une concession inacceptable du gouvernement à la pensée "néo-libérale anglo saxonne".
Face à ces accusations, le gouvernement aurait pu jeter aux orties la langue de bois et dire aux geignards ce que la France qui bosse pense tout bas depuis trop longtemps, à savoir que les contribuables actifs en ont plus qu'assez d'être taillés en pièces pour financer les désidératas de tous les junkies à l'argent public que trente années d'énarchie ont fabriqués. Au lieu de cela, de reculade en concession, elle s'est efforcé d'essayer de ne pas froisser le ventre mou du corps électoral, de passer pour sérieuse et sociale, réformatrice et innoffensive, compréhensive et protectrice...
Raté ! Cette tactique caractérisée par une absence totale de courage politique a conduit à un vote sanction massif. Les masses françaises à qui tout le monde rabâche à longueur de colonne que "le libéralisme, c'est l'horreur économique", ont cru au mensonge de la gauche, qui de ce fait a réussi un coup de maître: apparaître comme une alternative crédible à la droite ("ultra libérale", donc), alors qu'elle n'a aucun programme (lien), et discréditer durablement le libéralisme, que la majorité populaire, gavée de faits et d'images dûment sélectionnés et mal interprétés par notre presse grand public partisane elle même accrochée aux subventions publiques, risque d'associer durablement à la parodie d'action politique à laquelle nous avons assisté depuis deux ans.
Peut on espérer un sursaut libéral de la droite ? Certainement pas après l'élection qui vient de se produire. La réforme de l'assurance maladie, rendue nécessaire par les déficits abyssaux qui s'annoncent, constituera un nième ajustement paramétrique de la situation existante, pas une modification de fond de ses principes de fonctionnement. Le gouvernement a déjà prévenu qu'il ne toucherait ni au monopole ni au caractère public de la sécurité sociale. En revanche, il envisagerait de remettre en cause la liberté d'établissement des médecins ! A quand la militarisation du travail dans le corps médical ? Les autres décisions seront à l'avenant... Bref, le gouvernement va s'efforcer de reconquérir l'électorat perdu en se montrant plus à gauche que la gauche, tout en essayant de maintenir les comptes de la nation dans un état stable, Europe oblige, ce qui les obligera à refuser quelques revendications corporatistes, à tailler dans quelques dépenses, ce qui renforcera l'accusation "d'ultra-libéralisme" proférée par la gauche... On n'en sort pas. Dans ces conditions, je ne vois pas comment la situation politique de la droite parlementaire pourrait se redresser, même en cas de croissance mondiale exogène massive.
Peut on croire à l'arrivée d'une gauche libérale ?
Il est donc pour ma part certain que la gauche va gagner en 2007, ou avant. La question est de savoir quelle gauche nous sera servie. Les "optimistes" peuvent espérer une réorientation "à la Tony Blair" de la gauche Française, sachant que celle ci sera rattrappée par le principe de réalité économique, à savoir l'impossibilité croissante de financer notre welfare state qui prend l'eau de toutes part. Pour ma part, je m'en contenterais bien volontiers, ce serait toujours mieux que la soupe actuelle...
Malheureusement, notre gauche traîne un lourd handicap que n'avaient pas ses homologues suédoises ou britanniques quand elles ont effectué leur conversion au libéralisme "soft": elle ne peut espérer de ajorité absolue sans s'allier avec les derniers marxistes du monde occidental, à savoir le PCF et les verts, et sans donner des gages électoraux à tous les électeurs attirés par les chimères altermondialistes. Il semblerait que pour exister à gauche, il faille aujourd'hui polir son image "solidaire" et "redistributrice" plutôt que de faire preuve d'audace en proposant une réforme socio-libérale de notre état providence. Ainsi l'un des rares socialistes pouvant passer pour social-libéral, DSK, fait dans la surenchère gauchiste sur son blog, essayant de gommer dans sa personnalité tout ce qui pourrait l'assimiler à un Tony Blair, un Goran Persson ou un Leif Pagrotsky. Pourtant, les commentaires laissés par certains de ses visiteurs (une minorité, certes) montrent qu'un peu de réformisme libéral de gauche n'est pas totalement inenvisageable au PS.
Nous risquons donc bien d'hériter d'une gauche "pure et dure" en 2007. Ce qui la conduira à adopter des politiques semblables à celles conduites entre 1997 et 2002: multiplication des lois "sociales" qui tueront l'emploi (les 32 heures ? L'interdiction du licenciement au premier euro de bénéfice ? La réquisition des logements vides ? de nouvelles formes imaginatives d'emplois aidés ? l'amnistie à vie pour les casseurs altermondialistes ? à vous d'imaginer le reste !) jusqu'à ce que la fuite des investissements et la destruction d'emplois privés ainsi engendrées ne nous entraîne vers une crise financière publique grave, comme celle qu'eut à subir la Suède en 92, et qui conduisit le parti social démocrate au pouvoir à totalement réviser son modèle social vers une libéralisation parfois brutale de ses services publics (source).
Vous l'avez compris, je suis incroyablement pessimiste, les chances que des défenseurs du libéralisme puissent arriver au pouvoir en France me paraissent nulles dans un proche avenir. Il ne reste plus qu'à espérer que les politiques qui seront conduites dans le futur ne conduisent pas à un écroulement rapide des fondamentaux de l'économie Française, qui restent bons, par la grâce des entreprises qui nous restent et dont les dirigeants réussissent souvent des prodiges malgré tous les handicaps que le contexte créé par nos dirigeants politiques leur impose. La France a désespérément besoin que soit entretenue la flamme d'un entreprenariat dynamique qui lui permettra, un jour, rebondir.
Les commentaires récents