So…, qu'en est il du sort des plus pauvres, aux Usa et en France ? Les USA sont ils pour les pauvres l'enfer décrit par nos médias ? Le traitement "social" de la pauvreté affiché chez nous obtient il de meilleurs résultats ?
Pauvreté statistique dans tous les sens du terme.
On entend souvent dire sur nos ondes que "dans tel pays, tel pourcentage de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté". En France, ce pourcentage est officiellement de 11.2 % et aux USA, de 12.1% (chiffres Insee et Census 2002). Ces chiffres ont deux gros inconvénients:
- ils sont calculés selon des méthodes différentes
- Et surtout ils ne veulent pas dire grand chose.
En France comme dans toute l'Europe, le taux de pauvreté est défini par rapport à un certain pourcentage du revenu médian des individus ou des ménages selon leur composition. Ainsi, le seuil de pauvreté Français est défini pour une personne seule comme 50% du revenu individuel médian, soit 602 Euros en 2001. Pour un ménage de plusieurs personnes, on ne va pas simplement multiplier ce seuil par le nombre de membres du ménage, pour tenir compte des économies d'échelle réalisées lorsque l'on vit à plusieurs: un couple partage la même chambre, la même salle de bains, la même cuisine, le même équipement ménager, et les enfants supplémentaires en partagent une partie. Aussi l'Insee utilise la notion "d'unité de consommation", égal à 0.5 pour la seconde personne adulte composant le foyer, et 0.3 pour chaque enfant de moins de 14 ans. Ce choix risque de faire grincer des dents à quiconque élève des enfants ou des préadolescents. Considérer que les besoins de consommation d'un enfant ne sont égaux qu'à 60% de ceux du deuxième adulte du ménage ne paraît conforme à l'expérience vécue par bien des parents, mais passons. Toujours est il que pour un couple avec deux enfants, pour déterminer le seuil de pauvreté, il faudra multiplier le seuil individuel (602Euros/mois) par un coefficient égal à (1+0.5+2*0.3)=2.1, soit 1264 Euros par mois (8291 francs) après impôts, ou encore: 15168 Euros/an.
La méthode consistant a fixer le seuil de pauvreté à partir de 50% du revenu médian est d'une consternante stupidité, et bien que des dizaines d'auteurs aient souligné son ineptie, je m'étonne qu'on l'utilise encore.
En effet, avec une telle définition, un pays comme le Bengladesh ou le Mozambique, où 70% de la population vit avec un revenu de misère mais où sans doute très peu de personnes vivent avec moins de "la moitié du revenu médian", parce que le revenu "médian" s'apparente déjà au revenu "minimum", comporterait moins de pauvres que tout pays d'Europe, où il existe une classe moyenne significative. Vous avez dit "idiotie" ?
Cette définition est donc inadaptée aux pays émergents. Elle ne l'est pas plus aux pays développés. Imaginons un pays qui partirait d'un spectre de revenus relativement linéaire (cas de la France, voir note précédente), et qui, en quelques années, grâce à une politique idoine, verrait le revenu de sa classe moyenne croître en flèche, et le revenu de ses pauvres rester constant (en pouvoir d'achat) selon les deux courbes ci dessous:
Dans une telle situation, alors qu'aucun ménage ne verrait son pouvoir d'achat se réduire, le taux de pauvreté augmenterait significativement, suite à l'augmentation du revenu médian, donc du seuil de pauvreté. Vous avez dit "Shadock " ?
C'est pourtant ce type de définition ubuesque qui est retenue par de nombreuses publications pour affirmer que "la pauvreté augmente dans les pays de l'est de puis la fin du communisme", ou qu'il y a "40 millions de pauvres aux USA", voire 60 millions, pourquoi se gêner. Pour les premiers, cette augmentation du seuil est due à l'éclosion d'une classe moyenne, pour les seconds, nous verrons plus loin ce qu'il faut penser de cette affirmation.
Les USA et le Canada ont choisi une autre méthode a priori moins imbécile pour déterminer le seuil de pauvreté réel de leurs habitants, mais néanmoins très imparfaite. Ils déterminent le coût moyen d'un "panier de consommation minimal" en dessous duquel une famille est supposée se situer en dessous du seuil de pauvreté. Pour un couple avec deux enfants, le seuil est fixé à 18556 US $ par an. Rapprochons le du chiffre Français réajusté en $US-PPA: 15168*1.1=16684 US $.
