Dans ma récente
note sur la crise de l'immobilier aux USA,
j'incriminais
la responsabilité des puissances publiques (locales et fédérale)
américaines dans la formation de la bulle immobilière, et ce sous deux
aspects: augmentation des taux d'intérêts forcée par la
politique irresponsable de creusement des déficits publics
menée par les dirigeants en place, et réglementation excessive de la
construction en certains endroits, qui a conduit à sur-évaluer
artificiellement la valeur des biens immobiliers gageant les crédits à haut risque
appelés crédits subprime.
J'étais encore en dessous de la vérité.
L'analyse qui précède me laissait partiellement insatisfait, car elle
ne répondait pas à la question suivante: Pourquoi, nom d'un banquier,
les établissements de crédit se sont ils montrés aussi laxistes dans
leur politique d'octroi de crédit
subprime, dont ils savent pourtant parfaitement qu'ils ne
sont pas des plus sûrs ? Pourquoi les 2/3 des prêts accordés à San
Francisco étaient ils des prêts subprime en 2006, alors que la moyenne
nationale, en 2002, n'était que de 10% ?
C'est l'immense Thomas Sowell qui m'a fourni l'explication, naturellement introuvable dans la presse généraliste française : dans cette tribune
qu'il consacre essentiellement aux règlementations foncières votées par
les politciens, il évoque incidemment les effets d'une législation
appelée Community
Reinvestment Act (CRA), qui force les
établissements de crédit à prêter à des personnes auxquelles de tels prêts ne seraient sans cela pas accordés. Recherche faite, le CRA est une loi votée en
1977, à l'apogée de l'ère interventionniste et socialisante de l'état
fédéral US (Johnson, Nixon, Carter. Tout est dit !), afin d'obliger les
établissements de crédit à ''satisfaire les besoins de crédit de
l'ensemble de leur communauté''. Tous les établissements
financiers adhérents du FDIC
(Federal Deposit Insurance Corporation, organisme public assurant les
déposants contre la faillite des établissements bancaires) doivent, en
contrepartie, se soumettre à des ratios de prêts aux populations à
risque, et font l'objet de ''testings'' pour s'assurer qu'ils ne
pratiquent pas de discrimination par le crédit.
Bref, si les banques prêtent à des familles dont la solvabilité est mal
assurée, c'est parce qu'une loi les y oblige *, et parce
que face à l'augmentation irrationnelle des prix de
l'immobilier, les familles emprunteuses voient leur rating se dégrader,
et sont donc obligées de recourir à ce type de prêt pour
pouvoir se loger.
C'est là que l'on s'aperçoit des dégâts que peuvent faire les
politiciens quant ils prétendent se substituer aux forces du marché pour ''micro-manager'' l'économie et "faire le bonheur des moins riches". La loi en question a en effet eu des effets pervers redoutables.
Là où une banque française joue son rôle prudentiel en n'ouvrant pas de ligne de crédit à un ménage insuffisamment solvable, la loi américaine, pour une fois plus interventionniste et socialiste que la nôtre, oblige les établissements bancaires à mentir à leurs clients et à leur faire croire qu'ils constituent une clientèle solvable, pour respecter les ratios légaux. Ceci se paie, pour le ménage emprunteur: un risque plus
élevé est compensé par des taux variables, relevés par rapport à un crédit classique, et la maison est toujours hypothéquée. Bref, un passeport pour la banqueroute personnelle (encore qu'avec un taux de crédits sinistrés de 14%, pour l'instant, la situation soit grave mais pas désespérée).
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Les banques locales savent parfaitement que la loi les oblige à assumer des créances pour le moins douteuses. Comment ont elles géré cette situation ?
Tout simplement en se débarrassant des dites créances, en les revendant à des fonds d'investissements ou à des organismes spécialisés dans le placement de produits aux noms ésotériques tels que les ''structurés de crédit'' ou les ''collateralized debt obligations''.
Et pourquoi ces fonds d'investissements ont ils racheté ces créances bancales ?
Parce qu'ils sont économistes mais pas urbanistes, qu'ils ont cru que la hausse de l'immobilier avait des causes exclusivement liées à des phénomènes monétaires ; parce qu'ils ont donc cru que les faillites seraient couvertes par des maisons dont la valeur monterait régulièrement (la dette est assise sur un actif ''collatéral'') ; parce que contrairement au petit banquier du midwest qui sait pertinemment que récupérer une maison après une forclusion est rarement une bonne affaire (il faut la revendre, les maisons saisies sont rarement en bon état, quand l'ex propriétaire expulsé n'y a pas apporté de dégradation volontaires par vengence, etc...), les hedge funds n'avaient pas nécessairement cette expérience du prêt immobilier ; parce que de fait, ils ont cru que la volonté des emprunteurs de ne pas perdre leur maison les rendait plus fiables qu'ils n'étaient en réalité ; enfin et surtout, parce que trop longtemps, une politique d'argent trop facile menée par la FED (encore un monopole public, soit dit en passant) a favorisé le mal-investissement ; Parce que les clients des hedge funds spécialisés dans ce type de placement, peu habitués à des produits financiers totalement nouveaux et ésotériques dans leur fonctionnement, n'en ont pas correctement analysé les risques.
Et voilà pourquoi les difficultés de Bear Stearns et de quelques autres provoquent un début de panique sur les marchés financiers, alors que les risques sur les ''subprime mortgage'' ne représentent que 100
Milliards de dollars sur 8400 milliards d'encours de crédit, ce qui devrait limiter la crainte des opérateurs.
Résumons l'enchainement des causes et effets (interventions étatiques en italique) :
--> la notation des emrpunteurs se dégrade
--> Ils doivent recourir à des crédits à risque
--> la loi fédérale empêche les prêteurs de jouer leur rôle prudentiel
--> l'excès de liquidité provoqué par une FED laxiste permet aux banques de revendre les créances boiteuses à des investisseurs fourvoyés dans des mal-investissements sur des produits qu'ils connaissent mal
--> les taux augmentent à cause des déficits excessifs de l'état fédéral
--> les emprunteurs sont pris à la gorge
--> leurs créances sont en défaut
--> les ventes de maisons saisies se multiplient
--> Les prix se cassent la figure
--> les actifs sur lesquels étaient assis les produits financiers "collatéraux" ne couvrent plus les défauts de paiements
--> des grands fonds d'investissement se retrouvent au bord de la cessation de paiement
--> les marchés sont déstabilisés
--> unhappy end : le public, la presse et les politiciens crient au dysfonctionnement des marchés et à la cupidité de ses acteurs.
Les lois foncières, tout comme celles régissant le crédit, ont en fait complètement distordu les signaux adressés par le marché à tous les acteurs de cette bulle, qui de fait ont pris de mauvaises décisions : ménages emprunteurs, banques prêteuses, et investisseurs collecteurs de créances. Avec les résultats désastreux que l'on constate aujourd'hui, notamment pour les familles modestes expulsées.
Il est de bon ton de blâmer l'ultra-libéralisme débridé des USA quand quelque chose va mal, et gageons que la presse française s'en donnera une fois encore à coeur joie dans ce registre. Pourtant, une foisencore, la réalité est bien différente. C'est l'interventionnisme del'état dans le fonctionnement des marchés - en clair, le socialisme - qui, là bas commeailleurs, fait le malheur de ses victimes, au premier rang desquels les ménages humbles qu'il prétend aider.
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* Sentant sans doute venir le coup, la FDIC a obtenu un léger assouplissement du texte pour les prêteurs en 2005.Trop peu, trop tard...
A lire également: l'analyse d'Aurélien Véron sur la crise du subprime
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