Tout d'abord, Bonne année à vous, chers lecteurs. Chers, car rares ! Comptez 150 visites/jour en semaine, en moyenne, sur l'année 2004. "Libération" peut dormir tranquille, ses budgets de pub ne viendront pas chez moi de sitôt.
Le nouvel an est traditionnellement l'occasion de porter un regard sur l'année écoulée, ce dont je m'abstiendrai par pure fainéantise, et d'émettre des prévisions pour l'année à venir, ce à quoi je vais de ce pas m'employer.
En ce nouvel an obscurci par les malheurs du monde, osons un pronostic en total décalage avec le petit air lancinant colporté par les médias français : un état démocratique Irakien va naître, pour le plus grand bien de ses habitants, les élections à venir seront un succès, et les réactions meurtrières mais somme toute sporadiques et vouées à décliner des groupes criminels terroristes n'empêcheront pas l'établissement d'une grande démocratie arabe sur les rives du Tigre et de l'Euphrate.
"Au fou !", allez vous vous écrier. Oui, je sais, je prends un risque, somme toute bien limité puisque je reste quoiqu'il arrive derrière un écran d'ordinateur quelque part dans nos belles provinces, tout au plus n'essuierais-je que les quolibets de quelques rabat-joie de passage dans les commentaires si je viens à me tromper.
Il est vrai que si, comme l'immense majorité de mes compatriotes, vous ne faites confiance qu'aux principaux médias d'information français pour connaître la situation en Irak, le panorama vous paraîtra uniformément sombre et peu avenant : Les élections de janvier ne pourront avoir lieu normalement, la tentative d'établir une démocratie stable en Iraq est un échec, le pays sombre dans le chaos, chaque jour le terrorisme, pardon, " la résistance ", gagne de nouveaux combats contre une armée américaine démoralisée, et j'en passe.
Quoique... n'est-ce pas cette presse qui nous déclarait lors des opérations militaires américaines que les GIs s'enlisaient et que l'Irak était un bourbier, un nouveau Viet-Nam, alors que Bagdad allait tomber en 21 jours sans réelle résistance ? Alors quand cette même presse nous dit que la situation du camp de la liberté est désespérée... méfiance, méfiance.
Le portrait d'un Irak en décomposition, inlassablement brossé par les grands journaux télévisés et repris complaisamment par l'AFP et tous les quotidiens, est sensiblement différent de celui, beaucoup plus équilibré, que l'on peut obtenir en visitant la presse de langue anglaise (américaine, mais aussi australienne, voire polonaise ou bulgare...), et surtout, la myriade de bloggers irakiens (il y en a d'ores et déjà plusieurs centaines) de toute obédience s'exprimant soit en arabe, soit dans un anglais souvent maladroit mais aux accents de sincérité indéniables. Qu'elles soient pro-américaines ou communistes ou anti-intervention, ces personnes nous apprennent une toute autre vérité sur les événements que l'Irak est en train de vivre.
L'on apprendra que sur 18 provinces, 13 connaissent la paix et une vie normale, et que dans les 5 autres régions (Bagdad, Fallujah, Mossul entre autres), les violences sont circonscrites dans des périmètres limités, au centre ou autour des villes les mieux couvertes par la presse occidentale. Le caractère ponctuel des attaques terroristes s'explique fort bien : les séditieux savent qu'ils n'ont aucune chance de vaincre la superpuissance américaine dans un combat classique ou dans une guérilla de rue, comme la magistrale déculottée qu'ils ont prise à Fallujah le prouve. Leur seul espoir est d'ôter aux soldats de la coalition ou aux politiques qui les commandent l'envie de les combattre, d'où la tentative d'utiliser la propension des médias occidentaux à privilégier le sensationnalisme attaché aux mauvaises nouvelles, aux attentats, prises d'otages, et autres décapitations, pour briser le moral des opinions des pays des forces coalisées et inciter les politiques à abandonner la partie. Si son envie de lutter disparait, qu'importe la supériorité technologique d'un belligérant ?
Ceci dit, cet espoir des terroristes semble faire également long feu. Le moral des soldats américains, quoiqu'en disent les médias d'ici, reste très bon : le taux de réengagement atteint 75%, et plus de 80% estiment (avec raison) qu'ils font du bon travail en Irak, même si des erreurs ponctuelles peuvent être commises ça et là, comme il est naturel dans toute opération d'une telle envergure. Des soldats américains ont lancé un appel à Donald Rumsfeld pour que leur action soit reportée de façon plus objective par les médias américains, qui ne sont pas eux même à l'abri de la déformation négativiste des faits. Cet appel a d'ailleurs été peu relayé par les organes de presse américains, là bas aussi, le "media bias" fait l'objet de vives discussions.
