Un des principaux objectifs de toute politique sociale qui se respecte est "d'augmenter le pouvoir d'achat et notamment celui des plus démunis". Pour parvenir à cette fin, plusieurs approches sont envisageables.
La première, d'inspiration interventionniste et par là même socialiste, consiste à fixer par la loi un certain nombre de règles censées assurer un revenu minimal à tous. Ces règles sont principalement:
- L'instauration d'un salaire minimal.
- Un code du travail censé interdire les licenciements.
- Un système fiscal et social fortement redistributif imposant des pressions élevées à ceux qui gagnent "beaucoup" et permettant à diverses catégories de personnes (chômeurs où en dessous d'un certain niveau de revenu) de toucher divers compléments d'origine sociale. Les revenus sociaux représentent aujourd'hui 36% du revenu total des Français.
- Le versement de subventions à certaines corporations ou certaines entreprises que le pouvoir politique, pour des raisons souvent électoralistes, juge "plus égales que les autres".
Cette approche apparemment généreuse et pétrie de bonnes intentions (en fait, démagogique au possible) se heurte à de nombreux effets pervers bien connus, mais qu'il convient de rappeler:
- Eviction du marché du travail des personnes dont la faible qualification ne permet pas de produire assez de valeur pour qu'un employeur les embauche au SMIC surtout quand celui ci est notoirement élevé et subit à répétition des augmentations supérieures au coût de la vie. Ce phénomène touche essentiellement des personnes sorties de notre merveilleux système scolaire sans qualification, ainsi que des immigrés en provenance des pays pauvres. Le SMIC, progrès social ou instrument d'exclusion ?
- Freins à l'embauche à cause de la difficulté de licencier. De nombreux patrons préfèrent délocaliser lorsqu'ils le peuvent plutôt que de risquer de se retrouver face à une difficulté importante en cas de retournement de conjoncture. D'autres multiplient les stratégies de contournement du code du travail (postes subventionnés, stages bidon, CDD répétitifs) qui renforcent la précarité des revenus là où le code du travail est censé apporter une protection, ce qui laisse beau jeu aux ennemis du capitalisme de dénoncer "les excès de l'ultra libéralisme" par ailleurs.
- Des pressions fiscales marginales trop élevées qui constituent un frein aux ambitions productrices de richesse et donc d'emploi. Toutes les expériences récentes d'abaissement massif des taux d'imposition marginaux ont conduit à des surcroîts de rentrées fiscales en provenance des ménages les plus riches et entreprenants, comme l'ont abondamment prouvé les travaux d'économistes tels qu'Alvin Rabushka, James Gwartney et Arthur Laffer.
- Distorsion de concurrence au détriment des entreprises non subventionnées: ce que l'on appelle la "prime à la médiocrité".
Tout cela se paye cash: Nous avons vu précédemment (ici et là) que la France souffrait d'un chômage élevé, de longue durée, et que le niveau de revenu des personnes après impôts était médiocre comparés à d'autres pays du G8, et que nos résultats en matière de lutte contre la pauvreté étaient très inférieurs à ceux obtenus par les USA, pourtant présentés comme le symbole de "l'horreur économique" par notre microcosme intello-médiatique. Est-ce à dire qu'il n'est pas possible de mettre en place des politiques favorisant la progression du pouvoir d'achat sans effet socialement pervers ?
Fort heureusement, non. Il existe une autre façon, bien plus efficace, d'augmenter le pouvoir d'achat, dont nos politiciens ne nous parlent jamais parce que ce sont d'aimables démagogues, dont notre presse parle peu car elle se vautre dans la superficialité, mais que de nombreux économistes ont fort bien décrit, et que l'humanité pratique fort heureusement depuis la nuit des temps. Ce moyen, c'est l'investissement productif. En quoi cet investissement là est il un excellent développeur de pouvoir d'achat ?
Lorsqu'un entrepreneur investit et crée un produit qui réussit, ce succès provient du fait que sa production comble un besoin de façon moins onéreuse que ce qui existait auparavant, voire même un besoin impossible à satisfaire à un coût solvable auparavant. Quelques exemples parmi des millions:
- Lorsque Renault réussit à fabriquer une voiture de qualité ouest-européenne à 5700 Euros pour les pays de l'est (la Logane, fabriquée en Roumanie), il améliore considérablement le pouvoir d'achat des populations à qui Renault destine ce véhicule. Parce que des dizaines d'entrepreneurs agissent de même dans d'autres secteurs, le pouvoir d'achat des pays de l'est augmente considérablement, quoi que vous en disent "Alternatives Economiques" et "Marianne".
