Jacques Attali, intellectuel de gauche professionnel, qui fut en son temps un proche conseiller du très dirigiste (le moins péjoratif des qualificatifs qu'on puisse lui associer...) François Mitterrand, vient encore de se distinguer dans le registre des idées constructivistes totalitaires, dans le magazine "l'express" du 13 décembre 2004, en proposant, "pour recréer du lien social et du sentiment d'appartenance à la communauté française", de remplacer le service militaire par une sorte de "service social obligatoire", associé à des condamnations à des peines de prison pour les salopards et salopardes qui refuseraient de s'y soumettre, et ce au nom du "privilège d'être français". Je résume, bien sûr. Petite citation, digne de figurer au panthéon des perles de la bêtise politiquement correcte de gauche:
"il est désormais possible de traverser la vie sans jamais ressentir le prix à payer pour faire partie d'un ensemble aussi organisé et protecteur que la nation française"
Ah, si, M. Attali, à chaque fois que l'on analyse les retenues sur sa feuille de paie, que l'on met en rapport le service de plus en plus minable obtenu en échange, que l'on se retrouve au chômage parce que le socialisme voulu par nos élites fait fuir l'investissement et l'emploi ailleurs, que l'on calcule son impôt, on se rend très bien compte du prix à payer. Je vous assure. Mais tel n'est pas l'essentiel de mon propos.
XXC, éditeur du blog citoyen durable, démonte les mécanismes de la pensée totalitaire de ce triste sire, ainsi que la faiblesse de l'argumentation relative au "privilège" qu'il y aurait à posséder tel ou tel passeport. Je n'y reviendrai donc pas.
Mais il est un point qu'il convient de développer, qui trahit la profonde méprise commise par bien des politiciens français (pas uniquement à gauche, ce qui m'afflige) sur les valeurs "sociales" fondamentales.
L'un des arguments développés par Attali est le suivant:
"Ce nouveau service national, social, (... consisterait en ...) l'accomplissement de tâches d'intérêt collectif. Elles seraient proposées par l'Etat, par les collectivités territoriales ou par des associations reconnues d'intérêt général"
Sous entendu: celui qui passerait son temps à des tâches aussi répugnantes et bassement motivées par le profit personnel, que produire des nouilles pour Lustucru, distribuer des marchandises pour Carrefour ou concevoir des véhicules pour Citroën ne remplirait pas de tâche d'"intérêt collectif" ou "d'intérêt général". Il faut donc le distraire de ces occupations bassement capitalistes, si possible quand sa jeunesse le rend encore malléable, pour le faire participer à des actions "d'intérêt général" sous commandement public.
Répétez après moi, bandes d'égoïstes dont la conscience doit être rééduquée : "activité privée, pas bien - activité d'intérêt général, bien !". Recommencez dix fois.
Désolé, je n'achète pas ce discours là.
Lorsqu'une entreprise vend des produits ou des services à des personnes, et que ceux ci adhèrent en masse à l'offre proposée en devenant des clients, il y a bel et bien satisfaction massive des besoins exprimés par lesdits clients. Participer à cette offre est donc bien un acte "participant à l'intérêt général". Privé, certes, mais général tout de même.
Entendez donc, si vous le daignez, M. Attali, qu'elle est immense, la volonté d'être utile à la société, chez les salariés de nos entreprises - sans oublier leurs patrons - car eux savent que si leur utilité n'est pas reconnue par le passage à l'acte d'achat de nombreux clients, ils perdront leur moyen d'existence. Apprenez, s'il vous reste encore quelque capacité d'écoute d'autrui, que lorsque ces salariés, ces travailleurs indépendants, ces artisans, ces dirigeants se défoncent pour nous proposer des produits et services toujours plus intéressants, de meilleure qualité, toujours moins chers, ils accomplissent la tâche la plus "sociétalement" utile qui soit, à savoir contribuer à l'amélioration matérielle de ma modeste existence et de celle d'environ 60 millions de mes compatriotes.
Bien sûr, ils en tirent profit. Et alors ? Cela rend-il leur travail moins utile ? Moins indispensable à la société ? Pourquoi des personnes qui accomplissent un travail dont le résultat est apprécié d'un grand nombre n'en tireraient ils pas une satisfaction autre que morale ?
Ce que Jacques Attali propose, c'est de soustraire les individus les plus jeunes à ces activités pourtant hautement profitables individuellement et collectivement, comme le prouve l'adhésion volontaire de millions de personnes à travers leurs actes d'achats répétés, pour les contraindre à effectuer des missions dont l'utilité est décrétée par quelques personnages "qui pensent dans les milieux autorisés", tout en confisquant le profit éventuel qu'ils pourraient en tirer au profit des seuls bénéficiaires du résultat de ces "travaux d'intérêt collectif"... Et des bureaucraties chargées de les administrer, bien sûr. Ce qui en d'autres temps aurait porté le nom d'esclavage, de STO, ce qui est aujourd'hui encore considéré comme la juste condamnation des petits délits commis par des primo-délinquants, devient sous la plume d'Attali un "service social" obligatoire (SSO, ça sonne bien, non ?) auquel tous les moins de trente ans sont condamnés par défaut, un "service d'intérêt général" dégoulinant de mauvaises intentions bien cachées derrière le discours moralisateur de "l'intérêt général" et du "privilège d'être français".
M. Attali montre ainsi son mépris pour la production et le commerce, bien qu'il ait lui même fort bien profité du prélèvement que l'état exerce sur ces activités pour verser de confortables émoluments à ses grands serviteurs. Il montre son mépris pour la liberté individuelle, son mépris pour le droit des individus de tirer un juste profit de leur effort. Il montre son incapacité à comprendre la nature profondément sociale de la liberté individuelle, par opposition à la nature totalitaire de l'action "sociale" placée sous la direction de l'état.
Et malheur à ceux qui oseraient critiquer son idée géniale, Attali le juste a déjà fourbi ses arguments en forme de procès d'intention contre ces dangereux déviants imperméables à la collectivisation des consciences voulues par notre gauche éprise de "lien social". Ce ne seraient que des égoïstes "qui ne veulent pas admettre qu'être français est un formidable privilège, qui doit se mériter à chaque génération". Et pour le mériter, quoi de mieux que de sacrifier une année de votre vie à faire ce que l'état à décidé pour vous, "avec générosité et dans un esprit solidaire" de préférence, c'est à dire, en bon français, pour des nèfles ?
Si la gauche venait à reprendre le pouvoir en 2007, ce qui relève hélas du possible, vu les performances actuelles de la droite dirigiste, il y a fort à parier que des idées du même accabit viennent à fleurir, au nom de la promotion des "comportements citoyens", de la construction d'une nouvelle "éthique solidaire", ou que sais-je encore, dans l'esprit des plus "progressistes" des membres de cette coterie, des Attali, mais aussi des Lang, Delanoë, Dray, et consors.
Il faudra rester vigilants pour que notre jeunesse ne devienne pas le jouet des expérimentations socialement correctes de cette caste de liberticides.
Commentaires