En France comme dans bien d'autres pays, lorsqu'il s'est agi de soustraire certains services jugés indispensables à tous (santé, éducation, logement, réseau électrique, poste...), à la pure logique de marché pour en faire des services sociaux, trois choix se sont présentés au législateur:
- Permettre aux individus démunis de disposer de suffisamment de revenus pour accéder à l'offre privée (subvention = aide à la personne)
- Agir par la loi pour faire en sorte que les contractants aisés paient un surcoût permettant de proposer des tarifs plus bas que le prix du marché aux plus défavorisés. (réglementation de l'activité privée)
- Créer un service public (local ou national) à accès universel, financé au moins en partie voire en totalité par l'impôt, permettant à tous un accès soit "gratuit" (ex: école), soit à prix modéré (ex : HLM), au service en question. Ce qui constitue une "aide à la structure", et qui est devenu au fil du temps "l'aide à la bureaucratie".
Au lendemain de la guerre et dans les années 60-70, y compris dans les pays de tradition libérale, c'est cette troisième voie qui a le plus souvent été retenue. D'un point de vue libéral, ce choix s'est souvent avéré funeste.
Du service public à la bureaucratie publique paralysée et inefficiente
Dans ce contexte, surtout dans un état ultra centralisé comme le nôtre, se sont développées d'énormes monstres bureaucratiques appelés services publics, qui ont vu croître leur poids dans l'économie de façon parfois démesurée, et qui connaissent aujourd'hui pour la plupart des crises majeures. La sécu n'en finit pas d'être réformée sans que les déficits ne se comblent, les offices HLM faillissent de plus en plus à leur mission de logement "social", l'école publique est gagnée par la médiocrité, la violence, et est de plus en plus inégalitaire, l'insécurité atteint des niveaux sans précédent, on recense plus de 600 "quartiers à problèmes" (comprendre: zones de non droit)… Et j'en oublie encore.
Ces institutions n'étant pas tenues d'être rentables, c'est à dire d'utiliser efficacement la ressource fournie sans limites ou presque par le contribuable, elles se sont révélées progressivement très dispendieuses, pour une efficacité de plus en plus contestable. Or, l'argent pris en excès dans la poche du contribuable et mal dépensé, on l'a vu, génère moins de richesses pour la population, pour des résultats sociaux finalement pas meilleurs pour les moins aisés. (notes III et IV du feuilleton)
D'où deux questions que l'on peut se poser face à une telle situation:
1- A tout prendre, les inconvénients des solutions basées sur l'offre privée et le marché ne sont ils pas moins nombreux ?
2- Financer l'accès à des services privés pour les plus démunis ne permettrait il pas de parvenir au même résultat pour un coût bien plus faible pour le contribuable ?
A travers le cas de l'éducation (je me réserve le logement et la santé pour plus tard), tentons de répondre à ces légitimes interrogations.
La lente débâcle de l'éducation socialisée
Si l'on devait pointer un exemple flagrant d'échec de la politique "d'aide à la bureaucratie", l'éducation nationale Française serait l'exemple type qui concentre sur lui la plupart des défauts rencontrés épisodiquement ailleurs.
Les dépenses intérieures d'éducation en France en euros constants 2002 sont passées de 53 .4 milliards en 1975 à 103.6 milliards en 2002, soit une augmentation de 94%. (source officielle, pdf). Cette augmentation est elle due à un nombre d'élèves plus important ? non, il a très peu augmenté pendant cette période. La dépense par élève (euros constants 2002) est passée de 3480 à 6470 Euros, soit +86%.
La France consacre 6.9% de son PIB à l'éducation. Si on prend en compte la seule dépense intérieure de formation initiale, le taux atteint encore 6.1%. Jacques Marseille, dans "la guerre des deux France", rappelle ces pourcentages pour tous les pays de l'OCDE en 2002: le pourcentage Français figure parmi les plus élevés, encore que je ne sois pas certain que le périmètre des enveloppes soit le même dans tous les pays. A titre indicatif: Allemagne 5.6%, Finlande 5.8%, Canada 6.6%, USA 6.5%, Suède 6.7%, Japon 4.7%, Pays bas 4.7%, Suisse 5.9%, UK 5.2%…
87.2% de cette dépense est assurée par le secteur public (état et secteur para administratif 66%, collectivités 21% en arrondissant), 6.4% par les entreprises (essentiellement en formation continue), 6.4% par les ménages.