- Sans aller jusqu'à Bucarest, lorsque Renault (Encore...) invente un truc génial appelé "Scénic", il met à disposition des familles un volume habitable roulant qui nécessitait auparavant d'investir dans des berlines bien plus coûteuses. Renault améliore donc considérablement le pouvoir d'achat des familles plus ou moins nombreuses, et pousse le reste de l'industrie automobile à suivre le mouvement.
- Lorsque Carrefour déploie un système de distribution permettant d'abaisser les coûts de la logistique nécessaire à la vente, tout en me permettant d'accéder à un nombre de références auparavant inimaginable, Carrefour améliore mon pouvoir d'achat. Lorsque son concurrent Metro invente un autre modèle de distribution qui fait baisser les marchandises de "premier prix", Métro améliore mon pouvoir d'achat. Et le votre aussi, cher lecteur !
De surcroît, contrairement à une idée que certains contempteurs du capitalisme essaient de propager, les emplois créés dans les industries et services les plus innovants sont en moyenne mieux payés que les "vieux" emplois, parce que la productivité supérieure de ces salariés permet de verser des salaires individuels plus élevés. Ainsi, Renault est réputé pour verser en Roumanie des salaires nettement plus élevés que la moyenne. En augmentant le pouvoir d'achat du consommateur Roumain et Polonais, Renault augmente aussi le "pouvoir de s'employer" des habitants du bassin d'emploi de ses usines, et donc pousse les salaires à la hausse. Ce qui est un élément essentiel du progrès social.
Quant aux emplois détruits chez les concurrents des employeurs les plus performants, leur nombre est très largement compensé par les créations permises dans les entreprises innovantes, a qui les gains de pouvoir d'achat dans le public permettent de trouver des débouchés autrefois indisponibles. Ce processus vertueux est appelé "destruction créatrice de valeur".
Il est d'une efficacité redoutable, bien plus forte que celle découlant des contraintes légales à finalité sociale. L'economiste Jacques Marseille, dans "la guerre des deux France", compare les durées de travail au salaire moyen nécessaires (en minutes) pour acheter certains produits en 1973 et maintenant:
article | durée 1973 | durée 2002 |
1kg d'oranges | 40 | 13 |
1kg de faux filet | 376 | 118 |
1 kg de poulet PAC | 111 | 19 |
1 ampoule électrique 75W | 30 | 6 |
12 oeufs | 61 | 19 |
Impressionnant, non ?
De même, le taux d'équipement dans tous les appareils ménagers et de loisir a considérablement augmenté, le confort intérieur des logements aussi. Il faut en moyenne moins de 7 mois de revenus d'un ménage médian pour acheter une voiture "moyenne" contre 11 mois en 1973, et bien entendu le produit actuel n'a plus rien à voir avec celui d'il y a 30 ans.
Les gains de productivité, loin de "remplacer l'homme par la machine", ont permis à tous profiter de la réduction des coûts des produits "anciens" et ont ainsi permis de dégager le pouvoir d'achat supplémentaire pour permettre l'essor de nouveaux produits comme le téléphone fixe puis portable, les enregistreurs TV (magnéto puis DVD), la micro-informatique, liste interminable et non exhaustive.
L'investissement productif, plus que toute mesure législative contraignante, est le meilleur moteur d'amélioration du pouvoir d'achat des ménages. Pour stimuler ce phénomène, il convient de ne pas poser de freins à l'envie d'entreprendre naturelle de nombre d'individus, ni à la faculté des entreprises existantes d'innover et d'investir: Fiscalité marginale acceptable pour ne pas pénaliser la réussite, tracasseries administratives minimales, flexibilité du marché du travail, sécurité des investissements grâce à un bon respect des droits de propriété et une monnaie solide, taux d'intérêt bas grâce à une bonne maîtrise des déficits et de l'inflation. En revanche, les politiques favorisant une redistribution "sociale" des revenus créent une amélioration passagère du pouvoir d'achat des plus faibles, amélioration bien vite "mangée" par la réduction des investissements, et donc de la croissance, provoquée par le surcroît de pression fiscale ou de ponction sur la valeur ajoutée des entreprises nécessaire à leur financement, sans parler de leurs effets généralement désastreux sur les finances publiques.
Mais tant que nos politiciens seront persuadés qu'il est électoralement plus "vendeur" d'annoncer des hausses du smic, la création de telle allocation, de telle prime, de telle subvention, de telle grande loi "contre les délocalisations", plutôt que d'expliquer aux français qu'il faut libérer la capacité d'innover qui est en eux, et de mettre en place le cadre juridique et fiscal qui le permette, un système dans lequel le gouvernement serait le moins présent possible, alors gageons que longtemps, les performances économiques et sociales de ce pays resteront d'une insigne médiocrité.
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