La victoire du Non au référendum de demain est encore loin d'être acquise. Mais la multiplication des sondages en sa faveur rendent inquiets certains partisans du oui.
Loin des imprécations du vulgum politicus qui tente de diaboliser le vote non en essayant de susciter la peur ("le non nous mènerait au chaos", pour faire court), mes relations libérales en faveur du oui ont tenté de me convaincre de changer d'avis (sans succès) et pour cela ont développé une argumentation un peu plus subtile à propos des inconvénients du vote négatif qui mérite examen. Je résume plusieurs argumentaires en un seul pour simplifier:
Cette prédiction est à mon avis beaucoup trop catastrophiste."Dans le camp du non:
- Il y a ceux qui veulent une Europe Marxiste. Ou ultra nationaliste.
- Il y a ceux qui toléreraient tout juste que la constitution mette l'Europe au service de la France.
- Il y a ceux qui veulent par un vote négatif sanctionner la politique du gouvernement actuel
- Il y a enfin quelques libéraux qui estiment impardonnables les imperfections illibérales du traité, et dont tout le monde se fiche royalement. En cas de victoire du non, personne ne prêterait attention à leurs raisons.
Aucune de ces quatre tendances ne peut à elle seule faire triompher un projet politique. Aucune alliance entre elles n'est concevable. En plaçant la France hors de l'Europe sans aucun projet alternatif viable, le vote NON permettrait aux politiciens français de se soustraire de la salutaire pression réformatrice exercée par l'Europe, qui a permis de nombreuses avancées libérales autrement inenvisageables, et la situation économique et sociale de notre cher pays ne cesserait de se dégrader.
En résumé, même si le traité est imparfait, les conséquences du vote négatif seraient infiniment pires que les défauts que l'on trouve au traité. "
Après un rejet tout à fait possible de la constitution par la France et les Pays Bas, ainsi que par la Grande Bretagne si une consultation populaire y était organisée, L'Europe se retrouvera avec un traité de Nice dont les orientations resteront valides, et avec des accords et traités antérieurs qui continueront d'être appliqués. Les tribunaux européens pourront toujours se référer à ces textes pour forcer la France à ouvrir ses marchés, et accomplir d'autres réformes libérales indispensables. En revanche, la paralysie des institutions communautaires ingouvernables à l'unanimité à 25 permettra sans une pause dans la logorrhée de textes et directives produite annuellement par les Eurocrates bruxellyphores. Mais cette situation ne saurait perdurer.
L'Europe sera donc obligée soit de retravailler la constitution, soit de se contenter d' un réaménagement du traité de Nice.
Je pense que rebâtir la constitution sera impossible: les raisons pour lesquelles la France est supposée la rejeter (scandaleusement ultra libérale, ce qui me fait doucement rire) sont précisément à l'opposé de celles qui pourraient faire basculer les Pays Bas et la Grande Bretagne dans le camp du non: trop bureaucratique, trop de concessions au discours social artificiel des gauches "à l'ancienne" de l'Europe.
Ajoutons à cela que les nouveaux entrants dans l'Europe, traumatisés par leur expérience d'esclavage sous le joug communiste, ne tolèreront pas qu'un texte moins libéral que celui ci soit proposé. Si de nombreux hommes politiques de l'est, comme le polonais Kwasniewski, ont accepté d'avaler cette couleuvre (tout en proposant la mise en place de "Flat Taxes" chez eux...), c'est parce qu'ils estimaient que leur acceptation au sein de l'UE valait bien quelques concessions. Mais il ne faudra pas leur demander d'aller plus loin, sous peine de voir leur attitude se modifier et s'aligner sur celle du président Tchèque Vaclav Klaus, libéral et profondément opposé au projet de TCE.
Par conséquent, l'Europe devra renégocier ses accords en tenant compte des leçons du rejet du TCE par diverses nations pour des raisons opposées: raison de plus pour en revenir à un réaménagement du traité de Nice aussi neutre que possible dans son contenu politique, donc laissant la plus grande marge de manoeuvre politique dans le temps aux institutions en fonction des forces élues en présence. Toutefois, la voix de la France, et donc sa capacité de nuisance dans l'Europe se trouvant affaiblie, il y a tout à parier que l'accord conclu sera beaucoup plus libéral que le texte fort médiocre qui nous a été soumis. Et la France devra se raccrocher à ce nouvel accord coûte que coûte, car seule l'intégration à l'Europe et à la zone Euro a permis jusqu'ici de minimiser les conséquences de la désastreuse gestion des finances publiques qui a été celle de tous nos gouvernements depuis 1974.
Si je ne me trompe pas (Mais je reconnais qu'il y a une part non négligeable de conjectures non démontrables dans ce délicat exercice de futurologie), nous pourrions nous retrouver avec le paradoxe suivant: le non, essentiellement porté par les courants le plus anti libéraux de la société française (je ne me fais pas d'illusion sur la représentativité du " non " libéral), favoriserait l'allégeance forcée de la France à une Europe plus libérale qu'aujourd'hui, et l'influence amoindrie du dinosaure social-démocrate hexagonal l'empêcherait plus encore qu' actuellement de bloquer l'avancement des réformes pro-concurrentielles au sein de l'union.
La victoire du "non", si elle se confirmait demain, serait alors une victoire à la Pyrrhus pour ceux qui ne manqueront pas de s'en prévaloir dimanche soir. Dansez, MM. Emmauelli, Fabius, Mélenchon, dansez bien dimanche soir, chers idiots utiles, paradez à la télévision, fêtez, clamez votre possible victoire bien haut, car lundi, retour aux dures réalités de l'Europe d'aujourd'hui: ceux qui devront gérer l'après "non" n'auront que faire de vos gesticulations franco-franchouillardes pour l'Europe de Karl Marx. Votre non anti-libéral sera le meilleur atout de l'europe libérale !
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