Pour illustrer la tendance économique suivie par la France aujourd’hui - progrès ou déclin ? - j’ai analysé, pour 23 pays parmi les plus riches de la planète (à la relecture, j’ai oublié la Grèce, Taïwan, Hong Kong et la Corée du Sud, pas dramatique), l’évolution des PIB par habitants, non pas en données brutes, mais en parité de pouvoir d’achat, grâce aux données fort complètes fournies par le FMI sur l’économie mondiale depuis l’année 1980.
J’ai comparé l’évolution de ces PIB (ajustés en parité de pouvoirs d’achat, abrégé : PPA) par habitant non pas en devises brutes, mais en pourcentage du PIB/habitant français. Autrement dit, la France, promue étalon international du niveau de vie des pays riches, se voit attribuer un indice constant de 100. Un pays avec un indice de 84 dispose d’un PIB/hab/PPA égal à 84% du PIB/hab/PPA Français la même année, les habitants d’un pays avec un indice de 104 jouissent d’un PIB/hab/PPA supérieur de 4% au notre. Pour simplifier, j’appellerai ce ratio ''maison'' INVF (Indicateur de Niveau de Vie par rapport à la France) par la suite.
Pour faire simple, un pays dont l'INVF augmente voit sa production de richesse ajustée en PPA progresser plus vite que celle de la France, et il y a de fortes chances pour que cette progression se répercute en terme de niveau de vie. Et inversement.
Naturellement, l’INVF ne constitue pas une comparaison parfaite de la richesse des habitants d’un pays concerné par rapport au notre, puisqu’il ne tient compte ni du rapport qualité-prix de la part des dépenses publique dans le PIB (cette prise en compte nous désavantagerait...), et qu’il n’indique rien de la distribution de ce revenu et des inégalités au sein des populations. Toutefois, les valeurs ainsi définies sont un bon révélateur de l'évolution du niveau de vie moyen des pays concernés par rapport à celui de la France.
Variation du PIB/h en PPA par rapport à la France (indice 100)
23 pays parmi les plus riches
Les chiffres sont impitoyables. Des 22 pays comparés à la France, 21 ont vu leur INVF augmenter entre 1980 et 2005. Cela veut dire que notre production de richesses, ajustée en parité de pouvoir d'achat, a augmenté moins vite que celle de pratiquement tous les autres pays considérés comme riches. Seule la Suisse a décliné, mais son INVF reste égal à 111, traduisant une richesse produite (PPA) toujours supérieure de 11% à la notre.
C'est encore plus parlant avec de bons petits graphiques "maison" ...
France vs anglo-saxons: pas de quoi pavoiser !
A noter la progression de l'Irlande
France vs scandinaves: après une dépression
au début des années 90, ces pays ont tous su rebondir,
à la suite de réformes libérales
France vs Europe du Nord et Japon:
Ne nous laissons pas abuser par le déclin suisse,
nous sommes bel et bien lanterne rouge...
Le Club med: s'il n'existait pas, il faudrait l'inventer !
Mais l'Espagne semble bien partie pour nous dépasser sous peu...
Plus en détail: Quatre autres nations, qui ont d’abord progressé plus vite que nous pendant la première décennie sous Mitterrand, ont vu ensuite leur INVF régresser depuis 1995 : l’Allemagne, qui commence seulement à récupérer de sa superbe après une réunification économiquement difficile, les Pays Bas (raisons non connues de votre serviteur), Israël plombée par les intifadas, et le Japon, qui a connu lui aussi une crise structurelle majeure dans les années 90. Toutefois, la progression globale de ces quatre pays a été supérieure à la notre ces 25 dernières années, et si en 1980 l’indice de tous ces pays était inférieur à 100, trois d’entre eux nous sont passés devant, Israël partant de trop loin pour espérer se retrouver dans la même situation.
