Article initialement publié sur le site de l'institut Hayek
Il est de ces idées tellement stupides que l'on aimerait ne pas avoir à perdre de temps à en débattre pour les contrecarrer. Malheureusement, parfois, une telle attitude peut avoir des conséquences très lourdes. Ainsi, dans la première moitié du siècle dernier, le mépris des économistes autrichiens pour les thèses Keynesiennes les a conduit à sous-estimer leur potentiel de séduction sur les politiciens, qui pouvaient y trouver une magnifique justification à leur intervention croissante dans les affaires individuelles. Le résultat est connu: l'économie dirigée a largement triomphé y compris dans les pays occidentaux au lendemain de la guerre, portant en elle le germe de tous les problèmes graves qui ont affecté ces mêmes nations dans les années 70-80, et dont certaines, comme la France, ne sont pas encore sorties.
Il est donc essentiel de consacrer du temps à argumenter contre les stupidités colportées - parfois de bonne foi du fait de l'ignorance économique crasse dans laquelle baigne le débat intellectuel franchouillard - par les politiciens, les médias, et les ONG qui nous veulent du bien.
Dernière ineptie en date, source de mon ire, la proposition lancée par l'UFC au sujet des « super-profits » faits par les grandes entreprises du CAC en général et les compagnies pétrolières en particulier, accusées de s'engraisser sur le dos des consommateurs. Selon l'argumentation développée par ces gens, et reprise au vol par certains politiciens, il existerait un niveau acceptable de profits, mais tout bénéfice généré au delà de ce seuil serait illégitime et devrait être soit surtaxé, soit totalement confisqué, en l'occurence à hauteur de 5 milliards d'euros. La polémique fait également rage aux USA ou au Royaume Uni, comme quoi personne n'est à l'abri...
L'un des arguments avancé au sujet des compagnies pétrolières est que l'augmentation de leurs profits est liée " à une variation des cours du pétrole qu'il ne contrôlent pas" et qu'ils n'ont donc aucun mérite propre qui justifie la manne "tombée du ciel" qui leur permet d'afficher des résultats record. Allons bon, aucun mérite, vraiment ?
Si le pétrole est devenu au moins temporairement si cher, c'est parce que nous en sommes friands: pour nous chauffer, nous déplacer, pour fournir l'énergie, les matériaux et composés chimiques qui permettent aux entreprises de produire les biens que nous consommons. Et les compagnies pétrolières, pour satisfaire ce besoin, doivent consentir des efforts toujours plus importants pour découvrir de nouvelles nappes, améliorer leurs techniques d'extraction, raffiner des produits toujours plus pointus demandés par les différents secteurs d'activité. Elles construisent des plate-formes off-shore capables de résister à des tempêtes, emploient des milliers de chercheurs, de techniciens, pour arriver à nous fournir ces biens précieux. Aucun des euros qu'elles encaissent n'est volé: il ne s'agit que de fournir à des clients un bien dont ils sont demandeurs.
Fournir ces clients n'est pas sans risque: si aujourd'hui le prix du pétrole nous paraît élevé, il faut se rappeler qu'il y a encore quelques années, ce prix était fort bas. Aussi la concurrence entre producteurs était elle féroce pour parvenir à dégager des bénéfices à ces cours. Ceux ci ont déployé des trésors d'ingéniosité pour y parvenir. Ce ne fut pas sans mal. A la fin des années 80, nombreuses furent les compagnies qui reportèrent des résultats décevants, voire des pertes. Des géants comme Texaco furent contraints de se déclarer en faillite pour pouvoir reprendre leur activité, ce qui causa un tort important (mais parfaitement assumé) à ses actionnaires de l'époque. Aujourd'hui, les compagnies recueillent le fruit des efforts de productivité qu'elles ont consenti lorsque les prix étaient bas. N'eussent-elles pas consenti à ces efforts que le prix du pétrole serait aujourd'hui encore plus élevé ! Alors, serait il moral de leur confisquer ce fruit ?
Certainement pas. La surtaxe ainsi induite irait dans les caisses fort vides de l'état. Or, celui ci, faute d'avoir effectué les efforts d'adaptation demandés au secteur privé, et sous la conduite de politiciens d'une insigne médiocrité, est devenu une machine extrêmement gourmande en "carburant fiscal", vivant à crédit dès le mois d'octobre depuis 30 ans, pour des résultats indéfectiblement mauvais. Spolier les agents économiques qui remplissent un besoin vital avec un souci permanent d'efficacité pour verser le fruit de leur effort à l'acteur économique le moins efficient qui soit, et dont de nombreuses interventions sont d'une utilité contestable, serait indubitablement un déni de justice, une insulte au mérite des salariés des entreprises concernées.
L'on me rétorquera que ces superprofits ne vont pas dans les poches des dits salariés mais dans celles des actionnaires. Cela est en partie faux. Les entreprises en bonne santé sont en général soucieuses de récompenser correctement leurs salariés les plus méritants. De plus, la part des profits qui sera réinvestie dans l'outil de travail sera bénéfique aux salariés actuels et futurs des groupes concernés. Il y en a pour qui de bons salaires et des primes généreuses ne sont jamais assez. Mais pourquoi devraient ils être les principaux bénéficiaires de la prise de risque qui est d'abord celle des actionnaires de la société, qui peuvent certes gagner beaucoup quand les choses vont bien, mais perdre beaucoup lorsque l'économie tourne au vinaigre ? Comment convaincre des actionnaires d'investir leur argent et de réinvestir dans leur industrie une part importante des profits dont il est question si l'on ne leur laisse espérer d'encaisser que les seuls gains des années de vaches maigres ?