L'on apprendra aussi que les courants sunnites ayant demandé le report des élections sont visiblement minoritaires y compris parmi les irakiens sunnites, qui ont présenté des dizaines de listes, et que la quasi totalité des autorités religieuses shiites (à l'exception de Moqtada al Sadr, que la plupart des bloggers dépeignent comme un truand, et non comme une autorité religieuse...), dont l'ayatollah Sistani, ont soutenu le processus démocratique en cours tout en relayant un message de vote appelant la population à ne pas se déterminer uniquement sur des critères ethniques ou religieux. Que lorsque les terroristes ont menacé de mort quiconque prendrait part à la campagne présidentielle, 7200 nouveaux candidats se sont désignés dans les jours qui ont suivi, pour bien montrer à ceux qui s'opposent à la démocratisation du pays qu'ils ne gagneront pas la partie. Qu'importeront les quelques meurtres de candidats ou d'élus qui ne manqueront pas d'être commis par les terroristes, ces lâches assassinats ne pourront empêcher la démocratie irakienne de se mettre en place, et pour un bon bout de temps. Les partisans de l liberté ont la loi du nombre pour eux. Quoique vous en disent nos médias, le soutien populaire à la prétendue résistance, qui n'a jamais été vraiment important, se réduit comme peau de chagrin.
Certains observateurs estiment toutefois que le vainqueur pourrait, une fois élu, instaurer un régime à poigne sur la population et rétablir une version "soft" de l'ordre dictatorial ancien. C'est toujous possible, mais c'est à mon avis faire peu de cas de l'extraordinaire liberté de circulation des opinions que l'explosion de la presse libre - il y a plus de 200 quotidiens indépendants actuellement en Irak- et du blog ont permises, et qu'un apprenti dictateur aurait le plus grand mal à circonvenir, alors même que la constitution provisoire adoptée par le gouvernement actuel garantit que le pays devra être dirigé collégialement, par une coalition de partis et non par un groupe unique, et que les troupes de la coalition menée par les USA seront toujours présentes sur le territoire pour combattre toute force armée parallèle qui ne servirait pas les intérêts de la démocratie naissante. Sauf bien sûr si les opinions occidentales, trompées par les éléments les plus partisans de leur presse, imposent à leurs dirigeants le retrait de leurs forces.
Fort heureusement, tant du côté de George Bush que de Tony Blair, on ne voit poindre aucun signe de découragement ou de renoncement. Les actions terroristes ne parviennent pas à embraser l'Irak, à freiner le processus démocratique. Même la reprise vigoureuse de l'économie irakienne ne semble guère affectée par les troubles localisés actuels. Les salaires publics comme privés ont été multipliés dans un facteur souvent supérieur à 10, la construction dans les grandes villes s'active à un rythme frénétique, et la boulimie de consommation qui agite les irakiens annonce un maintien probable des chiffres de croissance à des niveaux records, même si les 50% observables en 2004 ne seront pas rééditables les années suivantes.
Certes, l'approvisionnement de Bagdad en essence et en électricité reste problématique, essentiellement parce que la demande explose plus vite que l'offre, boom économique oblige. Certes, des attentats sont régulièrement commis et entravent le retour à la normale. Tout n'est pas rose aujourd'hui dans la capitale Irakienne. Cela doit il pour autant faire regretter le bon vieux temps de Saddam Hussein ?
Après tout, la situation actuelle en Irak n'est pas beaucoup plus grave que celle qu'a connue la Grande Bretagne en Irlande du Nord, et la démocratie a fini par l'emporter, les extrémistes minoritaires qui n'avaient que le langage des bombes à opposer au vote populaire ont dû, de guerre lasse, abandonner la partie. Quant aux dirigeants Français, ils ne devraient pas se gausser des difficultés rencontrées par les forces armées coalisées et irakiennes loyalistes. Comme l'a réaffirmé Tony Blair, les troubles actuels, certes réels, sont tout à fait réductibles si notre détermination à soutenir le peuple Irakien dans sa quête d'une société de libertés est sans faille, et il convient une fois pour toute de savoir si les chancelleries occidentales qui adoptent ouvertement une stratégie anti-américaine sont du côté de la liberté ou si elles s'accrocheront coûte que coûte au soutien des groupes terroristes qui ont la faveur des dictatures arabes environnantes.
Ne vous laissez pas influencer par une certaine presse qui cherche plus à faire passer les opinions majoritairement anti-américaines de ses journalistes qu'à informer objectivement ses clients, ne laissez pas ceux qui utilisent leur carte de presse pour offrir une tribune à leurs propres préjugés, comme Georges Malbrunot ou Charles Enderlin, vous duper en ne sélectionnant soigneusement que le côté noir des faits. Quoiqu'ils vous disent, et quoiqu'ils omettent soigneusement de relater (un exemple ici), sachez que l'opération de libération de l'Irak est d'ores et déjà un succès, un succès encore fragile mais qui ne demande qu'à être consolidé si les hommes politiques qui l'ont permis restent, comme certains l'ont dit récemment, droits dans leurs bottes. Et pour encore quelques années, ce sera le cas, soyez en sûrs.
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quelques sources pour aller plus loin:
- De nombreux bloggers irakiens sont recensés sur le blog de Zeyad, dentiste à Baghdad.
- Exemples pris dans la diversité: Iraq the model, pro américain, et Riverbend, anti-intervention.
- L'un des nombreux partis irakiens pro démocratie nous expose ses vues ici.
- Le numéro 8 de la revue "Minotaure" (presse écrite marginale) nous livre un article très intéressant sur cet Irak qui redémarre.
- Arthur Chrenkoff, blogger australien, compile régulièrement les bonnes nouvelles en provenance d'Irak, et il y en a vraiment beaucoup !
- Le blog du Citoyen Ordinaire reprend un extrait de l'ouvrage d'Yvan Roucaute, "la puissance de la liberté", qui quantifie certaines des atrocités commises par le régime de Saddam Hussein.
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