En France, la narration presque exclusivement pro arabe, pro palestinienne, faite par notre presse du conflit israélo-palestinien conduit une grande partie de l’opinion à attribuer sinon en totalité, du moins en grande partie, les torts du conflit à Israël.
Ainsi, pour beaucoup de gens de bonne foi, seule l’intransigeance d’une partie de l’extrême droite Israélienne, dont le point d’orgue fut l’assassinat d’Ytzahk Rabin, a empêché la concrétisation des accords d'Oslo, qui auraient permis au peuple palestinien et Israélien de se développer conjointement et en paix. Certes, des attentats ont bel et bien été commis par le Hamas et le Hezbollah contre des israéliens après les accords d’Oslo, mais ces attentats ont été rendus possibles par les bombardements de l’armée israélienne contre la police de l’autorité palestinienne, ôtant à Arafat sa capacité à rétablir l’ordre contre ces branches intégristes dissidentes. Le ralliement d’Arafat à la dernière intifada dite ” du mont du temple ” ne s’explique que par l’intransigeance des gouvernements israéliens successifs qui n’ont pas voulu mettre en route leur quote-part des accords d’Oslo.
Cette vision nous est rebattue presque chaque jour par une presse qui a depuis longtemps oublié ce que l'objectivité et la prise de recul par rapport aux faits voulaient dire. Parmi les représentants de cette nouvelle classe de pseudo-journalistes utilisant leur métier pour faire passer coûte que coûte leurs opinions personnelles auprès du public plutôt que de l’informer, Georges Malbrunot, récemment rendu célèbre pour de mauvaises raisons, pourrait être cité en exemple.
L’ouvrage de Karin et Michel Calvo, avocats de profession (au barreau de Paris puis à celui d’Israël), sobrement intitulé "le dossier Arafat", présente une vision totalement différente de la réalité géopolitique proche-orientale. Selon eux, le premier responsable, pour ne pas dire le seul, de l’échec du processus de paix entre Israël et Palestiniens, et du déchaînement de violence meurtrier actuel, est Yasser Arafat.
Propagande pro israélienne ? Coup monté par une coalition américano-sioniste, basée sur des pseudo dossiers du Mossad ? Rien de tout cela. Les auteurs utilisent comme source d’information quasi-exclusive les discours tenus par Arafat et ses principaux collaborateurs au sein du FATAH et de l’autorité palestinienne, qu’ils mettent en relation avec la chronologie des faits, attentats et périodes de “trêve”, pour démontrer, sans le moindre doute, que la signature des accords d’Oslo par Arafat n’a jamais été considérée par ce dernier comme la fin des hostilités avec Israël, mais comme une simple concession tactique visant à donner aux palestiniens une base arrière stable pour fomenter de nouvelles attaques contre l’état Hébreu.
M. et K. Calvo ont écrit ce livre à l’appui d’une plainte déposée auprès de la justice française contre Arafat, au nom des victimes de nationalité Française de l’Intifada. Aussi leur argumentaire se devait-il d’être précis, détaillé, et difficilement réfutable. De fait, le réquisitoire est implacable ! L’accumulation des preuves contre Arafat est accablante. De tous les discours tenus par Arafat et ses proches, il ressort sans la moindre ambiguïté que:
- Arafat a toujours tenu un double discours, policé et pacifiste en langue anglaise devant des assemblées occidentales, belliciste, jihadiste et antisémite primaire devant les opinions arabes. Ce fait avait déjà été amplement documenté par l’institut MEMRI.
- Arafat a toujours considéré que les accords d’Oslo ne signifiaient pas la fin de la lutte pour un état palestinien ” du Jourdain à la mer ” dont toute présence juive aurait été expurgée, sauf à l’extrême rigueur sous statut de dhimmitude. Arafat compare ces accords à ceux conclu par Mahommet à Hudaibiya avec une tribu concurrente en l’an 627, accord qui lui permirent d’obtenir un répit providentiel pour renverser un rapport de force défavorable et reprendre par la force la ville de La Mecque quelques années après, sans aucun respect des accords conclus. Instruits par cet exemple, toutes les mouvances jihadistes considèrent que les accord de paix signés avec des infidèles ne les engagent pas au delà d’une courte période, que le rapport normal entre la “nation des croyants” et les nations infidèles est la guerre sainte, que leur seul engagement est celui du Jihad. Il est donc extrêmement hasardeux de leur faire confiance…
- Arafat n’a toujours pas tenu sa promesse d’Oslo de modifier la charte de l’OLP en y incluant la reconnaissance d’Israël. Pour rappel à ceux qui ont la mémoire courte, la charte actuelle prévoit la destruction de l’état hébreu.
- Arafat a toujours tenu lui-même le rôle de ministre de l’éducation au sein de l’autorité palestinienne dès qu’il en a eu le contrôle. Or, depuis cette date, les ouvrages scolaires (financés en partie par l’UE, soit dit en passant) à disposition des enfants palestiniens sont totalement antisémites, et conditionnent les enfants des territoires pour devenir la chair à canons qui alimentera le Jihad.
