L’explosion de la bulle immobilière aux USA n’en finit pas d’alimenter les gazettes hexagonales. Et pour cause : quand l’immobilier US chute, les banques emprunteuses s’enrhument, Wall Street s’inquiète, et les bourses européennes deviennent nerveuses. Et une certaine presse d’entamer , bien sûr, le refrain des dysfonctionnements du "grand méchant marché" immobilier.
Il a bon dos, le marché !
Cette chute de l’immobilier outre Atlantique n’est pas anodine. Un
exemple parmi des milliers d’autres : des maisons achetées
plus de
600.00 dollars près de LA il y a un an sont parties à moins
de
450.000 aux enchères ces derniers jours, et si tous les biens ne
subissent pas encore une telle décote, des chutes de plus de 10% ne
sont pas rares. Partout les délais moyens de transaction augmentent. La
construction neuve a chuté de 22% sur 1 an au second trimestre. En
Californie, les défauts de paiement ont augmenté de 800% au dernier
trimestre par rapport à l'année précédente.
La cause la plus souvent citée par les analystes et les médias est bien
évidemment la remontée des taux d’intérêts, qui, en fragilisant les
emprunteurs (fréquemment à taux variable aux USA), les place en
situation de ne pas pouvoir faire face à leurs échéances. Dans
certaines zones de Californie, l’augmentation des défaillances
d’emprunteurs atteint 800% d’une année sur l’autre, et ce n’est que le
début.
La remontée des taux d’intérêts est la conséquence directe de dépenses
abusives de l’état fédéral, induisant une hausse excessive de
liquidités dans un contexte de croissance ralentie, obligeant la Fed à
augmenter ses taux pour prévenir tout risque inflationniste :
Il
est difficile de Blâmer « le marché immobilier » à
propos de
fluctuations résultant directement d'actions publiques.
Cette explication de la crise par l’effet taux affectant la demande
n’est que partiellement exacte. Elle néglige, comme trop souvent, la
conséquence des contraintes pesant sur l’offre immobilière.
Pour qu’une bulle éclate, il faut qu’elle se soit formée.
Or l’analyse du marché américain montre que cette bulle s’est montrée
fort sélective, affectant gravement la Californie, la Floride et la
Côte est, ainsi que quelques métropoles centrales comme Chicago,
Denver, Vegas
Mais épargnant des cités comme Houston,
Atlanta, Dallas, et quelques autres.
Ces marchés se distinguent par des prix qui ont nettement moins
augmenté qu’ailleurs entre 1998 et 2006, alors que les croissances -
économique et démographique - y ont été parmi les plus fortes
au
sein de l'union : Ici les ratios entre revenus et prix médians
des
logements ont augmenté de 10 à 20%, alors qu’ils ont plus que doublé en
d’autres endroits. La maison individuelle médiane se négocie à 155.000$
à Houston, contre 230.000 en moyenne nationale pour un produit
similaire, et plus de 300.000 dans les grandes agglomérations de
Californie, d’Oregon, ou du Nord-Est, le record appartenant à San
Francisco, où le prix médian des logements atteint
930.000$
en juin 2007.
Or le facteur distinctif entre les villes chères et cités raisonnables
est désormais bien identifié par les économistes,
fussent ils plutôt interventionnistes : les villes les moins chères
sont celles où la réglementation met peu d’obstacles à la fourniture de
foncier constructible en vue de réaliser des opérations de croissance
urbaine de taille significative. Au contraire, les cités fortement
« bullaires » se sont vues imposer, au fil des temps,
des
limites d’expansion périphériques, voire des quotas de nouveaux
logements, ainsi que des processus d’approbation de lotir d’une
longueur démesurée, qui ont empêché l’offre de répondre à la hausse des
prix et de compenser la hausse de la demande. A San Francisco, depuis
le début des années 90, l’offre de nouveaux logements est de façon
récurrente inférieure
à la moitié de la demande, et ce alors que le
boom des nouvelles technologies a alimenté cette dernière de façon
régulière.
Les marchés à prix raisonnables n’évitent pas l’augmentation des mises
en faillite de ménages incapable de payer leurs mensualités :
Là
bas aussi, des familles modestes attirées par les bas prix se sont
endettées à taux variable et se retrouvent parfois étranglées (le boom des faillites touche surtout les logements de bas de gamme au Texas). De même,
les développeurs travaillent sur ces marchés avec des marges beaucoup plus
faibles
qu’en Californie : 10.000 $ de marge à Dallas, contre 99.000
sur
la Côte ouest, sont nécessaires aux promoteurs pour couvrir les frais
liés à la longueur du processus d’autorisation de développer de larges
zones. Une baisse seulement légère des prix de sortie des logements
peut donc mettre en difficulté les constructeurs. De fait, au texas,
les investisseurs comptent pour une
large part dans l'augmentation récente des cessations de paiements.
Un marché
structurellement bas n’est pas un forcément un marché facile pour les
offreurs, ni pour les emprunteurs qui ont mal estimé leur capacité de remboursement.
Toutefois, les chiffres cités pour ces zones ne sont en rien aussi
dramatiques que ceux annoncés pour la Californie ou la côte est. Sur
les 500
zones postales les plus touchées par les faillites, 130 sont
en
Californie, 22 au Texas, et à population égale, les faillites sont 2
fois plus nombreuses en Californie. Les montants forclos ne sont pas de la même ampleur.
Quand la bulle reste modeste, les emprunteurs tombent de moins haut
lors des retournements de tendance. Quant aux propriétaires, même
endettés, ils auront la certitude que la valeur de leur bien ne tombera
pas dans des proportions aussi larges que les malheureux
californiens : en cas de faillite personnelle, la vente de
leur maison devrait éponger leur dette. C’est mieux que rien.
Quant à ceux qui ont fait preuve de mesure dans la détermination de leurs
mensualités, ils ne seront pas vraiment affectés par ces variations.
Il apparaît donc que les réglementations excessives de l’usage des sols
en certaines places ont amplifié à l’excès la bulle immobilière,
plaçant les investisseurs comme les ménages entrants sur le marché du
logement dans des situations fragiles dès le départ. Abroger les lois
qui favorisent la formation de telles bulles serait salutaire - et pas seulement outre Atlantique.
Hausse des taux, Réglementation abusive du sol : le premier
coupable de la formation, puis de l’éclatement de la bulle immobilière
américaine n’est pas « le grand méchant marché »
immobilier,
mais les distorsions que les différents niveaux de puissance publique,
fédérale et fédérées, lui ont infligé.
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