Le seuil de pauvreté statistique retenu par les politiques est donc 11% plus élevé aux USA. Je pourrais gloser à l'infini sur cet écart, mais inutile: même si à la base, le chiffre US est moins idiot que le nôtre, il est pratiquement aussi dépourvu de signification car:
- Comme le chiffre Français, il ne tient pas compte de l'Aléa géographique: or 15168 Euros ne représentent pas la même chose à Paris ou à Poitiers (86), et 18856 dollars ne donnent pas le même pouvoir d'achat à New York et à Albuquerque.
- Il ne tient pas compte du capital accumulé ou hérité par les pauvres lors de leurs bonnes années, ni des éventuelles dettes.
- Il ne tient pas compte de tous les transferts sociaux, notamment le revenu pris en compte n'inclut pas l'EITC.
- Le "panier type" est défini bureaucratiquement et prend en compte avec retard les évolutions de consommation vers des nouveaux produits moins chers que les anciens.
En fait, lorsqu'on étudie de près le niveau de vie réel des pauvres statistiques, tant en France qu'aux USA, on constate que l'indice statistique prend en compte aussi bien des ménages "modestes" que des ménages réellement dans le besoin, voire "en détresse". Le tout est de savoir quelle est vraiment la proportion de personnes "en détresse" parmi les "pauvres statistiques".
Quel est le niveau de vie réel des pauvres aux USA et en France ?
Tout d'abord, il est à noter que les statistiques françaises sur le niveau de vie des pauvres sont rares (je suppose que certaines sont payantes, puisque certains auteurs les citent) alors qu'il est assez facile de trouver des études de ce type aux USA. L'Heritage Foundation (think tank conservateur) a compilé l'essentiel des données issues du dernier American census et Americain Housing Survey pour 2002.
Première surprise, le logement: 46% des ménages pauvres américains possèdent leur logement (la statistique ne dit pas quelle est la proportion de possession intégrale et celle "en cours de crédit") en 2002 (contre 68% pour l'ensemble des ménages américains). En France, 28% des ménages pauvres possèdent intégralement leur logement et 7% sont en train de le payer, soit un total de 35% (ensemble des ménages: 57%). Paradoxe: Alors que le chiffre américain est en progression constante depuis le début ddes années 80, le chiffre français se dégrade puisque le taux de pauvres propriétaires de leur logement était de 46% en 1987 (35 full/11 en cours de paiement), soit le taux américain actuel. Très clairement, dans les deux pays, toutes les pauvretés "ne se valent pas", avec un chiffre Brut en léger avantage pour les USA.
Les critères de surpeuplement des logements sont apparemment différents des deux côtés de l'atlantique. En fait, en prenant pour critère de base le nombre de pièces de vie par habitant, on constate que les nombre de pièces retenus pour définir un surpeuplement "modéré" ou "grave" sont les mêmes dans la plupart des cas courants, le critère Français est plus draconien d'une pièce pour les familles monoparentales, le critère américain est plus sévère d'une pièce pour pour les familles comportant deux enfants ou plus de moins de 7 ans. Les chiffres sont donc tout à fait comparables. Il apparaît que selon ce critère, 20% des logements de familles pauvres sont surpeuplés en France (15% modérément, 5% sévèrement), contre 5.7% aux USA (4.4/1.3). Là encore, le chiffre Français n'est pas ridicule, loin de là, mais la situation outre atlantique est meilleure.
Les logements des pauvres américains sont ils des taudis infects ? Eh bien non: plus des deux tiers ont l'air conditionné (inutile de rappeler qu'en France, l'absence de cet équipement a été à l'origine d'une hécatombe lors de la canicule de 2003), le nombre de logements de pauvres pour lesquels on note soit le manque d'eau courante, soit l'obligation de partager les sanitaires avec un autre logement, est de 2% (France: 7% des ménages pauvres, 2.5% de tous les ménages, forte amélioration depuis 1988, source pdf), le pourcentage de logements de pauvres ayant d'autre "graves problèmes" (chauffage, fissures graves,…) est de 2% (chiffre français non trouvé), le pourcentage de logements de familles pauvres ayant des problèmes "légers" (vétusté légère, humidité) est de 9% (France: non trouvé).
Le taux d'équipement automobile, ménager et Audiovisuel des ménages pauvres américains est, en gros supérieur ou égal selon les catégories d'appareils à ce qu'ils étaient pour les familles moyennes en 1970 (cf. cette compilation de sources officielles réalisées par l'Heritage Foundation):
Les statistiques concernant la pauvreté enfantine, la santé, la nutrition démentent là encore les affirmation les plus catastrophistes sur l'état des USA. ; Notamment, la faim chez les enfants pauvres s'est considérablement réduite depuis 1996, date de transformation de l'ADFC (welfare) en TANF (workfare). Le premier problème des enfants pauvres américains est l'obésité, pas la malnutrition. L'un dans l'autre...
