Dans l'article précédent, j'écrivais :" Devant cet inextricable cercle vicieux, il est possible qu'à nouveau le législateur vienne au secours des collectivités étranglées financièrement, vidant par quelque acrobatie le droit au logement de sa substance."
J'étais bien en dessous de la vérité. Il semblerait, si on en croit les premières indiscrétions et révélations de la blogosphère, que le projet de loi rendant le droit au logement "opposable" (DALO en abrégé) ne soit que poudre aux yeux, vidant dès le départ de toute matérialité le concept de droit au logement, sans attendre le constat de son impasse.
Je devrais m'en féliciter, vu mon opposition à l'application de ce principe: il n'en est rien.
Si le projet paraît en l'état, ce sera la preuve que le gouvernement sait que le "droit au logement", au sens primitif donné à chaque mot, est un principe inapplicable et donc qu'il a voulu frapper un grand coup uniquement médiatique en coupant l'herbe sous le pied de la gauche, sans se préocupper des possibles conséquences néfastes à long terme de son action.
Car ne nous y trompons pas : même si le texte passait en l'état, ce qui parait improbable vu le déchaînement que la découverte de son caractère de trompe-l'oeil par la blogosphère va provoquer, l'idée du droit au logement, qui aurait pu rester un sujet de débat controversé si une droite non démagogique s'y était opposé au nom d'un certain réalisme économique, va devenir, à l'instar du réchauffement climatique, une icône politique intouchable qui vouera ceux qui oseraient émettre un doute sur sa pertinence aux gémonies, à l'anathème et aux pires accusations d'absence de coeur et d'anti-socialisme.
J'exagère ? Regardez donc ce débat sur Ripostes ( lien vers la vidéo ici ): 6 participants dont deux poids lourds de la vieille classe politique, Marie Noëlle Lienemann (PS) et Christine Boutin (UMP...S), le créateur des "enfants de Don Quichotte", un élu PCF, tous totalement favorables au DALO, un type du MPF s'y opposant avec une pauvreté d'arguments faisant de la peine (ramenant le débat sur l'immigration et la préférence nationale, ce qui n'a pas vraiment grand chose à voir...), et un libéral pur et dur, Mathieu
Laine. Celui ci a tenté de faire valoir quelques arguments de bon sens, en résumé que les bons sentiments ne suffisaient pas à rendre efficace des mesures dont un minimum de bon sens permet de comprendre qu'elles sont au mieux vouées à l'échec. La seule réaction des thuriféraires du DALO face aux arguments de M.Laine a consisté à se draper dans les oripeaux d'une indignation plus ou moins feinte, à couper à tout prix la parole à l'hérétique, malgré les efforts de l'animateur pour permettre à chacun de s'exprimer, et à sous entendre que les opposants au DALO obéissaient à des motivations peu nobles, ce qui dans le cas de M. Laine était une infamie puisqu'il tentait d'expliquer que des choix olitiques différents pourraient mener à un meilleur résultat pour les plus pauvres.
Voilà ce qui attend les rares libéraux qui oseront affirmer que le DALO est une absurdité: pas de débat possible, et une justification du toujours plus d'intervention publique soutenue uniquement par des effets de manche compassionnels en lieu et place d'arguments. Dans un tel contexte, à un premier texte éventuellement édulcoré succèdera un second texte bien plus dur quelques mois après les élections, surtout si la gauche l'emporte avec l'obligation d'emmener des Marie-Noëlle Lienemann dans son équipage majoritaire...
MM. Sarkozy, en inscrivant cette réforme dans la plate-forme de l'UMP, puis MM. Villepin et Chirac, en croyant en faire un instrument d'esbrouffe, porteront une lourde responsabilité dans l'inévitable dégradation de la situation du logement que cette orientation "collectiviste" ne manquera pas d'entraîner. J'ai déjà dit ce qu'il fallait en penser dans l'article du figaro, mais voici un excellent résumé des conséquences prévisibles d'un tel big bang législatif, laissé sur le site de l'IFRAP par un commentateur hélas anonyme:
Les tribunaux administratifs seront engorgés de plaintes venant, non pas de pauvres gens qui ne peuvent payer un loyer, mais de chicaneurs opportunistes qui tenteront d'obtenir des dédommagements des autorités. Les pouvoirs publics seront obligés de bâtir beaucoup plus, pour
compenser les carences de l'investissement privé: avec quel argent ? Les montants des impayés aux offices d'HLM, déjà très importants, vont croître encore puisque même les mauvais payeurs auront un droit opposable au logement....
Je n'aurais pas su mieux dire.
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