Pour le reste, notre situation n’est guère brillante. Si en 1980, seuls 8 pays sur 23 avaient un indice supérieur à 100, ils sont 17 aujourd’hui. Nous ne devançons plus que (dans cet ordre) l’Italie, l’Espagne, la Nouvelle Zélande, Israël et le Portugal : pas de quoi pavoiser.
L’Allemagne, la Belgique, les Pays bas, nous ont dépassé de peu, partant de peu derrière nous. En revanche, l’Australie, la Grande Bretagne, la Suède, la Finlande et le Japon, dont le retard sur notre pays était conséquent il y a 25 ans, nous ont dépassé, de quelques points seulement il est vrai, mais rien ne laisse penser que la tendance puisse s'inverser dans les années à venir, sauf changement radical de politiques économiques chez nous.
A propos de changement radical, que dire de l’Irlande, OVNI économique, seul pays du lot à avoir fait passer sa dépense publique de 51% du PIB en 1984 à moins de 35% de nos jours, et dont l’INVF est passé de 70 à 138 ? En clair, un irlandais moyen a vu son niveau de vie comparé à l’étalon France doubler en 25 ans, en appliquant, à partir d’une situation bien plus mauvaise que la notre en 1984, des recettes exactement inverses : baisse des pressions fiscales marginales, désengagement de l’état du champ de l’économie, réformes sociales visant à remplacer l’assistanat par l’aide à l’effort. On peut légitimement se demander si la progression de notre niveau de vie n'aurait pas été encore plus spectaculaire si nous avions pris la même décision au même moment...
Parmi les pays qui nous devançaient en 1980, et qui ont tous (sauf la Suisse, donc) creusé l’écart avec nous, on trouve des modèles aussi variables que des micro-nations telles que le Luxembourg ou l’Islande, des pays à faible population tels que la Norvège, l’Autriche, le Danemark et le Canada, et enfin, l’hyper-puissance Américaine, dont l'avantage sur la France en terme de niveau de vie est tout à fait considérable pour la plus grande partie de la population, y compris pour les plus pauvres, quoiqu'en disent ceux qui veulent à tout prix diaboliser la société américaine.
Certes, certaines de ces nations disposent d’atouts particuliers (une population norvégienne peu nombreuse jouit d’une cagnotte pétrolière intelligemment gérée, le Luxembourg est un pôle d’excellence financière dont le modèle est difficilement transposable à un grand pays,...), mais enfin, sauf à considérer que le FMI truque ses données dans un sens exclusivement anti-français, ce qui constituerait une bien curieuse obsession, force est de constater que tous les modèles de société choisis par les autres pays produisent de meilleurs résultats que le notre. Pratiquement tous ces pays, quel que soit le niveau de redistribution sociale des revenus qu’ils ont choisi de pratiquer, ont d’abord privilégié un cadre institutionnel favorisant la production de richesses par des acteurs économiques privés, ont largement privatisé et souvent déréglementé des économies parfois très nationalisées par le passé, et ont joué à fond le jeu de l’ouverture au commerce mondial.
Il est donc plus qu’urgent que nous arrêtions de nous gargariser de soi-disant modèle français et d’exceptions françaises qui ne sont considérées à l'extérieur qu'avec un certain mépris, que nous arrêtions de croire que le monde entier aurait intérêt à harmoniser son "niveau de protection social" par référence au notre, que nous devrions "nous protéger" du monde extérieur, etc... La France doit définitivement arrêter de se regarder le nombril et adopter d’urgence les recettes qui ont fait les succès des autres nations du monde occidental : baisse - parfois drastique - des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, des fiscalités marginales, levée des freins réglementaires à la création d'entreprises, notamment dans certains secteurs abusivement réservés à des monopoles publics, ou soumis à des numerus clausus, achever la privatisation des entreprises du champ concurrentiel, accepter plus largement encore la concurrence internationale...
Puissent ceux qui nous gouverneront en juin faire preuve d'un peu de lucidité et de courage !
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.