Le coup de grâce nous est asséné par la comparaison des tailles moyennes des logements des deux côtés de l'atlantique:
nations | m2 par personne |
USA, tous ménages | 67 |
USA, ménages pauvres | 40 |
Europe, moyenne tous ménages | 37 |
France, tous ménages | 35 |
Danemark, tous ménages | 52 |
Pays bas, tous ménages | 41 |
Allemagne, tous ménages | 39 |
Royaume uni, tous ménages | 35 |
Suède, tous ménages | 43 |
Un ménage pauvre américain dispose en moyenne d'autant d'espace, voire un peu plus, qu'un ménage moyen Français, allemand, anglais, suédois, néerlandais. Seul les ménages danois moyens sont mieux lotis, et restent très en retrait de la surface disponible pour les ménages américains moyens.
Comment expliquer une telle opulence ? une grande partie de la réponse nous est donnée par les études sur la dynamique de la pauvreté aux USA, régulièrement effectuées par le Census Bureau (source pdf). La dernière remonte à la période 1996-1999. On y apprend entre autres que en prenant pour base les revenus mensuels,
- 51% des ménages restent pauvres moins de 4 mois
- 19% de 5 à 8 mois
- 9% de 8 mois à un an,
Soit 80% de ménages qui restent pauvres moins de 1 an lorsque survient un épisode de pauvreté. Ce chiffre doit être tempéré par le fait que certains peuvent connaître des épisodes de pauvretés répétitifs entrecoupés de brèves sorties de la pauvreté.
Mais l'étude montre que sur 100 familles pauvres en 96, 50 ne le sont plus en 99.
En fait, la pauvreté concerne surtout les nouveaux entrants sur le marché du travail, jeunes et immigrants récents, dont nous avons vu en note précédente qu'ils étaient fort nombreux, ainsi que des personnes qui subissent des accidents de parcours. La progression salariale est très régulière aux USA. Une étude de la progression des revenus du trésor US de 79 à 88 (désolé, rien de plus récent) a montré que 86% des personnes qui se situaient dans le quintile inférieur en 79 avaient atteint un quintile plus élevé en 88. L'OCDE, pour la période 88-93, dans son étude sur la distribution des revenus dans divers pays de 1996, montre que sur 100 familles dans le quintile inférieur en 1988:
- 25 y étaient resté en 1993
- 33 figuraient dans le deuxième quintile (P20-40)
- 42 figuraient dans un des trois quintiles supérieurs (P40-100)
En 1995, 59% des salariés au minimum fédéral (2 Millions de salariés, soit moins de 1.7% de la population active…) avaient moins de 24 ans. En 1997, le travailleur US de la tranche d'âge 45-54 ans touchait en moyenne 50% de plus que le travailleur de 25 à 34 ans, alors que la différence n'était que de 20% en 1979. La progression tient à la mutation tertiaire de l'économie, le secteur tertiaire assurant traditionnellement des progressions de carrière supérieure à celles de l'industrie.
Cela remet d'ailleurs légèrement en cause l'affirmation comme quoi les USA seraient un pays à la distribution de revenus très inégalitaire (cf. note précédente). En effet, c'est vrai à un instant T, mais si on considère le déroulement des revenus des ménages sur une vie, et si on considère que la plus grande partie des ménages "commencera en bas" et finira en haut, alors l'inégalité des ménages devant les revenus apparaît beaucoup moins grande.
Pauvreté Chronique et Homelessness.
L'étude dynamique du census Bureau montre que la pauvreté constante sur la période 96-99 concerne 2% des ménages pauvres. Au total, 9% des ménages pauvres sur la période l'ont été plus de deux ans, soit 1.08% des ménages totaux. Au delà de ces statistiques, 30% des ménages pauvres affirment avoir eu des problèmes pour faire face à leurs dépenses essentielles (loyer, factures, crédits) en 2002. 30% de 12% font 3.6%. La moitié de ces ménages ont connu ce problème de façon chronique, ce qui nous amène à 1.8%.