Pour ce prix, les élèves français sont ils mieux formés qu'ailleurs ? Hélas, l'enquête de l'OCDE "regards sur l'éducation" de 2002, basée sur des test internationaux (PISA, programme international de suivi des acquis, également appelées PIRLS dans d'autres publications) auxquels la France s'est soumise, montre que si 7 états (sur 23 testés) dépensent plus en pourcentage, 15 obtiennent de meilleurs résultat quant au nombre d'élèves achevant le cycle secondaire.
Les jeunes Français de 15 ans ne se placent qu'au 14ème rang pour la compréhension de l'écrit, au 16ème rang pour le pourcentage d'élèves à "acquis élevés", au 11ème rang pour le nombre d'élèves ne disposant pas des connaissances élémentaires (15%…), 12ème en "culture scientifique", 9ème en culture mathématique… Jacques Marseille constate qu'il n'y a pas vraiment de corrélation, dans l'échantillon de pays testés, entre le niveau de la dépense publique d'éducation et celui des élèves.
Pas de quoi se taper la tête contre les murs, mais pas de quoi pavoiser. Surtout, les inégalités de niveau entre les élèves sont très fortes chez nous (16ème rang). Enfin, la France a refusé de se soumettre à la comparaison de "dispersion de niveau entre établissements", à savoir l'écart entre les "bons" et les "mauvais" collèges. Dans des pays comme la Finlande ou la Suède, la valeur des établissements se révèle assez constante pour de bons résultats globaux.
La perversité de la carte scolaire, un exemple typique de mesure de nature socialiste
Il y a fort à parier que le résultat Français eut été... désastreux. En effet, le placement des élèves dans les écoles est régi par une "carte scolaire" qui oblige en théorie les parents à inscrire les enfants dans l'établissement de leur quartier. Le résultat de cette politique, combiné avec celle du logement qui a conduit à créer des cités (ghettos ?) HLM pauvres géographiquement localisés, a été de condamner les plus défavorisés à frayer entre eux dans des établissements le plus souvent "à problèmes", les habitant des beaux quartiers continuant à bénéficier des services "gratuits" de lycées comme Louis le Grand et Henri IV (Paris), le Parc (Lyon), Fermat (Toulouse), Kleber (Strasbourg…), qui attirent les meilleurs professeurs et les plus expérimentés, là ou les lycées des banlieues chaudes doivent se contenter d'accueillir des "sorties d'IUFM" qui ne pensent qu'à fuir au plus vite ces lieux de travail fort désagréables.
Bien entendu, la carte scolaire offre des dérogations permettant à certaines catégories privilégiées et aux familles suffisamment éduquées pour naviguer dans le labyrinthe administratif d'éviter les établissements les plus pourris. Ainsi les enseignants peuvent scolariser leurs enfants ailleurs que dans leur quartier s'ils n'y travaillent pas. D'une façon générale, un enseignant peut choisir à peu près librement le lieu de scolarisation de sa progéniture. De même, en choisissant des secondes langues ou des spécialités rares enseignées dans des bons lycées, on peut s'affranchir de la carte scolaire.
Enfin, les parents aisés ou prêts à tout sacrifier pour l'éducation de leurs enfants, mais qui n'ont pu résider dans le quartier de leur lycée cible, n'hésitent pas à y louer une chambre de bonne, voire à soudoyer des concierges pour que leur nom figure sur une boite au lettre d'un immeuble bien placé. Notre système, qui se veut égalitaire, engendre en fait une sélection féroce par l'argent ou le passe droit, mais une sélection souterraine, perverse et honteuse, qui ne dit pas son nom.
L'enseignement en France n'est même pas "à deux vitesses", selon l'expression consacrée, mais à dérailleur. Toujours selon M. Marseille, si 10% des collèges accueillent moins de 20% d'élèves "défavorisés", 10% en accueillent plus de 64%. Dans ces établissements, 17% des élèves souffrent de retard scolaire contre 5% dans l'ensemble du secteur public. Encore faut il savoir que les "standards" du retard scolaire sont beaucoup plus bas dans ces établissements faibles.
