L’affaire Lagardère-Forgeard-EADS n’en finit pas d’alimenter les
colonnes médiatiques et de provoquer les cris d’orfraie de tous les
partis, y compris jusque dans les rangs des partis et associations libérales.
Les "affaires dans l’affaire" sont multiples, mais je laisserai pour
une fois de côté les questions liées à la connivence entre hauts
fonctionnaires, politiciens et capitalistes d’état incompétents,
traitée avec profondeur par d'autres (exemple: Aurélien
Véron), pour me concentrer de
façon plus conceptuelle sur la notion de délit d’initié, qui
me paraît être assez mal abordée par la législation actuelle.
Si l’on s’en tient à la
définition du délit d’initié, celui-ci consiste à tirer
partie d’informations privilégiées pour acheter ou vendre des actions
d’une entreprise au meilleur moment, juste avant une forte hausse
(achat) ou une forte baisse (vente). Par informations privilégiées, il
faut comprendre informations obtenues directement en tant que dirigeant
d’une société, ou indirectement, par contact avec une personne
travaillant dans l’entreprise. On parle alors de recel de délit
d’initié.
Cette pénalisation du délit d’initié correspond au désir d’éviter que
des petits actionnaires ne se sentent floués par le fait que des
« insiders » aient pu leur vendre des actions juste
avant une baisse importante du titre, dont le vendeur n’aurait pu
ignorer le risque fort d’occurrence.
Toutefois, cette définition au large du délit d’initié, qui transforme
tout salarié-actionnaire d’une entreprise en délinquant potentiel,
ainsi que toutes ses relations personnelles ou contractuelles
(banquier, broker, etc…), paraît excessive. Contrairement à la quasi
unanimité (ai-je dit : consensus ? )
professée par les médias grand public, le milieu académique
bruisse de plusieurs point de vue différents sur la façon dont l’ "insider trading",
que l’on peut traduire par "l’échange
initié", devrait être traité.
Le courant favorable à la
légalisation de l’échange initié
Il existe plusieurs arguments en faveur de l’échange initié libre (voir
par exemple JL Caccomo (photo),
de l'université de Perpignan, ou H. Manne
de l'université George Mason, de Washington) dont voici une synthèse.
Tout d’abord, l’égalité des contractants face à l’information en vue
d’un échange est une totale utopie, et pas uniquement dans le domaine
du commerce d’actions d’entreprise. Lorsque vous achetez une voiture
d’occasion, le vendeur en sait plus sur son véhicule que vous. Mais
sauf vice caractérisé qu’il ne pouvait ignorer, vous ne pourrez guère
lui reprocher quoi que ce soit si le moteur de votre véhicule lâche 500
kilomètres après que vous ayez conclu votre transaction, alors qu’il
avait parfaitement tenu la distance lors des 120 000
kilomètres précédents. Y avait-il des signes avant coureurs de la
faiblesse du moteur ? Comment savoir ? La
cote d’achat du véhicule tient généralement compte de ce risque, en
fonction de la réputation du modèle et de la marque.
De même, les choix faits par des milliers d’individus dans leur vie de
tous les jours relèvent d’un gigantesque délit d’initié généralisé. Le
professeur contourne la carte scolaire et place son enfant dans un
établissement supposé meilleur : délit d’initié ?
Tous les ministres de l’éducation nationale de gauche, après avoir
arrosé d’argent public l’éducation du même nom, placent leur
progéniture dans le privé, car ils savent ce que l’éducation nationale
vaut vraiment : délit d’initié ? Des gens qui ont eu
un peu avant tout le monde une intuition, une rumeur, une analyse,
comme quoi la Northern Bank pouvait être trop exposée sur les crédits subprime
ont clôturé leurs compte avant que les autres ne fassent la
queue devant les agences : délit d’initié ? Devaient-ils
laisser leur argent dans cette banque au risque de tout
perdre ? Ou profiter de leur léger avantage compétitif pour
sauver leurs meubles avant moult épargnants effrayés par une
possible faillite ne fassent de même, risquant d’entraîner la faillite
de leur banque ? Un employé de Renault décide de ne pas acheter un
modèle de la marque mais celui du concurrent, parce qu’il sait que ce
modèle particulier souffre de défauts de fiabilité : délit
d’initié ? Un vendeur de cabinet immobilier se dépêche de
vendre un bien qui lui appartient car il « sent » la
baisse du marché avant tout le monde de par sa position :
délit d’initié ? Un employé de supermarché achète ses aliments
chez le concurrent car il sait que son chef de rayon pratique
abusivement la "remballe" : délit d’initié ?
Dans tous les situations de la vie courant évoquées ci-dessus, que l’on
peut reproduire à l’infini, les "initiés" n’ont fait que protéger leur
intérêt face à une situation dont ils ont connaissance avant tout le
monde, mais sur laquelle ils n’ont pas prise.
