because we did not know that it was impossible"
Mart Laar
Mart Laar, ancien premier ministre d'Estonie, fut celui qui initia le
"miracle économique" de son pays. Lorsqu'il prit le pouvoir, le pays était ravagé par 50 ans de servage communiste. C'est devenu le premier des "Tigres Baltes", et son succès a inspiré la plupart des autres pays de l'Est qui aujourd'hui copient ses réformes, à commencer par l'essentielle Flat Tax.
Mart Laar mérite sans
discussion dans l'histoire des grands réformateurs la même
place qu'une miss Thatcher ou qu'un Ronald Reagan. Et peut être plus encore, car à y regarder de plus près, aucun pays n'a réussi un tel redressement en si peu de temps.
Dans ce discours
exceptionnel donné pour l'Heritage Foundation, il délivre une
fantastique leçon combinant pensée visionnaire et leçon de courage
politique, dont on aimerait qu'elle serve de modèle à nos propres
politiciens. Pour les non anglophones, ou les gens pressés, j'en
traduis ci dessous quelques trop courts extraits, mais je ne saurais
trop encourager les anglophones à passer un peu de temps sur la V.O. de cet écrit
majeur.
Dans le même temps, même les opposants au communisme ont été incapables de comprendre le véritable problème économique dérivant de la façon de penser communiste. Les gens pensaient massivement qu'il suffirait de virer les communistes du pouvoir et de libéraliser l'économie pour que leur niveau de vie rattrape celui de l'Europe. Personne ne comprenait à quel point l'état des économies communistes était sous développé et arriéré. Par conséquent, le retour dans le monde libre a été plus dur et pénible que ce que chacun aurait pu prévoir.
(...)
Même les estoniens ne croyaient plus en leur avenir. Constatant l'écart entre la réalité estonienne et l'idée qu'ils se faisaient d'une vie normale, les gens comprirent que des réformettes ne suffiraient pas. L'Estonie devait accomplir un pas de géant pour se sortir des profondeurs. (...) Voilà pourquoi en 1992, les Estoniens élurent ceux qui leur proposaient la rupture la plus radicale avec l'ère soviétique, et le programme de réformes le plus décisif.
(...)
Les gouvernements réformateurs ont peu de temps pour prendre les mesures nécessaires. Il y a des limites à la confiance que le peuple place en ses politiques, et le niveau de peine qu’ils peuvent supporter. Dépasser ces limites peut entraîner un retour de bâton contre les réformateurs et leurs nouvelles propositions. L. Balczerowicz, un des architectes des réformes économiques polonaises, ( ) a souligné qu’un programme économique radical lancé juste après la rupture a plus de chance d’être accepté que l’introduction graduelle de mesures difficiles. "Une thérapie de choc est plus facile à administrer qu’un traitement de longue durée."
l’histoire montre que retarder des mesures nécessaires peut causer de sévères retours de bâton qui ne se seraient pas produits si elles avaient été prises immédiatement. Dans la réforme, le timing est vital. Une bonne décision prise trop tard ne produit pas autant d’effets positifs.
(...)
Développer notre programme fut fait en quelques semaines, avec l’aide de quelques think tanks étrangers : Heritage Foundation, International Republican Institute, Adam Smith Institute, et le suédois Timbro. Egalement essentiel fut le rôle des premiers think tanks estoniens, juste créés, qui organisèrent nombre d’évènements publics pour présenter ces réformes et familiariser le public avec ses détails. Sans ces Think tanks, bâtir un programme rapide et réalisable eut été impossible.
(...)
Les réformes doivent être passées par pans entiers, et non par morceaux : la résistance politique aux petites réformes est la même que pour les grandes.
(...)
La stabilité macro-économique était notre premier objectif. ( ) Sans possibilité pour le gouvernement de faire marcher la planche à billets, ou de recourir au déficit, nous étions obligés de couper dans les dépenses. Le FMI nous à proposé un prêt, que nous avons refusé, afin de construire le futur de l’Estonie sur des réformes radicales, pas sur de la dette.
( )
Les subventions aux entreprises d’état furent identifiées comme de mauvaises politiques, et furent supprimées. ( ) Cela envoya un signal aux dinosaures industriels de l’ère soviétique : mettez vous au boulot ou disparaissez. Comme la suite l’a montré, la plus grande partie s’est retroussé les manches.
(...)
Il était important que nous fussions honnêtes avec le public durant la négociation de notre plateforme gouvernementale. Nous n’avons jamais caché que les premières années de réforme seraient difficiles, et les membres du parlement qui devaient voter ces mesures savaient parfaitement qu’ils auraient à le faire. (...) Chaque membre de la coalition comprenait que ( ) sans ces réformes, le peuple, de toute façon, souffrirait dans la phase de stabilisation de l’économie, mais ne verrait aucun résultat.
(...)
Ouverture aux marchés
La transition de la première vers la seconde étape des réformes fut le moment le plus décisif du processus. En première étape, les choix du gouvernement étaient relativement faciles, la réalité de la situation existante nous imposant nos choix. Par la suite, le spectre des choix possibles s’est étendu ( ). Lors de la première phase, une petite équipe pouvait réaliser la stabilisation de l’économie par une approche top down, lors de la seconde phase, le succès nécessitait l’implication d’un grand nombre de personnes, de toucher leurs coeurs pour changer leurs attitudes.