Des méthodes pédagogiques contestables
Pour permettre d'afficher une progression du nombre d'élèves bacheliers, on a transformé le baccalauréat en une usine à gaz comportant des dizaines de filières techniques et professionnelles dans lesquelles les examinateurs sont priés d'avoir la notation "souple" et "généreuse". Ayant eu l'occasion de corriger de nombreuses copies de Français de concours administratifs niveau BAC, ciblant surtout des bacheliers de ces filières, je puis certifier que le niveau y est tout simplement désastreux, tant en orthographe et grammaire qu'en déroulement d'une argumentation.
Il faut dire que l'ultra centralisation des méthodes d'enseignement et des programmes a abouti à des aberrations dont nous payons parfois le prix fort. Les têtes pensantes de la rue de Grenelle ont voulu imposer l'apprentissage de la lecture par la méthode globale, jugée "plus moderne" que la méthode syllabique, dans les années 70. Résultat, 80% des enfants qui consultent des orthophonistes pour dyslexie sont des victimes de cette méthode globale.
De même, des conceptions "sociales" de l'éducation ont conduit nos énarques, avec le soutien des syndicats de gauche qui tiennent la place, à modifier certains enseignements pour que "les parents aisés ne puissent pas aider leurs enfants" au détriment des enfants de parents les moins éduqués. C'est ainsi que la primauté à l'enseignement du Français a été balayée au profit de la sélection par les mathématiques, jugée plus démocratique, à partir des années 70. Le résultat est que le taux d'élèves entrant en classe préparatoires en provenance de milieux aisés n'a jamais été aussi élevé (plus de 75%). Plus récemment, on a assisté à une tentative de refonte complète de la grammaire par des linguistes, remplaçant les notions connues de tous les parents (sujet verbe complément) par un charabia que même les enseignants avouent ne pas maîtriser. Heureusement, nombre de professeurs n'ont pas suivi le mouvement.
Une GRH archaïque
La formation continue des enseignants, notamment dans le primaire, est consternante, l'essentiel de cette formation étant issue de sessions que l'on peut tout au plus qualifier d'information, intitulées "conférences pédagogiques", et où des inspecteurs généraux qui n'ont manifestement pas vu de classe depuis 20 ans viennent porter la bonne parole du saint siège devant des assemblées de plusieurs dizaines de personnes. Les témoignages d'enseignants qui essaient de résister à cet univers kafkaïen et à appliquer des "bonnes vieilles" méthodes d'enseignement qui ont fait leurs preuves se multiplient, méthodes classiques qu'ils sont souvent obligés d'utiliser presque clandestinement.
La gestion des effectifs de l'éducation nationale est digne de figurer au Guiness Book de la shadokerie. Il faut plus de deux ans pour compiler les statistiques nécessaires pour recruter les enseignants dans les différentes matières. Le résultat est que chaque année, il manque des enseignants dans certains domaines et il y a pléthore dans d'autres. Afin de ne pas perdre de postes autorisés, les chefs d'établissement de départements sinistrés comme le 93 n'hésitent pas à déclarer des inscriptions d'élèves bidon pour augmenter leurs effectifs. L'éducation nationale compte 1.341.000 employés dont 894.000 enseignants. Et encore une part non négligeable des enseignants n'enseignent plus. Cela fait une proportion de 50% de salariés pour les activités support par rapport aux enseignants, de la R&D au nettoyage en passant par la comptabilité et les directions d'établissement. Vous avez dit "mammouth" ?
Les professeurs français de lycée sont en Europe ceux qui travaillent le moins. Ils ne peuvent pas être obligés d'enseigner plus d'une seule matière, contrairement à leurs homologues des pays voisins. En revanche, le taux d'absentéisme se porte quant à lui très bien.
Vous me direz: "oui ,mais il existe un enseignement privé, ceux qui ne sont pas contents de l'éducation nationale n'ont qu'à y aller".