De même, un employé du service comptable d’une grande entreprise, qui
n’est pas partie prenante des décisions de la direction, constate que
le grand patron lui-même vend ses stocks options, et "renifle" une
difficulté pour l’entreprise, parce qu’il a entendu dire qu’il y avait
des difficultés du côté du service production. Il décide alors
de vendre les actions de l’entreprise qu’il possède, qu’il les ait
achetées ou qu’il les ait reçues sous forme de stock-options comme une
prime récompensant son travail : délit d’initié ? Ou
n’est-ce que le droit normal de revendre une action tout comme on a le
droit de revendre sa voiture quand on pense qu’il est temps d’en
changer ? L’employé d’une entreprise peut bénéficier
d’informations privilégiées, doit-il s’interdire de vendre ses actions
s’il a à connaître de faits susceptibles de provoquer une
baisse ? Doit-il voir son patrimoine fondre avec la valeur de
son entreprise sans avoir le droit parfaitement légitime de protéger sa
propriété ? Et s’il prévient ses collègues de travail, sont
ils complices d’un délit d’initié ?
Aux termes stricto sensu des lois actuelles, il semble bien que oui, ce
qui est profondément injuste. Dans ce cas, autant interdire directement
la possession d’actions de sa propre boite pour tout employé d’une
entreprise, ce qui va à l’encontre de toutes les politiques de
motivation du personnel en vigueur. En effet, les employés qui croient
dans le potentiel de leur employeur ne seront que plus motivés à y
travailler si ils peuvent profiter non seulement d’un salaire, mais des
perspectives de plus-values offertes par la croissance de leur
entreprise. Il est de l’intérêt de toutes les sociétés qui veulent
croître de pouvoir, si elles le souhaitent, intéresser leurs employés à
la croissance de l’entreprise.
Enfin, regardons deux situations théoriques: dans le premier cas,
Messieurs X et Y sont tous les deux extérieurs à la société cotée ACME,
dont X possède des parts. Ils n'ont accès qu'aux informations
publiques. Mr X. décide de vendre car il n'a plus confiance dans le
potentiel de la société ACME, Mr Y. décide d'acheter le même jour car
il croit que c'est une bonne affaire. Le lendemain, le cours de bourse
d'ACME dévisse, suite à une mauvaise nouvelle rendue publique. Tant
mieux pour X, tant pis pour Y, rien à redire, X a mieux analysé la
situation. Et si, un an après, ACME s'est redressée, et a dépassé
largement son cours d'origine, c'est Y qui aura fait la bonne affaire.
C'est la loi du marché.
Imaginons exactement la même situation, mais X. a eu accès à
l'information critique de façon privilégiée avant de prendre sa
décision de vendre, deux jours avant que l'information ne soit
publique. X commet un délit, pourtant, d'un point de vue strictement
comptable, cela ne fait aucune différence pour X et Y pa rapport à la
situation précédente, ou, selon la loi, X était parfaitement en droit
de vendre. Y n'avait pas le revolver sur la tempe pour
acheter. En outre, Y n'a pas acheté directement à X, mais des dizaines
de X et Y ont le même jour vendu et acheté l'action ACME, la plupart de
façon "non initiée". Le délit d'initié s'apparente donc à un
délit sans préjudice réel !
Les arguments ci-dessus plaident assez largement pour une légalisation
de l’insider trading, l’échange initié, au moins à tous les
employés non dirigeants d’une entreprise. Mais qu’en est-il pour les
hauts cadres de niveau direction ? Les
administrateurs ? Et plus généralement, tous ceux dont
l’action a une influence directe sur la stratégie et les résultats de
l’entreprise ? Avant d’entrer dans ce débat, examinons
quelques arguments philosophiques en faveur de la pénalisation de l’échange initié, qui
devient alors un délit
d’initié.
Y-a-t-il analogie avec le
droit commercial ?
Si un commerçant, professionnel, vous vend une marchandise avariée, en
pleine connaissance de cause, il est passible des tribunaux. Si un
vendeur professionnel de voitures d’occasion vous vend un véhicule dont
il sait pertinemment qu’elle présente un défaut grave qui ne peut
échapper à un expert, sans vous en avertir, il commet
une faute qui engage sa responsabilité.
D’une façon générale, si un professionnel directement responsable de la
production ou de la distribution d’un service ou d’un bien vend un
livrable comportant un vice, en pleine connaissance de cause et sans
prévenir, il commet à l’évidence envers ses acheteurs une tromperie,
punissable selon toutes les lois en vigueur.
Or, le PDG d’une entreprise, gérant salarié, gratifié d’actions
(pleines et entières, ou sous forme d’options) pour d’évidentes raisons
de motivation, est à l’évidence directement responsable de la
production de ce qui fait la valeur de la dite action. S’il vend des
actions alors qu’il a connaissance de faits qui peuvent entraîner une
baisse, voire une chute de la valeur de ses actions, son acte peut-il
être assimilé à la manœuvre délictueuse décrite juste avant ?
Sans doute.
Toutefois, il faut bien distinguer les informations sur lequel il a une
prise directe, et celles sur lesquelles il n’en n’a pas.