Il apparaît donc que la plupart des ménages pauvres aux USA bénéficient d'un standard de vie qui est bien celui d'un pays riche, et doivent être qualifiés de "modestes" plutôt que de pauvres, que la plupart sont destinés à ne pas rester longtemps pauvres, mais que environ 20% de ces "statistiquement pauvres", soit 2% des ménages, sont dans un état de pauvreté chronique et connaissent parfois ou souvent un état de détresse financière. 2% de "pauvres réels", c'est aussi le chiffre auquel était parvenu une étude de l'université du Texas en 1989; contre 13% en 1964 et 31% en 1949 ! La encore, les progrès de l'économie américaine ont été foudroyants, mais il semblerait que l'on arrive à une sorte de palier difficilement compressible à 2%, soit environ 6 millions de personnes.
Parmi ces personnes, on compte un certain nombre de sans logis. Il faut noter que bien que ces sans logis soient très difficiles à recenser, les USA mettent en œuvre tous les 10 ans environ des grands recensements de leurs SDF, les derniers ayant eu lieu en 1987 et 1996. Sur une semaine type, en 1996, le nombre de SDF a varié de 444.000 à 842.000. Sur un jour, le nombre de SDF recensés variait en 96 de 267.000 à 462.000, soit entre 0.1 et 0.2% de la population à un instant T donné.
L'Urban institute, plutôt aligné à gauche, sur la base des chiffres hebdomadaires, estime que sur une année, ce sont 2.3 à 3.5 Millions de personnes qui seront concernés par la perte de leur domicile sur une plus ou moins longue période (0.8 à 1.3% de la population américaine). Ce chiffre me paraît exagéré compte tenu de la base de calcul retenue, la moyenne hebdomadaire du nombre de sans domicile. En effet, un autre résultat de l'enquête 96 montre que environ 30% des sans logis le sont pendant moins de 3 mois et 30 autres pour cent le sont plus de deux ans. Il est rassurant de constater que l'essentiel des sans logis est composé de personnes seules (i.e. en cas de problème, les gens trouvent d'autres solutions pour leurs enfants), et que le taux de sans logis de "courte durée" est plus important pour les familles que pour les individuels. Selon une conférence des maires de grandes villes, la durée moyenne dans l'état de sans domicile est de 5 mois. (hélas, je n'ai pas trouvé la durée médiane).
En appliquant donc ces résultats aux chiffres les plus élevés journaliers (et non hebdomadaires, qui comptent des personnes qui ne sont pas sans logis sur l'ensemble de la durée de référence…), on arrive à une estimation haute de 1.400.000 personnes concernées par l'état de SDF dans une année, chiffre issu de calculs personnels et donc certainement approximatif . Ces chiffres sont élevés dans l'absolu, mais ils ne représentent que 0.5% de la population américaine, à rapprocher du chiffre parfaitement officiel de 0.3% de familles expulsées pour non paiement de loyer ou de crédit, auquel il faut rajouter des adolescents fugueurs et des mères fuyant la violence conjugale, qui constituent l'essentiel des motifs qui conduisent à perdre son domicile.
Il faut noter que 66% des SDF ne dorment pas dans la rue mais sont pris en charge par un des multiples programmes publics ou caritatifs existant aux USA: abris, bons de logement d'urgence (vouchers), programmes de logement transitoire, dont la capacité d'accueil a été triplée entre 87 et 96. En revanche, 30% des SDF dorment dans la rue ou dans d'autres endroits "inadaptés au sommeil".
Bien que faibles rapportés à la population, ces chiffres ne sauraient être considérés comme satisfaisants dans un pays aussi riche. Mais la France fait elle mieux ?
Les SDF en France
En l'absence de statistiques INSEE accessible, c'est la fondation abbé pierre qui me fournit mes chiffres sur la "mal-logeance" en France (pdf):
86.000 SDF (sont ils tous sans abri ? NSP), 41.000 personnes en "habitat de fortune", (soit 127.000 personnes, soit 0.2% de la population), plus 500.000 personnes en habitat provisoire (meublés, hôtels, etc…, soit 0.8%). Malheureusement, on ne sait si ces chiffres représentent un "instantané" de la situation à un instant T ou un cumul sur une certaine période de référence. Et on ne sait pas grand chose de leur mode de calcul. La fondation Abbé Pierre signale toutefois une augmentation récente des demandes de prise en charge, de même que les restaurants du cœur. La tendance actuelle serait donc mauvaise.
Les chiffres Français et US sont visiblement calculés trop différemment pour être comparables finement. Toutefois, si on compare les pourcentages invoqués, on constate, en étant "gentil", que les performances de la France et de USA sont parfaitement comparables. La France, malgré la prétention d'universalité de son "modèle" (ahem !) social, ne fait visiblement pas mieux que les USA dans ce domaine, malgré des dépenses sociales publiques supérieures.