L'enseignement privé en France est pour la plus grande partie conventionné avec l'état. Cela veut dire que les salaires sont pris en charge par l'administration et que l'école s'engage à suivre les programmes officiels. En contrepartie, les frais d'admissions annuels sont peu élevés et ne correspondent évidemment pas au prix de revient de la prestation effectuée. Les écoles "privées conventionnées" offrent des tarifs souvent inférieurs à 200 Euros/an (cas des collèges de province) alors que le coût d'une année dans une école réellement "libre" et non conventionnée se situe souvent entre 4000 et 5000 Euros (à Paris). Soit tout de même environ 10% à 25% de moins que le coût "éducation nationale + Collectivités locales"…
Université: la misère et l'élitisme
Jacques Marseille dresse également un tableau sans concession de la misère de l'université Française. Paradoxalement, alors que les dépenses globales explosent, la France est le seul pays du monde industrialisé où la dépense pour un étudiant est plus faible que pour un lycéen. Les locaux universitaires sont d'une vétusté sans nom, les amphithéâtres débordent, les bibliothèques universitaires sont exiguës, les heures d'ouvertures sont indigentes, le budget de toutes les BU françaises est inférieur… à celui de la seule bibliothèque du congrès à Washington. Les unités de recherche universitaires Françaises sont des monstres d'improductivité, très mal classées dans les comparaisons internationales: si, dans une comparaison de 27 pays de l'OCDE basée sur les publications internationales, nous sommes encore 6ème en ingénierie (merci à nos classes prépa et à nos grandes écoles d'ingénieurs…), nous atteignons une poussive 14ème place en recherche médicale, et une catastrophique 23ème dans les sciences humaines.
Face à cela, la France a développé un système ultra élitiste de classes préparatoires scientifiques, commerciales et littéraires, réservées aux meilleurs élèves, dont 75% proviennent de milieux aisés mais financées par tous les contribuables, aux règles de travail et de discipline strictes, mais qui forment un pourcentage très minoritaire de l'ensemble des étudiants. Ces classes permettent d'accéder à des écoles "gratuites" (écoles d'ingénieur) ou payantes (commerce) qui font notre fierté mais qui, dans les comparaisons internationales, souffrent d'un manque de reconnaissance évident par effet d'émiettement et manque de masse critique.
Résultat: un taux de chômage 5 fois plus élevé pour les sorties de cycle universitaire que pour les diplômés des grandes écoles, et 88% des diplômés de grandes écoles parviennent à des postes d'encadrement, contre seulement 67% des titulaires de 2nd cycle universitaire. Seulement 1/3 des diplômés de 2nd cycle non scientifique ou médical occupent un emploi stable (CDI) 3 ans après la fin de leurs études !
Sans aucune sanction possible pour des résultats aussi piteux, les universités (sauf quelques cas isolés comme Dauphine ou Compiègne…) refusent toute remise en cause, toute mise en adéquation des enseignements avec les attentes du marché du travail, les relations entre universités et entreprises sont en France les plus faibles du monde industrialisé.
Bref, l'éducation en France coûte cher, n'offre que peu de libertés aux moins favorisés, mais beaucoup aux plus riches, aux pistonnés et aux enseignants, et obtient des résultats sans commune mesure avec les sommes dépensées.
En quoi une philosophie plus libérale de l'organisation de l'enseignement pourrait elle améliorer ce triste état de choses ?
Remplacer la subvention à la structure par l'aide à l'individu
Tout d'abord, mettons nous bien d'accord sur ce que l'on appelle une solution libérale: c'est une solution qui laisse le choix à tout individu. Choix d'utiliser ou non le service, choix du rapport entre le prix du service et les prestations offertes, choix dans une gamme si possible large de prestations. Dans ce cadre, qui suppose une concurrence entre différents offreurs, un service à actionnariat public n'est pas nécessairement interdit de séjour, mais il doit fonctionner avec exactement les mêmes contraintes que le secteur privé, ce qui exclut que le moindre centime de ses ressources proviennent directement du budget de l'état ou d'une collectivité.
On a vu que le coût moyen par élève scolarisé du système scolaire était de l'ordre de 6480 Euros en 2002 dont 87% de dépense publique, soit 5637 Euros par enfant (37.000 Francs). Imaginons maintenant que l'état renonce à prélever 94 milliards d'Euros (87% de 108) sur les compte des contribuables et dise à ces derniers que désormais, ils sont libres de choisir l'école de leurs enfants, l'état se contentant de définir les niveaux à atteindre aux différents stades de la scolarité, et à assurer la maîtrise d'ouvrage des examens sanctionnant les études, mais en laissant aux écoles la liberté des choix pédagogiques et en obligeant par la loi les écoles à la plus grande transparence vis à vis de l'état, des clients, et des organisations de parents d'élèves issues de la société civile. Qu'observerait-on ?
