Lorsque vous osez affirmer à des communistes impénitents que les crimes
de Staline - qu'ils sont bien obligés de reconnaître - et de Lénine
- sacrilège ! -, ainsi que l'état pitoyable des anciens pays du pacte de Varsovie après
des décennies de soviétisation, disqualifient toute forme de
collectivisme en tant que doctrine, vous vous entendez
répondre - parfois poliment, parfois par des insultes - que le vrai
communisme, celui des phalanstères et de Proudhon, celui de Marx, voire
du "gentil Lénine"
- prière de ne pas rire - n'a jamais eu la chance de pouvoir s'exprimer, qu'il a
été dénaturé par des dictateurs qui n'étaient pas, en fait de
"vrais" communistes.
Notre réponse à cette absurdité consiste généralement affirmer qu'une
doctrine que jamais personne n'a jamais pu mettre en oeuvre sans
l'accompagner de massacres de masse, de déportations, de
répressions, et qui a toujours conduit les pays qui se le sont vu
imposer à la misère, est une doctrine perverse dès le départ. Ce qui
nous emmène généralement, si l'éducation de l'interlocuteur le permet
encore, vers une discussion sur le rôle essentiel du droit de propriété
dans la préservation de la liberté individuelle.
Mais votre opposant
communiste ne voudra pas en démordre: "le vrai communisme, volontaire
et partageur, on ne l'a jamais vu à l'oeuvre, il faudrait laisser une
chance à ce vrai communisme là".
Or, tant le critique que l'aficionado du communisme commettent une
erreur. Une expérimentation à assez grande échelle du collectivisme
volontaire le plus intégriste a existé. Et l'échec de cette expérience
apporte bel et bien la preuve ultime de l'impraticabilité per se du
socialisme originel, sous toute ses formes. Un socialisme "idéal" ne peut en aucun cas exister dans le monde réel.
L'expérience dont il est question est le développement des Kibboutz en
Israël, depuis le début du XXème siècle et plus encore après
l'indépendance de 1947. Le prix Nobel d'économie 1992 Gary Becker (photo), sur
son blog à 4 mains, nous gratifie d'une remarquable
analyse historique et économique des Kibbutzim, qui naquirent
dès le début du XXème siècle sous l'impulsion de juifs utopistes. Son
compère Richard Posner, spécialiste majeur de l'analyse économique du
droit, y ajoute, comme toujours, des
compléments d'information pertinents. Selon Becker, nowhere is the failure of socialism clearer than in the radical transformation of the Israeli kibbutz.
Dans la plupart des Kibboutz, les parents habitaient une maison modeste
appartenant à la communauté. Les enfants en étaient séparés, et
dormaient dans un dortoir. Il s'agissait d'éviter que certains enfants
ne soient avantagés par l'énergie ou le savoir que tentent de leur
transmettre les parents les plus motivés et cultivés... Quelles qu'aient été
ses compétences initiales, chacun devait contribuer aux travaux des
champs, quand bien même il aurait eu une qualification qui aurait
apporté plus à la communauté, et chacun recevait la même part du
produit du travail commun. Lorsqu'un membre gagnait de l'argent grâce à
une activité en dehors du Kibboutz, il devait le partager avec la
communauté, et ne devait rien garder pour lui. La rotation des tâches
agricoles était la règle. La promiscuité aussi.
Dans les premiers temps, La cohésion des kibboutz fut maintenue à la
fois par le sentiment de communauté religieuse, par l'engagement
idéologique de leurs premiers membres, et par l'environnement hostile
de nations islamiques qui ont déclenché contre l'état Hébreu 4 guerres
d'agression en 25 ans, soudant la communauté autour des nécessités défensives.
Mais même cette pression extérieure ne put compenser le désamour des
membres du Kibboutz vis à vis de l'utopie collectiviste.
Très vite, de nombreux Kibboutz connurent des difficultés.
Les jeunes, notamment, voulaient quitter cet environnement - ce qu'ils
étaient libres de faire, contrairement à un russe ou un chinois,
soviétisé de force - dès qu'ils en avaient les moyens, ce qui n'était pas toujours le cas, car leurs
parents n'accumulaient pas de capital, et à l'extérieur du Kibboutz, le blocage
des loyers introduits par l'état d'Israël (qui fut d'ailleurs
fondé sur des bases très socialisantes) avait détruit le
marché locatif, là bas aussi. Aussi beaucoup parmi eux se sentaient-ils plus
prisonniers économiques du Kibboutz que participants enthousiastes.
Les problèmes de jalousie entre membres, de tirage au flanc et de
parasitage - problème connu par les économistes sous le nom de
"passager clandestin" ou "free
rider" : pourquoi se tuer à la tâche si vous recevez autant que celui qui travaille ? -, l'inefficacité du système productif dûe à l'absence
de spécialisation des tâches et à la mauvaise utilisation des
compétences, le stress né de la séparation des familles, ont provoqué la
disparition de certains Kibboutz, et la transformation de la plus
grande partie d'entre eux en entreprises de type privée, où les
familles vivent réunies, où le marché détermine les rémunérations, où
l'immobilier est privé, et où l'initiative individuelle permet de développer des activités
autres que l'agriculture, permettant à chacun de se spécialiser.
Bref, plus de 70% des Kibboutz sont devenus des entreprises de type
capitaliste, dont l'aspect social se limite à la constitution de sociétés de secours mutuel des membres. Les Kibboutz, au nombre d'environ 250, ne représentèrent jamais plus de 7% de la société Israélienne, au temps de leur
splendeur. Les quelques kibboutz qui conservent une structure
collectiviste (il reste des utopiste croyants...) ne représentent
quasiment plus rien, et ne survivent que parce qu'ils appartiennent à
un ensemble largement capitaliste qui assure à leurs productions ou leurs actifs fonciers la possibilité d'intégrer un système d'échange libéral, en toute
protection du droit de propriété.
Bref, l'échec du Kibboutz socialiste est l'argument ultime contre les
illusions des derniers zélotes du collectivisme qui ne veulent pas voir
dans les échecs de l'URSS et autres pays comparables la preuve de
l'absence de viabilité intrinsèque des sociétés communistes sous toutes
leurs formes. Même volontairement souscrit par des communautés
idéologiquement conquises et initialement très motivées, le communisme
ne peut apporter ni satisfaction, ni prospérité aux individus.
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A lire:
The Transformation of the Kibbutz and the Rejection of Socialism - Gary Becker
Excellente analyse de Gary Becker sur la faillite du socialisme(auteur que pour ma part j'apprécie énormément en ce qu'il fait vivre l'analyse économique du droit avec l'aide d'un grand juriste comme Posner..)
Mais je crois me souvenir que Robert Nozick avait lui aussi écrit un article sur le sujet, en prenant également l'exemple israëlien, article d'ailleurs traduit en francais...
Grand philosophe libertarien lui aussi, mais malheureusement, dont les traductions sont loin d'être toujours à la hauteur.
Quant au nouveau site... Longue vie à lui, c'est tout le mal qu'on peut lui souhaiter ! Car tant qu'il y aura des socialistes obtus et des conservateurs véhéments, il y aura toujours des libéraux pour leur répondre.
Le bloggeur que je suis a également fait les changements de liens.
Bonne chance alors pour cette "renaissance" d'objectif liberté.
Rédigé par : Philippe | mercredi 26 septembre 2007 à 12h06