Pauvres et modestes en France:
En l'absence de statistiques INSEE fines accessibles gratuitement sur les modes de vie des plus pauvres en France, je me vois contraint de me référer aux écrits de deux auteurs, Jacques Marseille et Christian Julienne, qui citent l'Insee (je suppose qu'il s'agit de sources payantes accessibles dans toute bonne biblio universitaire).
Comme aux USA, le niveau de vie moyen des pauvres a augmenté du fait que le rapport prix/revenus moyens des principaux produits de consommation (alimentation, automobile, équipement ménager, etc…) s'est effondré entre 1973 et 2002. Comme aux USA, il faut diviser la pauvreté statistique entre "ménages modestes", qui ont une bonne probabilité de sortir de cet état, et ménages réellement pauvres qui ont des difficultés à quitter la pauvreté et à faire face aux dépenses essentielles. Mais en l'absence d'études fines accessible gratuitement, il semble difficile de déterminer où se place la barrière entre les uns et les autres. Toutefois, l'économiste C. Julienne estime, à partir de la persistance dans le RMI, ou des données sur le chômage de longue durée, bien plus élevé en France qu'aux USA (69% de chômeurs de plus de 6 mois contre 17%), on l'a vu en note précédente, que le noyau dur de la pauvreté chronique en France concerne 4 à 5% de personnes, à rapprocher de 2 % aux USA. Une fois de plus, le chiffre Français n'a rien de catastrophique, mais il est plus mauvais que le chiffre américain, aux réserves sur le manque de statistiques officielles près.
Que retenir de cette note et de la précédente ?
- Les taux officiels de pauvreté de la plupart des pays industrialisés ne veulent rien dire et ne font pas la part des choses entre "ménages très modestes" et ménages "vraiment pauvres". Ils ne tiennent pas compte de l'évolution du revenu des ménages sur une vie et surestiment la pauvreté réelle.
- Les USA, présentés (caricaturés devrais-je dire) comme un enfer ultra libéral par notre presse et notre classe politique, font mieux que nous en matière de niveau de vie des moins favorisés, même s'ils n'ont pas trouvé le modèle idéal, loin s'en faut. Nous verrons dans le futur que certaines de leurs difficultés, notamment en matière de logement des très pauvres ou de santé, ne sont peut être pas dues à un excès de libéralisme mais à des insuffisances en ce domaine.
- En contrepartie, les USA font considérablement mieux que nous (et que la plupart des pays d'Europe) en matière de niveau de vie des non-pauvres.
Plus généralement, alors que les USA sont en train d'absorber presque "naturellement" la dépression qui a suivi le dégonflement de la bulle boursière et l'effet 9/11, retrouvant des rythmes de croissance supérieurs à 4% l'an, la France arrive en fin de cycle, à bout de souffle, et les possibilités de son "modèle social", qui jusqu'à il y a peu offrait des performances certes loin d'être optimales, mais tout de même présentables, sont en train de s'écrouler: les inscriptions au RMI explosent, le chômage repart à la hausse, les déficits publics et la dette nationale semblent hors de tout contrôle, de nombreuses dettes cachées et non provisionnées de l'état obèrent gravement son avenir, les zones de non droit se multiplient, les jeunes diplômés vont chercher massivement leur bonheur ailleurs, les vieux diplômés touchés par le chômage acceptent de guerre lasse des boulots sous qualifiés, la corruption reste endémique même si la presse se montre curieusement discrète à ce sujet (oil for food scandal ? vous avez dit scandale ?), etc., etc; etc… Les signes d'une dérive à l'anglaise d'avant 1979 ou à l'Espagnole version Gonzalez se multiplient, et nos gouvernants se mettent la tête dans le sable et se cantonnent à des réformettes que nos syndicats paléolithiques mettent un point d'honneur à ralentir ou à bloquer.
Même s'il n'est pas question de dire qu'il faut adopter en tout point le modèle américain, (nous pouvons et nous devons faire mieux !) celui ci devrait nous inciter à remettre en question un certain nombre de nos dogmes sociaux, sans tabous, et à considérer que pour favoriser les plus pauvres, il faut développer nos capacités à créer des richesses, pas les brider. Nous verrons dans les notes suivantes comment améliorer notre efficacité économique et sociale, sans laisser les moins chanceux de côté, à partir de solutions libérales.
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