"My dear french friend,
Je suis sincèrement désolé que tu ne puisses savourer la victoire de la candidature de Paris pour l'organisation des jeux de 2012. J'ai zappé depuis ce midi sur les chaînes françaises (ah, la TV par satellite ! vive la mondialisation de l'information !) et j'y ai vu des personnes qui s'étaient battues pour faire gagner votre capitale déçues et amères de voir pour la troisième fois en 20 ans les jeux olympiques se dérober à la France. Comme je les comprends.
Ces gens, sportifs, sponsors, élus, auraient tort de s'en vouloir. Votre dossier était magnifique, sportivement parlant. Le notre n'était pas mal non plus, mais sur le papier, l'offre de Paris promettait l'organisation de jeux tout à fait exceptionnels. Plusieurs parmi vos porte-parole se sont publiquement demandés comment le dossier Anglais avait pu être préféré au vôtre, non sans quelques sous entendus de mauvais perdants que je mettrais sur le compte d'un mouvement d'humeur excusable. Il est aussi question de manque de Fair Play de ces maudits Rosbeefs qui auraient osé critiquer en termes excessifs le dossier de leur concurrent à deux jours des jeux. D'autres croient que les dernières "goofs" (mon Français est un peu rouillé) de votre président sur la nourriture Finlandaise qui serait aussi immangeable que la nôtre [sûrement une erreur du journaliste. Dans ce domaine, we are the champions] auraient pu faire perdre in extremis quelques voix finlandaises (2, pour être précis), qui auront pesé lourd dans la balance.
Enfantillages que tout cela. Les jeux étaient faits, si je puis dire, depuis longtemps, et ne sois pas naïf pour croire que les danses du ventre des différents comités organisateurs au cours de la Garden Party de Singapour aient pu y changer quoi que ce soit. La plupart des délégués n'ont pas fondé leur décision à la dernière minute sur un discours ou pour quelques images émouvantes d'un film de Besson. Leur religion était faite.
Laisse moi formuler une autre hypothèse, si tu le veux bien.
Le dossier parisien avait gagné, mais la France a perdu.
Lorsque les délégués du CIO sont venus à Londres, ils n'ont pas été confrontés à une grève des syndicats de transports. Les délégués qui connaissent les deux villes, comme nous, savent que, loin des caricatures qu'en font les média français, le métro londonien est relativement propre, que l'on n'y croise guère de mendiants, que les bandes de comment dites vous, déjà ? Ah oui, "Djeunz", la casquette à l'envers, ne font pas régner la terreur aux extrémités des lignes les plus sensibles. Ils savent que le SDF londonien se fait rare, que dans notre capitale souffle un vent d'innovation et de modernité qui semble s'être fait plus discret sur les berges de la seine, malgré vos étés sur Paris Plage
Les délégués d'Afrique (enfin, ceux qui ne mangent pas dans la main de la Françafrique - Ou France à Fric ? ) ont peut être apprécié que notre Tony veuille mettre fin à la PAC qui empêche leurs agriculteurs d'exporter leurs production et les confronte à des importations artificiellement bon marché, alors que votre Jacques s'y arc-boute comme un désespéré aux dernières planches d'un radeau en perdition. Les délégués de l'Est n'ont peut être pas apprécié que votre Jacques ne perde aucune mauvaise occasion de les tancer, tout en arrogance, ces dernières années. Mais tous ont vu que Tony Blair cherchait à dynamiser l'Europe non sans un certain panache, alors que son électorat est traditionnellement eurosceptique, alors que la France ne fait que freiner l'adoption des réformes les plus indispensables. Crois tu que les polonais et leurs cousins lithuaniens ou slovaques aient apprécié le ridicule procès instruit par vos politiciens, au premier rang desquels votre président, contre leurs plombiers ? Où est cette France généreuse qui accueillait à bras ouverts tous les Poniatowsky, Beregovoy et Sarkozy fuyant les fort peu riantes contrées d'orient ? Où est, puisque nous parlons d'olympisme, la flamme qui autrefois animait la pensée et l'esprit français ? L'Angleterre de ce bon Tony a aujourd'hui repris le flambeau de la modernité et de l'ouverture.
Les délégués du CIO ont pu se demander où seraient respectivement la France et la Grande Bretagne dans 7 ans. Dans ce combat, un pays aux finances saines, qui a presque vaincu son chômage et gagne chaque jour du terrain contre la pauvreté, qui financera ses jeux majoritairement par le recours à la dépense privée, se présentait contre un pays étranglé de dettes qui reconduit année après année des déficits suicidaires, dont l'économie part à vau l'eau et qui prétendait ponctionner ses contribuables de trois milliards d'Euros pour une quinzaine de jours de festivité, un pays où les institutions partent en lambeaux et l'insécurité se fait chaque jour plus oppressante... Ne crois tu pas que la lutte était inégale ?
Crois tu sérieusement que les délégués des nations nouvellement converties à l'idéal démocratique apprécient l'attitude d'une diplomatie Française qui s'accommode si bien avec tout ce que la planète compte de dictateurs et de terroristes, quand d'autres acceptent courageusement des risques élevés pour aider des peuples opprimés à recouvrer leur liberté ?
Si tu étais délégué, donnerais tu ta voix à un pays comme celui là ?
Oui, mon cher ami français, il a fallu que le dossier parisien soit sacrément bon pour que Londres ne gagne qu'avec quatre voix d'avance.
Permets-moi de te faire profiter de mon expérience de vainqueur pour que vous puissiez conjurer le mauvais sort en 2020. Même avec le plus formidable dossier sportif qui soit, il faudra que vous arrêtiez de croire que votre "modèle", vos arrogantes leçons données à tout propos, vos compromissions permanentes, votre égocentrisme nationaliste, votre immobilisme pavlovien et votre refus forcené d'un monde plus libre, vous vaudront la sympathie des peuples du reste du monde. Même habillée de strass, une vieille hétaïre décatie, fut elle bonne cuisinière, ne fait plus bander personne.
Best regards,
Your english best friend".
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