Souvenez vous. Lors des trimestres 3 et 4 de l'année 2003, la croissance du PIB américain (en rythme annuel) a enregistré des taux record à 8,2 et 9,2% !! Des chiffres inconnus sous nos latitudes, dont le second constitue un record de ces 20 dernières années. Pourtant, un mystère demeurait: alors que ces chiffres de croissance affichaient une évolution insolente, la création d'emploi semblait totalement atone. "Seulement" 294.000 demandeurs d'emplois en moins sur les 8 mois après la fin de la guerre en Irak, çà parait beaucoup vu d'une ANPE de campagne, mais aux USA, où la population active dépasse les 150 millions d'âmes, c'est parfaitement négligeable.
Les économistes "sérieux" qui analysent les tendances lourdes de l'économie dans nos journaux et sur nos radios se perdaient en conjectures sur la source de cette mystérieuse atonie. Et les publications les plus anti américaines de trouver en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire l'argument choc:"la croissance provoquée par les baisses d'impôts injustes de George W. Bush ne profite qu'aux riches". Puisqu'on vous dit que les USA sont le pays le plus injuste du monde, un authentique enfer libéral !
Patatras, sur le seul mois de mars, la création d'emploi officielle atteint 308.000 emplois. Soit plus que lors des 8 mois précédents. Nos experts se font alors plus discrets. D'aucuns se risquent à affirmer que "usuellement, le décalage entre la croissance et la reprise de l'emploi est de 6 mois, et que cette fois ci, il a été de 9". Point barre. "Ah non ! c'est un peu court !", eut dit Cyrano de Bergerac. En fait, ce rebond à la hausse du chiffre de l'emploi était parfaitement prévisible.
Car ces analystes "sérieux" ou des journalistes économiques performants auraient pu avec un peu de jugeotte trouver l'origine du problème. De nombreux autres critères montraient que le chiffre des créations d'emplois était totalement incohérent avec tous les autres indicateurs de l'économie US. Les tensions inflationistes, la pression à la hausse sur les salaires, la faiblesse des demandes d'indemnisation du chômage, et d'autres indicateurs sectoriels, montraient au contraire l'existence d'une forte tension sur le marché du travail américain. Donald Luskin, directeur des investissements pour trends macrolytics, et chroniqueur régulier pour Capitalism Magazine, dévoile le pot au roses:
"(...)As well it should, because all along another jobs report prepared by the same government agency — but using a different methodology — has painted a different picture. Instead of the 294,000 jobs in the payroll report, the "household survey" has shown 628,000 new jobs.
Weekly claims for unemployment insurance have been running lower than they were a decade ago, when payroll jobs were expanding at eight times the current rate. The March employment index of the Institute for Supply Management is at a 17-year high. The Bureau of Economic Analysis of the Department of Commerce just calculated that average wages have been growing at more than a 5% annualized rate.
With all that evidence, it has made no sense that this one measure — the payroll report — is alone in showing such sluggish job growth. It's broken. But what exactly is wrong?
In part, it's because the payroll report looks only at jobs at existing companies and government entities. In a time of economic turnaround, when lots of people start brand new small businesses or go to work on their own, this method is going to miss a lot of the jobs being created.
Theoretically, the Bureau of Labor Statistics adjusts for this problem, by reviewing nationwide unemployment insurance data to scale-up its results to reflect new businesses that have been created. But in practice, it does this adjustment only once a year, in February. Right now, the results from February reflect the data that were available then, which went only through the second quarter of 2003 — right in the middle of the war in Iraq. A lot has changed since then in the economy, but the BLS won't revise its adjustment factors until next February.
Economist Brian Wesbury, with the bond firm Griffin, Kubik, Stephens and Thompson, has used more recent data to create his own version of the payroll jobs report. Based on this, he thinks the Bureau of Labor Statistics has underestimated job creation since last June by at least 734,000. He says he's talked to the Bureau's bureaucrats, and reports they are "set in their ways," and that they won't update their data until next February. "
En clair, la méthode de calcul retenue par la statistique officielle américaine ne prend en compte qu'avec 6 à 18 mois de retard les créations d'emplois dans les entreprises nouvellements créées, la prise en compte tardive de ces créations n'intervenant qu'une fois par an, en Février. Et voila pourquoi les chiffres de Mars sont si élevés, et les chiffres précédents si faibles. Et voila pourquoi le chiffre de mars 2005 devrait être excellent, car il prendra en compte les emplois dans de nouvelles entreprises générés par la croissance record du dernier trimestre... 2003 !!
Bref, un instrument statistique déficient élaboré par une bureaucratie refusant de remettre ses méthodes en question est utilisé par tous les médias, certains professeurs, et une partie des décideurs, dont parait-il Alan Greenspan lui même, pour analyser l'économie américaine ! L'origine de la thèse comme quoi il existerait un "décalage entre la reprise de la croissance et le reflux du chômage", ainsi que la croyance en l'existence d'une "croissance sans emploi" trouve donc au moins partiellement sa source dans une faiblesse de l'appareil statistique public américain... Mieux vaut en rire !
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