Car ces super-profits sont tout sauf garantis dans le temps. De même que la rentabilité moyenne des compagnies pétrolières fut inférieure lors de la dernière décennie à celle de l'ensemble des entreprises cotées (lien), rien n'indique que les prix du pétrole resteront durablement au niveau actuel. Aucun client n'est heureux de savoir que l'une des marchandises indispensables à son quotidien prend une part supérieure de son budget: les consommateurs de pétrole vont devoir faire des économies. Le gouvernement chinois, qui subventionnait l'énergie pour ses entreprises, commence à prendre conscience du coût de cette politique pour ses finances et a déjà commencé à l'infléchir. Les constructeurs automobiles américains vont devoir s'engager dans une politique de réduction drastique de la consommation de leurs véhicules simplement pour pouvoir continuer à exister.
De plus, les cours élevés du pétrole stimulent la recherche de nouveaux procédés d'extraction, de nouvelles nappes, de raffinage des pétroles lourds, et ces investissement garantissent que nous ne serons pas en manque de cette énergie vitale jusqu'à ce que les progrès de technologies concurrentes nous permettent de nous en passer.
A condition, toutefois, que l'état ne vienne pas prendre des mesures aberrantes qui freinent ce mouvement.
Ainsi, dans de nombreux pays dont la France et les USA, il est devenu très difficile voire impossible de construire de nouvelles raffineries, à cause des lois environnementales certes louables par leurs intentions affichées, mais souvent excessives et inadaptées dans leurs modus operandi. Ainsi, ce parc vieillissant, outre les moins values environnementales et sociales (plus d'accidents du travail, moins bonnes conditions de confort pour les salariés) qu'il engendre, participe-t-il au renchérissement du prix de la ressource pétrolière.
Mais ces difficultés ne sont rien à côté du signal déplorable que donnerait la confiscation des ''superprofits'' actuels des compagnies non seulement aux entreprises et individus attirés par l'investissement pétrolier du fait des marges qui y sont envisageables, mais à l'ensemble des agents économiques.
Pour ce qui est du pétrole, à supposer qu'une telle mesure trouve des échos hors de la petite France, elle irait à l'encontre de l'effet recherché: un moindre investissement dans l'industrie pétrolière du fait de la surtaxe pousserait les prix à la hausse, sans parler de risques de pénurie, car les entreprises survivantes seraient moins incitées et moins capables de répondre aux variations de la demande mondiale. Mais les conséquences iraient bien au delà.
Tout d'abord, remarquons que lorsque des entreprises affichent des résultats record, il s'agit de résultats "après impôts": on parle ici non seulement l'impôt sur les sociétés, dont le taux en France est un des plus élevés de l'OCDE, mais aussi de toutes les taxes prélevées sur la valeur ajoutée qu'il a été nécessaire de créer pour pouvoir parvenir aux niveaux de profits tant décriés. L'état s'est donc grassement gavé au passage, ce qui lui permet de limiter son déficit et d'entretenir son obésité.
Toutefois, si l'état décidait, dans un moment de folie, de confisquer ou de surtaxer les profits des entreprises au delà "d'un certain seuil acceptable", soyez persuadés qu'il ne le fera pas deux fois. "Si vous gagnez trop d'argent, l'état vous le prendra" : Message bien reçu ! Les délocalisations de sièges sociaux - Les actionnaires du groupe Total ont adressé à ce sujet un message extrêmement clair à Thierry Desmarets, le PDG, il y a quelques mois -, de sites de production et de centres de profit, ainsi que les abandons de projets d'investissement en France se multiplieraient, et plus généralement, les acteurs économiques prisonniers du sol Français de par la nature de leur activité feraient tout pour limiter leur bénéfice en dessous de la « barre fatidique » amenant la surtaxe ou la confiscation, ce qui signifierait moins d'investissement, moins de croissance, moins d'emploi, des recettes fiscales en chute libre, et sans aucun doute à moyen terme la faillite de notre état et de ses régimes sociaux. Un gain extrêmement négligeable à court terme serait payé au décuple dans les années suivantes.
Fixer un seuil maximal de profit acceptable, confisquer ou surtaxer les ''superprofits'' de l'industrie du pétrole, de la banque, de la distribution ou de tout autre secteur d'activité reviendrait à tuer un peu plus la ''wealth machine'' qui permet aux individus d'augmenter tant bien que mal leur niveau de vie moyen malgré l'accumulation de bêtises dispendieuses commises par les états en leur nom. Espérons que la réaction des gens de bon sens face à de telles énormités interdira à nos politiciens de céder à la démagogie et d'adopter de telles mesures pour plaire à ce qu'ils croient (avec raison ?) être l'opinion dominante dans notre pauvre France.
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