Tout d'abord, les parents étant obligés de payer pour l'éducation de leurs enfants, se retrouveraient bien plus motivés à apprécier la qualité des prestations fournies par les établissements scolaires. Il y a fort à parier que le taux de parents "démissionnaires" devant les mauvais comportements scolaires de leur progéniture baisserait en flèche. La liberté de choix pédagogique des écoles, un "benchmarking" féroce en termes de résultats, conjuguée à la liberté des parents de laisser tomber les plus mauvais établissements, provoqueraient en très peu de temps un abandon des lubies pédagogiques fondées sur des préjugés politiques et replacerait l'efficacité scolaire au centre de l'enseignement.
Certes, me direz vous, mais comment les plus pauvres feront ils pour payer l'école à son vrai coût ? parce que 5000 Euros par enfant, tout le monde ne peut pas payer.
Comment réduire les prélèvements obligatoires de 50 milliards (d'euros) sans pénaliser les moins aisés.
Actuellement, le prélèvement obligatoire sur l'ensemble des citoyens finance le mammouth bureaucratique "éducation nationale". Imaginons que l'on donne l'ensemble des dépenses publiques d'éducation (moins 5% pour les quelques fonctions de surveillance laissées à l'état…) aux familles ayant des enfants scolarisables, sous forme de "chèques éducation", libre à la famille de donner ce chèque à l'école de son choix, à charge pour celle ci d'équilibrer ses comptes sans aucun appel direct au budget de l'état: voilà qui restaurerait la liberté de choix des parents.
Mais attendez encore: n'est il pas idiot de prendre à tous un impôt pour subventionner tout le monde ? Pourquoi la TVA de madame Groseille irait elle financer les études des enfants Le Quesnoy dans un tel système, alors que ces derniers ont les moyens de payer ? Pourquoi ne pas occulter pour ceux qui le peuvent l'échelon "trésor public", pour plus d'efficacité ?
On pourrait parfaitement imaginer que le chèque éducation soit donc dégressif en fonction du revenu du ménage et du nombre d'enfants à scolariser. La courbe ci dessous montre comment pourrait varier le financement public de l'école dans un tel cas de figure, par rapport à la situation actuelle où "tout le monde paye pour tout le monde".
dans l'exemple que j'ai choisi, les familles les plus pauvres (P0-P20) recevraient un chèque éducation égal à 100% du coût moyen constaté des études par enfant scolarisé, les familles "moyennes basses" recevraient en fonction de leur position dans l'échelle des revenus un chèque "partiel couvrant entre 0 et 100% de ce coût. Quant aux 50% les plus aisés, ils paieraient directement l'établissement de leur choix. Bien sûr, il est loisible de positionner les seuils différemment, c'est un choix politique.
Ceux qui sont familiers avec le calcul intégral pourront constater en voyant la courbe ci dessus que le coût du financement public à consentir pour financer un tel système est égal à 35% de la somme actuellement consentie, vu les paramètres retenus. (Ceux qui ne sont pas familiers de ces calculs: il faudra me faire confiance sur parole. Il est minuit et je n'ai pas envie de parler de calcul intégral)
Et encore, ceci en supposant que le coût d'un chèque éducation "à 100%" soit égal au coût actuellement constaté par l'éducation nationale. Or les écoles privées non conventionnées se situent, on l'a vu, un cran en dessous du coût moyen des écoles publiques. En positionnement la valeur maximale sur cette valeur moyenne constatée dans le privé "hors convention", et non sur le coût moyen EN, l'on pourrait encore diminuer la facture. En gros, ce sont entre 40 et 60 milliards d'Euro, soit à peu près les recettes de l'impôt sur le revenu, ou entre le tiers et la moitié de celles de la TVA, qui pourraient être laissées dans la poche du contribuable.
"Trop facile", me direz vous, "les familles non-modestes devront bien payer pour l'éducation de leurs enfants, vous ne réduisez pas la dépense d'éducation, vous ne faites que réduire la part publique de cette dépense au profit de la part privée".
C'est partiellement vrai et faux. Il est probable qu'à qualité égale, le coût total de l'enseignement baisserait, surtout si les familles pauvres pouvaient se faire "rembourser la différence" s'ils trouvent une école moins chère que la valeur du chèque. Toutefois, vu la propension (inexplicable, selon Pierre Desproges…) des adultes à vouloir "ce qu'il y a de mieux" pour leurs têtes blondes, il n'est pas impossible que les parents choisissent librement de privilégier des solutions plus luxueuses et donc d'augmenter leurs dépenses d'éducation. Si c'est un choix libre, tant mieux.