- Arafat a encouragé l’enrôlement systématique des enfants de Cisjordanie et Gaza dans des camps d’endoctrinement péri-scolaires où l’on apprend aux petits palestiniens le maniement des armes, et la haine des juifs. Les parents qui protestent contre cette utilisation de leurs enfants à ces fins ignominieuses subissent des pressions énormes et sont souvent victimes de représailles par les hommes de main du Fatah et de sa branche terroriste, les martyrs d'Al Aqsa.
- Les enfants les plus jeunes, ainsi conditionnés, sont systématiquement utilisés par les terroristes comme bouclier humain lors des "manifestations spontanées" contre "l'occupant". Lorsque l’un d’entre eux est tué, l’exploitation médiatique de ce tragique événement est systématiquement préparée à l’avance, donnant aux palestiniens beau jeu de dénoncer ” la barbarie des représailles israéliennes ”.
- Tuer un maximum de femmes et d’enfants israéliens lors des attentats est une consigne clairement donnée aux terroristes, pour accentuer au sein de l’opinion israélienne la scission entre les pacifistes et les partisans d’une ligne dure. Le choix des cibles et des modes opératoires est clairement établi en fonction de cet objectif.
Enfin, et ce point est essentiel,
- Entre la signature d’Oslo en 1993, et la nouvelle intifada de septembre 2000, la plupart des attentats commis ne l’ont pas été contre la volonté d’Arafat mais avec son consentement. La trêve obtenue juste avant l’élection d’Ehud Barak, jugé avec raison plus ” tendre ” que Netanyahu, prouve que Arafat, s’il le voulait, pouvait parfaitement obtenir la paix et contrôler le Hamas et les autres mouvances non officiellement inféodées au FATAH. Enfin, les discours d’Arafat rapportés à la chronologie des faits prouvent que ces mouvements ont agi le plus souvent en bonne intelligence avec lui, et pas contre lui. Arafat a augmenté la pression terroriste lorsqu’il voulait favoriser une victoire électorale de la ligne dure en Israël, représentée par le Likoud, et a baissé la pression lorsqu’il pensait pouvoir obtenir des concessions intéressantes de l’aile travailliste, jugée plus pacifiste. Ainsi, l’Intifada dite ” du mont du temple ” a-t-elle été planifiée pour favoriser l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon, car Ehud Barak était prêt à faire des concessions qu’Arafat n’aurait pu refuser sans que sa mauvaise foi n’apparaisse de façon patente.
A ce stade, vous pourriez me rétorquer, chers lecteurs, qu’il n’est pas dans l’intérêt d’Arafat de voir le Likoud au pouvoir, ce parti étant jugé moins accommodant envers la cause palestinienne que la gauche israélienne. Vous commettriez là une erreur de jugement majeure.
Il est absolument clair en lisant ses propos, et en analysant son attitude lors des négociations avortées de Charm-El-Cheik avec le gouvernement Barak, qu’Arafat ne veut pas d’un état palestinien indépendant coexistant avec Israël. L’objectif (le rêve ?) d’Arafat est de régner sur toute la Palestine, du Jourdain à la mer. Arafat ne veut surtout pas se retrouver en situation de devoir signer, sous la pression de la communauté internationale, un accord entérinant la création d’un état palestinien sur la moitié de la terre convoitée, et donc reconnaissant de facto la légitimité israélienne sur l'autre moitié. Car s’il le faisait, alors il deviendrait de facto chef d’état, et ses agressions perpétuelles contre l'état hébreu cesseraient alors d'apparaître comme "la lutte légitime d'un peuple pour obtenir son indépendance", même auprès des opinions les plus anti-israéliennes d'Europe, mais comme une agression caractérisée d'un état contre un autre état, et seraient donc susceptibles de sanctions internationales, sans parler de l'impossibilité de contester sérieusement la légitimité des inévitables représailles d'Israël.
La seule chose qu’Arafat n’avait pas prévue, c’est qu’Ariel Sharon accepte de retirer les implantations juives de la bande de Gaza et construise une barrière de séparation préfigurant la future frontière entre deux états, l’un existant, l’un futur. Or, pour les mêmes raisons, ceci est inacceptable pour Arafat, d’où son opposition absolue à la barrière de sécurité, mur qu’il aurait applaudi si son objectif était réellement la paix avec Israël, les difficultés quant à son tracé pouvant alors aisément se régler par des négociations bilatérales.
Arafat ne veut pas la paix avec Israël. Il veut la paix SANS Israël. Ce point doit être présent à l’esprit de tous pour comprendre la situation proche orientale aujourd’hui.
Le dossier Arafat, Karin Calvo Goller et Michel Calvo, 1er septembre 2004, éditions Albin-Michel
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