Un petit éditorial d'une PME technologique spécialisée dans le calcul mathématique critique le fonctionnement actuel de la recherche Française, et préconise d'adopter des méthodes de gestion de la recherche publique se rapprochant des siennes. Extrait:
A l'heure actuelle, le credo est le suivant : les chercheurs décident seuls de leurs axes de recherche (c'est la recherche fondamentale) et, parmi leurs résultats ou leurs idées, les entreprises doivent se débrouiller pour trouver ce qui peut servir : c'est la recherche appliquée.
Cette organisation est absurde. Les chercheurs n'ont ni compétence ni légitimité pour décider des axes de recherche ; l'immense majorité d'entre eux n'ont jamais vu de leur vie un contrat, un besoin concret. Le principe même du « jugement par les pairs », qui laisse aux scientifiques le choix des sujets, est fondamentalement malsain. Et ensuite, les entreprises n'ont aucun moyen de débusquer, au sein des publications rédigées pour les chercheurs eux-mêmes, dans un jargon incompréhensible, ce qui peut avoir un intérêt pour elles.
Une organisation légitime serait définie autour d'un projet. On choisit un thème que l'on veut développer, parce qu'il est d'importance sociale, ou environnementale, ou qu'il concourt à la compétitivité ou à la défense. Qui choisit ? Peu importe :selon les cas, ce peut être un groupement d'entreprises, un Ministère, une Fondation, etc. Autour de ce thème, on organise la recherche, avec des objectifs, des évaluations périodiques, des récompenses et des sanctions. Les utilisateurs sont associés dès le début au programme, et des résultats préliminaires doivent apparaître dans les trois ou six mois.
Est-ce absurde ? Bien entendu, tout ce que la France compte comme chercheurs-fonctionnaires criera au scandale. Pourtant, c'est ainsi que la SCM fonctionne depuis maintenant neuf ans. Lorsqu'on nous passe un contrat, il s'agit presque toujours d'une question difficile, pour laquelle les solutions existantes ne donnent pas satisfaction.
Dans le même document, dont j'espère qu'il ne changera pas d'adresse web, quoique j'aie des doutes, on trouve deux petits bijoux relatifs aux crédits d'impôt recherche et au statut "d'entreprise innovante" instauré par les lois Dutreil, qui prouvent que lorsque l'état veut favoriser l'entreprenariat, même avec les meilleures intentions du monde, les effets pervers de son action risquent toujours de surpasser largement les bénéfices attendus. Je cite intégralement car l'adresse du document ne me parait pas pérenne:
Crédit d'impôt recherche
Pendant trois ans (1998-2001), nous avons été inscrits sur la liste des entreprises éligibles au « crédit d'impôt recherche » (CIR) ce qui signifie que, si une entreprise A faisait appel à nos services, elle pouvait déduire de ses impôts non pas notre facture (ce serait trop simple) mais la moitié, non pas de notre facture (ce serait encore trop simple), mais de l'accroissement des dépenses de recherche résultant de notre facture. Personne n'a jamais utilisé ce système et nous n'avons pas demandé à être reconduits sur la liste.
Le nouveau dispositif Dutreil, dans son immense sagesse, vient encore compliquer ceci. Dorénavant, ce ne seront plus 50 % de l'accroissement, mais 45 % de l'accroissement plus 5 % du volume. On sent confusément qu'il manque un logarithme quelque part pour atteindre l'apothéose.
Notons en outre que, dans ce nouveau schéma, les dépenses de recherche confiées aux organismes publics comptent double, ce qui, sur le plan des principes, est complètement inadmissible et crée une distorsion de concurrence. A qualité de prestation égale, il serait plus avantageux pour une entreprise A de faire appel à un labo public qu'à nous-mêmes, puisque la déduction fiscale est plus importante. Cela ne nous inquiète pas beaucoup, mais nous avons soumis cette iniquité à l'appréciation de M. Raffarin.
Catastrophe
Une catastrophe majeure a été évitée de justesse. Un nouveau statut de PME « innovante » vient d'être mis en place, assorti de divers avantages fiscaux. Si nous avions brigué cette distinction,
* Nous aurions dû faire la preuve de notre caractère innovant. Nous aurions présenté nos activités devant quantité de conseils scientifiques mal disposés, qui nous auraient objecté : « ici il faut faire comme ceci, là il faut faire autrement » et auraient exhibé à l'appui de leurs dires quantité d'études académiques contredisant les nôtres ;
* Pour rechercher un caractère innovant, nous aurions dû développer des machins bizarres et sophistiqués, des fractals, des trucs chaotiques, peut-être même (quelle horreur !) du filtrage particulaire comme en font des SSII, et nos clients habituels, qui sont accoutumés à nos modèles robustes et grossiers, à notre bon sens, se seraient enfuis en hurlant ;
* Nous nous serions habitués à ces largesses fiscales, à ces libéralités, à ces exonérations, à ces subventions. Nous aurions courbé l'échine pour les obtenir et rampé pour les conserver. Et, après leur disparition, nous n'aurions pas su nous redresser.
Mais heureusement, ces catastrophes nous ont été épargnées, grâce à une disposition très favorable dans le projet de loi : elles sont réservées aux PME d'au plus huit ans, alors que nous fêtons notre neuvième année.
On respire, effectivement...
Répétons, répétons, il en restera toujours quelque chose, que le seul moyen efficace, pour l'état, d'aider l'entreprise, est de supprimer toutes les aides à l'entreprise, de rayer de la carte administrative les bureaucraties qui vont avec, de supprimer la part des impôts qui sert à financer ces aides (comprendre: ne pas gaspiller les économies ainsi réalisées dans d'autres politiques foireuses), et de surtout ne pas se mêler des choix stratégiques ou tactiques des entrepreneurs, l'intervention de l'état devant en la matière se limiter à faire respecter les droits individuels des uns et des autres, mais rien de plus.
Document trouvé via Christian "le maître du cawa" Scherer.
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