Autre intérêt d'un tel système: les seuils P20/P50, et la valeur du chèque à 100% pourraient être fixés arbitrairement la première année, mais ensuite, rien n'empêcherait le montant du chèque d'être indexé sur l'inflation, ainsi que les niveaux de revenus correspondant aux inflexions de la courbe, alors qu'en général, les revenus réels des ménages suivent plutôt la croissance du PIB/, qui est le plus souvent supérieure en terme courants. Oui je sais, c'est un peu techno, tout çà pour dire que plus les années passeraient, plus le coût de financement de la mesure par rapport au PIB baisserait, et plus le pourcentage de ménages subventionnés baisserait sans que personne de bonne foi n'y trouve à redire.
Ce système de chèque-éducation, appelé "education voucher" en pays anglophone, est expérimenté dans certaines provinces canadiennes, et dans quelques états US. La très sociale démocrate Suède a transformé dans une version à peine moins libérale son système en public "à la Française" en faillite par un système proche du chèque éducation, où les chefs d'établissements reçoivent un budget en fonction du nombre d'inscrits, sans qu'il y ait de carte scolaire, et doivent ajuster leurs charges à ces recettes coûte que coûte, leur pédagogie étant totalement libre dans le cadre d'objectifs fixés par le ministère, lesquels tiennent en quelques pages. Naturellement, les établissements les moins performants sont sous la pression permanente des financeurs (en l'occurrence, les collectivités locales, qui financent les établissements).
Je voulais prendre le temps de réfuter en détail toutes les critiques qui pourraient être adressées à cette proposition, mais je m'aperçois, horreur, qu'u-blog ne permet pas les posts de trop grande longueur. je vais esquisser quelques questions-réponses dans les commentaires, histoire de dire que j'ai pensé sinon à tout, du moins à beaucoup de choses. C'est que ça pense, des fois, un libéral ;-)
Conclusion :
A chaque fois qu'un service public est créé, il tend à devenir une bureaucratie au mauvais rapport qualité prix. Remplacer ces aides aux bureaucraties par des aides à l'individu en restaurant sa liberté de choix est bien souvent une meilleure approche pour résoudre les questions de nature sociale.
Lectures complémentaires: Fondation Milton Friedman, à propos des "education vouchers". SOS Education, l'éducation nationale et ses faiblesses mises à nu.
Nouveaux chiffres officiels, que vous pouvez trouver ici: http://www.education.gouv.fr/cid20645/cout-de-l-education-2006-evaluation-provisoire.html
PDF détaillé, rempli de stats (ça devrait t'intéresser Vincent ;)): http://media.education.gouv.fr/file/97/1/20971.pdf
Je cite:
«En 2006, la France a consacré 121,4 milliards d'euros à son système éducatif, soit 6,8 % de son PIB (produit intérieur brut) et 1 920 euros par habitant. La dépense d'éducation a été multipliée par 1,8 depuis 1980 en euros constants ; elle est quasi stable depuis 2002. En 2004, hors formation continue, la France, avec 6,1 % du PIB consacrés à l'éducation, se situe au-dessus de la moyenne des pays de l'O.C.D.E. (5,8 %).
En 2006, la dépense moyenne par élève ou étudiant est de 7 160 euros, variant de 4 990 euros pour un élève du premier degré, à 8 810 euros pour un élève du second degré, et 9 370 euros pour un étudiant. Ainsi une scolarité menant sans redoublement de la maternelle à un baccalauréat général et technologique peut être estimée à 102 080 euros.»
A ce prix là, l'enseignement doit être d'excellente qualité, hein? Mais non voyons, TOUS les élèves qui rentrent en 6ème par exemple maîtrisent parfaitement la lecture, l'écriture, les mathématiques, de vrais génies en culotte courte j'vous dis!
Et combien coûte une école privée, déjà (dont la qualité d'enseignement est, de l'avis quasi-général, meilleur que les écoles publiques)?
Ah zut, ça coûte moins cher! Mais non ce ne peut être possible, il est bien connu que la soif infinie pour le profit des horribles capitalistes ne peut rendre cela possible!
Et puis arrêtez, «l'éducation n'est pas une marchandise», sales ultra-libéraux apôtres de la mondialisation capitaliste tueuse d'enfants et génératrice de pauvreté et d'inégalités!
Rédigé par : Mateo | vendredi 21 décembre 2007 à 05h48