La thérapie de choc de la stabilisation fut un réveil douloureux pour le peuple. La seconde phase devait leur donner un nouvelle espoir, des perspectives, des opportunités. Sans un changement radical des attitudes individuelles, ( ) le pays n’aurait pas pu évoluer vers une « normalité », avec un gouvernent libre, le règne de la loi et une économie de marché.
Sous le socialisme imposé par l’union soviétique, les gens n’avaient pas l’habitude de penser par eux-mêmes, de prendre une initiative ou d’assumer un risque. La plupart devaient être débarrassés de l’illusion habituelle dans les pays ex-communistes- que quelqu’un d’autre pouvait résoudre leurs problèmes. Il fallait redonner de l’énergie aux personnes, ( ) les forcer à décider et à prendre leur responsabilités par eux-mêmes. Le gouvernement déclara qu’il n’aiderait que ceux qui étaient prêts à évoluer par eux-mêmes. Le principe fut impopulaire, mais il aida à changer les attitudes.
Pour atteindre cet objectif, l’Estonie devait trouver le moyen de donner aux gens l’opportunité de faire du Business. Pour créer ces opportunités, nous sentions que nous devions ouvrir l’économie aux marchés mondiaux. Nous devions encourager la compétition et attirer des investissements étrangers. Beaucoup de gens étaient effrayés par l’ouverture, alors le gouvernement devait montrer la voie.
( ) L’Estonie réduisit les barrières douanières et non douanières au commerce. Elle abolit toutes les restrictions à l’exportation faisant de l’Estonie une zone de libre échange. Nous pensions que les protections douanières favorisaient d’abord les secteurs politiquement organisés ( )
Cette politique de libre commerce fut un succès, favorisant compétition, reconstruction et croissance. Cela apporta à l’Estonie nombre de nouvelles entreprises qui ouvrirent des affaires tournées vers l’exportation. Bien sur, cela provoqua une opposition furieuse, des manifestations pour protéger les « pans stratégiques de notre économie » et « les producteurs locaux ». Nous n’y avons guère prêté attention et avons poussé ces réformes aussi loin que nous l’avons pu. Une fois que les premiers résultats de l’ouverture furent constatés, il devint bien plus difficile de prôner le retour en arrière. Quoiqu’il arrive, l’ouverture sera politiquement impopulaire, mais personne ne voudra remettre en cause un système qui marche.
Pour une économie en transition, attirer l’investissement étranger était une alternative bien supérieure à l’emprunt auprès de la BM ou du FMI. En acceptant de telles aides au développement, nous aurions courru le risque de maintenir la relative arriération de notre pays. L’aide au développement s’accompagne généralement de technologies obsolètes qui ne sont plus utilisées dans les pays modernes. ( ) En utilisant cette assistance, les pays en transition ratent l’opportunité de se se servir de leur retard comme prétexte à de nouveaux développements.
Pour le dire brutalement, "no aid, more trade" . (...)
Bien que l’intérêt pour les investissements étrangers soit relativement similaire dans tous les pays en transition, les résultats obtenus diffèrent énormément. Certains pays essaient d’attirer l’investissement étranger en offrant toutes sortes d’avantages, d’exonérations fiscales, privilèges et droits particuliers. L’alternative consiste à offrir un environnement d’investissement attractif à la fois pour les investissements locaux et étrangers, sans faire de distingo entre eux. L’Estonie a choisi cette seconde alternative. Là encore, malgré les discussions provoquées par ce choix, parce que nous l’avions écrit dans notre plateforme gouvernementale, nous avons pu le faire rapidement. Quand les effets positifs de ce choix sont apparus, en quelques années, personne n’a plus voulu le remettre en cause.
( ) En résultat, l’Estonie a reçu plus d’investissement étranger par habitant dans la seconde moitié des années 90 que n’importe quel autre pays ex-communiste. Cet apport élevé d’investissement a créé de nouveaux postes de travail, reconstruit de vieilles usines, apporté de nouvelles connaissances et technologies, et a modernisé l’Estonie.
Mart Laar évoque également la lutte contre la corruption, la Flat Tax, le règne de la loi, l'e-adminsitration, la réforme bancaire, le retour du dialogue social... Une partie passionnante évoque la réforme du droit de propriété, pillier essentiel du succès d'une économie de marché, négligé par trop de pays ex-soviétiques. A chaque fois, il met en relation la réforme, souvent impopulaire, et les moyens politiques qui ont permis de les mettre en oeuvre tout de même. Absolument magistral.
En conclusion, des résultats, des résultats, encore des résultats...
(...)
En regardant en arrière la transition de l'Estonie, de la misère à la prospérité, je peux dire que la tâche principale d'un dirigeant n'est pas d'être populaire, mais d'avoir un programme clair et le courage de l'appliquer.
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le PIB/habitant, ajusté en Parité de pouvoir d'achat, représentait moins de 20% du notre en 1992. Il est aujourd'hui des 2/3, et l'écart continue de se réduire à un rythme impressionnant. Et bien que la France d'aujourd'hui ne soit fort heureusement pas l'Estonie de 1992, bien des enseignements du Pr. Laar devraient être retenus par la classe politique française, car si leur ampleur est bien moindre, les problèmes de la France d'aujourd'hui sont de nature parfois comparable à ceux des pays de l'Est au lendemain de la chute du mur.
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Lire : The estonian economic miracle
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