Quel est le grand mécène amateur d'art qui achète des tapis unis de 4X2m couleur "bleu électrique" à 100.000 Euros, qui accumule dans des immenses hangars des milliers de peintures d'artistes contemporains - comprendre: dont le style rappelle résolument celui des dessins de ma fille de 4 ans - qui ne seront sans doute jamais exposées ? François Pinault ? Guggenheim ? Bill Gates ?
Vous n'y êtes pas du tout. C'est l'état français, capable de commander pour 100.000 Euros de chaises pour poser 40 culs de notables, soit approximativement 80 fesses, sur la tribune du 14 juillet... chaises qui ne serviront qu'une fois par an. Et les tapis, je ne vous dis pas ! La vidéo ci dessous, pour ceux qui ne l'ont pas vue sur capital, oscille entre l'hilarant, l'effarant et l'écoeurant, surtout pour ceux qui ont du mal à payer leurs tiers provisionnels.
Passage culte: vers la fin, une (grosse) commission de fonctionnaires du ministère de la culture subventionnée se réunit pour sélectionner les oeuvres intemporelles qui méritent d'être "soutenues" et qui iront de fait s'entasser dans les hangars du ministère. Après une phase pendant laquelle un "expert" expose les qualités de chaque oeuvre dans un charabia qui n'est pas sans rappeler les diarrhées verbales qui ont cours dans les concours publics d'architecture, une conservatrice dudit ministère s'extasie devant une peinture "monochrome" d'un artiste américain spécialisé dans ce type d'oeuvre (la spécialisation, il n'y a que ça de vrai), dans les termes suivants:
"C'est bien. Surtout la transparence des différentes couches de couleur que l'on devine, qui est extrêmement subtile. Ce n'est pas un monochrome ennuyeux."
Tellement pas ennuyeux que ce magnifique carré rouge avec des coulures noires sur le coin inférieur gauche sera acheté par l'état pour la somme modique de 24.500 Euros. Deux années de SMIC. Pas mal pour un mètre carré de papier peint, mais pas grand chose à côté d'une grande fresque picturale à dominante marron-jaune caca dans le plus pur style "classe de peinture de cours élémentaire" dont l'auteur danois aura droit à 50.000 de nos brozoufs. Ah pardon, 80.000. L'inflation...
Comme aurait pu dire Desproges, "le bureaucrate lacanien rejoint le handicapé mental dans un même élan d'idolâtrie pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la merde". Et Coluche de rajouter: "rigolez pas, c'est avec votre pognon quand même".
Contribuable adoré ! Les grands commis de la culture d'état, souteneurs de l'art contemporain, ne te remercieront jamais assez pour ces moments de volupté contemplative que tu leur offres. Sois béni, et surtout ferme ta gueule - de toute façon, tu comprends rien à l'art.
Mais comme il vaut mieux en rire, et parce qu'on ne va tout de même pas se mettre en pétard un 15 Août pour quelques millions d'euros de gaspillages annuels*, voici, pour mémoire, un reportage culte, toujours bon à revoir, sur l'un de ces artistes phares, inconnus du public, mais reconnus par l'oeil avisé des acheteurs culturels de la rue de Valois, qui se définit lui même comme un animateur d'espace, un modeleur de vide, un déstructureur d'intemporalité. Il a tout compris !
- Vous prendrez bien un petit coup de Bourdon ?
- Avec une goutte de pastiche, alors...
Vous noterez la parenté picturale entre le tableau intitulé "plénitude amnésique" et les monochromes vus par "la commission". Boulversifiant.
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*Exercices subsidiaires : (a) Combien y a t 'il de fonctionnaires autour de la table de la grande commission ? Calculez la masse salariale requise, sachant qu'il y a quatre commissions annuelles durant chacune 2 jours hors préparation. (b) Citez trois oeuvres connues de Bernard Pifaretti, de Ming et de Ben. Attention, Romano Chocalescu est hors concours. (c) Sachant qu'il faut 6 ans au mobilier national pour faire un tapis de salon, calculez le nombre d'heures de travail hebdomadaire effectif des tapissiers, et le coût horaire associé (d) Le tableau du dénommé "ben" (1ère vidéo) reprend la thématique développée par un autre tableau célèbre vu à la télé dans une comédie culte. laquelle ? Un indice.
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A revoir également, un autre exemple d'intervention culturellement inspirée de l'état, l'article 238 bis du code des impôts, surnommé "loi Fabius" par les mauvaises langues honteusement poujadistes que l'auteur de ce blog ose fréquenter.
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