Je ne me lancerai pas dans un long hommage à Milton Friedman, car d'autres bloggueurs plus cultivés et talentueux que moi s'en chargeront fort bien, et j'ai au plus 1/4 d'heure devant moi. Mais je ne puis m'empêcher de réagir avec un mélange de dépit et d'énervement à la façon dont cet économiste tout à fait exceptionnel a été présenté par nos médias (du moins ceux que j'écoute) hier soir et ce matin. La tonalité générale du discours est que "Friedman, c'est un ultra libéral, c'est ringardisé et dépassé". Même un chroniqueur des échos, journal que l'on pourait croire mieux éduqué économiquement, Jean-Marc Vittori, y est allé hier soir de son petit couplet "friedman ? bof bof, plus personne ne s'y réfère, plus personne n'y croit..." sur BFM, sans que l'intervieweur n'émette le moindre signe désapprobateur.
Alors, afin que ma centaine de lecteurs quotidiens échappe à cette nouvelle tentative de lobotomisation anti-libérale menée par nos chaines radiophoniques à cette occasion, voici deux exemples de l'influence réelle des idées de Milton Friedman dans le monde.
Tout d'abord, Relisons cette interview de Martin Laar, le jeune historien qui eut la lourde charge de prendre en mains le destin de l'Estonie en 1992, lorsque les communistes furent enfin obligés de rendre leur liberté aux nations du pacte de Varsovie si longtemps asservies:
When the historian became Prime Minister in 1992 at the age of 32 he knew nothing about economy. Laar’s area of expertise were Europe’s 19th-century national movements. “It is very fortunate that I was not an economist,” he says. “I had read only one book on economics Milton Friedman’s “Free to Choose.” I was so ignorant at the time that I thought that what Friedman wrote about the benefits of privatisation, the flat tax and the abolition of all customs rights, was the result of economic reforms that had been put into practice in the West. It seemed common sense to me and, as I thought it had already been done everywhere, I simply introduced it in Estonia, despite warnings from Estonian economists that it could not be done. They said it was as impossible as walking on water. We did it: we just walked on the water because we did not know that it was impossible.”
When Laar became Prime Minister, inflation in Estonia was over 1,000%, the economy was falling at a rate of 30%, unemployment was over 30%, 95% of the economy was state-owned and 92% of Estonian trade was dependent on Russia. Today, inflation is 2.5%, economic growth is between 6 and 7%, unemployment is low, the government budget is balanced and there is a high level of investment. Moreover, Estonia is leading the world in the field of e-government.
Ajoutons que le PIB/habitant est passé de 6700 Dollars/habitant en 1995, à 12200 en 2002 (inflation ajustée, valeurs 2002). Presque tous les ex pays de l'est ont par la suite copié au moins en partie les recettes de Mart Laar, avec pour résultat un décollage économique qu'aucun économiste "néo-keynesien" n'aurait espéré. A contrario, des pays comme la Russie et la Hongrie, qui ont préféré suivre les conseils des pseudo-économistes du soi-disant consensus de Washington, Sachs et Galbraith, ont connu des performances économiques bien plus misérables.
Lisez toute l'interview de Mart Laar dans le Brussels Journal. Et essayez ensuite de penser sans rire à tous ceux qui vous disent que "Friedman, c'est ringard". Je sais, c'est difficile.
Le second exemple de proposition sinon initiée, du moins fortement popularisée et développée par Milton Friedman, notamment par le biais de sa fondation, est la mise en place de chèques-éducation. Plutot que de donner un budget à des éducations nationales inefficaces et improductives, pourquoi ne pas diviser ce budget par le nombre d'enfants à scolariser et remettre un chèque éducation aux parents, libre à eux de choisir leur école, et à ces dernières d'adapter leur pédagogie pour être les plus efficaces possibles ?
Dans les quelques états américains où la mesure a été implantée, le niveau scolaire a connu une progression notable. Même la très sociale démocrate Suède a adopté ce système dans les années 90. Et de nombreux autres pays ont adoptés des disposititfs comparables, dans lesquels "l'argent doit suivre les élèves" et les écoles sont placées en compétition, avec à chaque fois des résultats tangibles en terme de progression du niveau des élèves.
Alors, "Friedman n'a plus grande influence aujourd'hui", M. Vittori ?
Farceur, va...
Mise à Jour: Johan Norberg en a autant pour les médias Suédois...
... Et Lucillio nous gratifie d'un hommage plus conséquent.
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