La "flat tax" est un mode d'imposition des revenus des ménages et des entreprises théoriquement séduisant. Mais dans la pratique ? Quid des pays qui l'ont mise en oeuvre, de leur croissance économique, de leurs finances publiques ?
J'ai déjà eu l'occasion de vous parler avec enthousiasme de la Flat Tax sur ce blog. Rappelons qu'il s'agit dans le principe de remplacer les impôts sur le revenu existants, composés de tranches d'impositions successives et de multiples niches permettant des exonérations fiscales plus ou moins réservées "à ceux qui savent", par un impôt à taux unique, sur tous les revenus, moins une franchise correspondant plus ou moins au seuil de pauvreté pour ne pas pénaliser les plus démunis, mais sans aucune autre déduction byzantine. En France, compte tenu des sommes déclarées et des zillions d'échappatoires permises par notre code des impôts, il serait possible de remplacer notre impôt sur le revenu par un impôt à taux unique de 9.6% ne frappant que les revenus actuellement taxés (qui ne pénaliserait donc pas les ménages modestes), sans déductions courtelinesque, et rentrer le même produit fiscal, et encore, en supposant que l'économie ne réponde pas favorablement à un tel stimulus, ce qui est hautement improbable. En supprimant du même coup l'ISF, nous pourrions devenir un paradis fiscal sans danger pour les finances de l'état. On en parlera au successeur de Sarkozy, promis.
Ceux qui souhaitent lire un panorama plus complet sur la Flat Tax et ses principes, et qui supportent la lecture de longs ouvrages pdf en anglais, peuvent se rapporter à la dernière édition du livre de Robert Hall et Alvin Rabushka, principaux promoteurs de la Flat tax dans le monde. Eux proposent de coupler l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés sur le même principe, ce qui a pour autre avantage d'éviter une double taxation des revenus du risque entrepreneurial.
L'Adam Smith Institute, think tank libéral au pays de sa très gracieuse majesté, présente ce mois ci un rapport (format PDF) analysant les effets de l'instauration de la Flat Tax dans divers pays: Hong kong, Estonie, Lettonie, Russie, Slovaquie, ... Ainsi que les effets de réductions des taux maximaux d'imposition dans deux pays n'ayant pas implanté la Flat Tax mais qui ont connu des variations exceptionnellement élevées dans la progressivité de leur impôt, à savoir les inévitables Grande-bretagne et USA.
Il ressort que dans tous les cas, non seulement le produit fiscal total n'a pas diminué, mais qu'il a largement augmenté, parfois dès la première année, parfois au bout de deux ou trois ans. De plus, même lorsque les partis de gauche ont dénoncé un cadeau scandaleux fait aux riches, il est apparu que très rapidement, la part relative des 10% de plus hauts revenus dans le produit fiscal de l'impôt augmentait. En effet, la baisse des taux était largement compensée par l'augmentation des revenus réels de ces personnes, ainsi que par la diminution de l'incitation à l'évasion fiscale. Pourquoi risquer des ennuis pour frauder un impôt à 13 ou 19% ? Ce qui explique, entre autres, qu'il y ait aussi quelques congressmen américains de gauche (des "gentils", donc), soutiennent plus ou moins ouvertement l'instauration d'une Flat Tax aux USA.
Enfin, même si ce n'est pas le seul élément qui explique la croissance forte que connaissent ces pays, tous ceux qui ont implanté une Flat Tax ont connu une croissance bien plus forte que la moyenne mondiale ou que celle de leur zone géographique.
Le cas des ex pays de l'est est le plus impressionnant. La Russie, par exemple, depuis qu'elle a remplacé le système progressif mis en place sous Boris Eltsine par une flat tax de 13% (ironiquement, c'était le taux d'imposition unique sur les revenus appliqué au temps des communistes ! L'analogie libérale s'arrête là ;-) ), connait des taux de croissance remarquables et a totalement redressé ses finances publiques. Le produit de l'impôt sur le revenu, depuis 2000 (date d'entrée en vigueur) augmente de plus de 20% par an hors inflation tout en permettant une baisse de la pression fiscale totale. Quant aux budgets de l'état russe, en grave déficit sous Eltsine, ils ont retrouvé les chemins de l'excédent.
Un des principaux reproches faits à la Flat Tax est qu'elle transfèrerait le poids de l'impôt sur les classes moyennes. L'institut Fraser, think tank libéral canadien, démontre que cela pourrait être vrai dans les deux ou trois premières années qui suivraient sa mise en place, mais que très vite les gains de croissance permis gommeraient ce handicap au profit de tous. En outre, il est possible d'annuler ce handicap théorique en calculant intelligemment la part du revenu en franchise d'impôt pour les ménages les plus modestes. Enfin, dans les pays à forte "mobilité" dans l'échelle sociale, l'application d'un Flat tax permettra d'abaisser notablement le pourcentage des revenus qui partent en impôt à l'échelle d'une vie pour la quasi totalité des individus. La plupart des objections de nature "sociale" formulées à l'encontre de la Flat Tax sont donc caduques, alors que cet impôt prouve partout où il est mis en oeuvre une efficacité économique remarquable.
On comprendra donc parfaitement que George W. Bush ait lui-même exprimé son plus vif intérêt pour une telle réforme fiscale (nb. Même s'il s'illusionne s'il croît que cette seule mesure permttra de combler les déficits qu'il a creusés. Il faudra bien qu'il coupe dans les dépenses aussi.). La Chine se pose moins de questions et s'apprête à adopter une Flat Tax (à 20%) en lieu et place de plusieurs impôts complexes actuels. La Chine et les ex-pays du pacte de Varsovie qui donnent des leçons libéralisme aux vieilles puissances occidentales fatiguées, quel renversement de l'histoire !
Quant à la presse anglo saxonne, au lieu de brandir l'épouvantail anti-social à la simple énonciation de tels projets, elle commence à trouver l'idée très intéressante. Alors qui, de Bush ou de Howard, franchira le pas en premier ? Les paris sont ouverts.
Et la France ? Elle pourra toujours exiger, tempêter, hurler pour que tous les pays de l'UE s'alignent sur son modèle (sic) fiscal et social que plus personne ne nous envie, son gouvernement, quel qu'il soit, devra prendre le train en marche si d'autres poids lourds de l'économie mondiale le font démarrer. Sous peine de transformer la nation française déclinante en simple observatrice jalouse et aigrie de la réussite des autres.
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