Un exemple : le PDG d’un gros fabricant d’avions apprend que
ses usines sont incapables de respecter le planning de livraison défini
pour un nouvel avion, capital pour l’avenir de l’entreprise - toute ressemblance etc…
-. Il s’agit à l’évidence d’un élément dont il est responsable,
puisqu’il est patron de l’entreprise en question, et que c’est donc au
moins en partie le résultat de ses décisions qui a conduit à
l’occurrence de cette situation. En vendant alors qu’il sait qu’il va
léser les porteurs qui rachèteront ses actions, il commet
indubitablement une tromperie, et l’argument selon lequel il est fondé
à protéger ses intérêts, tout comme le petit salarié de la même boite ,
s’efface devant le fait qu’il paraît normal qu’il ait à supporter les
coûts de sa mauvaise direction, surtout si les actions qu’il peut
vendre résultent de l’attribution de stock options ou d’actions
gratuites, donc ne lui ont rien coûté à l'achat. Il n’est pas normal
qu’il puisse prendre les bénéfices et "plomber" ses petits porteurs,
alors que c'est sa gestion qui est responsable de la chute du cours.
Par contre, si le PDG d’une compagnie aérienne a des informations de
première main sur des risques de flambée des cours du pétrole, donc du
Kérosène, qui impactent fortement son activité mais sur lesquels il n’a
aucune prise, il ne peut en rien être tenu pour responsable si il vend
ses actions avant que la hausse des matières premières n'entraîne la
dévalorisation du cours de bourse de sa société. Il se trouve alors
dans la même situation que celle du comptable du chapitre précédent.
Les problèmes pratiques
de la criminalisation du délit d’initié
Nous avons vu qu’il est immoral de criminaliser le délit d’initié
lorsque l’information reçue par l’initié ne relève pas de son champ de
responsabilité, alors qu’au contraire, pénaliser le dirigeant
d’entreprise qui vend une action qui risque de se déprécier du fait de
sa responsabilité directe est hautement concevable.
Se pose alors, comme toujours, un problème de définition des limites.
Le PDG ne prend que rarement ses décisions tout seul mais
agit, généralement, de concert avec un certain nombre de ses cadres,
après avoir tâté le terrain de son entreprise, de ses clients…
Dans quelle mesure les cadres dirigeants proches du PDG sont tenus à la
même obligation de ne pas vendre, et jusqu’où cette obligation
va-t-elle ? Imaginons un directeur financier qui exprime un
désaccord sur la stratégie proposée par son patron, mais que celui-ci,
soutenu par son VP marketing, son DRH et ses principaux directeurs de
filiale, maintienne cette stratégie. Le directeur financier doit-il
s’interdire de vendre ses actions si il ne croit plus dans la stratégie
de son patron ? Non, pas plus que le comptable qui reniflait
des signaux négatifs au sein de son entreprise ne devait être empêché
de vendre. Et quand bien même il croirait à la hausse du cours de son
action, il ne doit pas s’interdire de vendre si il a besoin d’argent
frais tout de suite.
Imaginons maintenant que le PDG annonce des pertes à venir à son comité
de direction, non anticipées par le marché. Le cadre de haut rang doit
il, sous prétexte qu’il est cadre de haut rang, voir son patrimoine
couler avec la valeur de sa boite ? Ou doit-il pouvoir vendre
tout de même ? Et si l’on pose pour principe que les cadres de
haut rang associés aux décisions du PDG partagent ses obligations en
terme de réserve sur la vente des actions, jusqu’où cette obligation
doit elle être étendue ? Jusqu’où les cadres C-level partagent
ils la responsabiltié du management de l’entreprise avec leur CEO
? La secrétaire qui frappe le courrier annonçant que la
faillite est proche doit-elle couler avec sa boite et son
patron ?
Des questions du même ordre se posent à propos des administrateurs, qui
peuvent représenter soit leurs intérêts propres, soient ceux d’autres
porteurs, et qui disposent d’informations avant le marché. Doivent ils
couler avec le navire lorsque-ils sentent celui-ci en
perdition ? Où ont-ils le même droit que l’employé de la
Northern Bank n’avait celui de sauver ses meubles ?
Le dilemme
Là question n’est simple ni d’un point de vue moral ni de celui du
droit de propriété.
D'un côté, si un investisseur actif, présent dans les organes de décision de l'entreprise, n’est pas libre de revendre le
fruit de son investissement au moment où celui-ci est en mesure de perdre de sa
valeur, cela se traduira par une moindre attractivité de
l’investissement dans une entreprise, tout comme les entraves aux
licenciements nuisent aux embauches. Cela rendra les
investisseurs à la fois plus prudents, mais aussi plus exigeants au
niveau des résultats à court terme, puisqu’une hypothèque pèsera sur le
long terme sur la faculté de transmettre leur investissement. Une telle
limitation des droits de vente des gros investisseurs susceptibles
d’être « initiés » a donc pour conséquence
d’augmenter les comportements court-termistes des investisseurs
représentés au CA, alors même que les entreprises ont besoin d’établir
des relation de confiance durable avec leurs actionnaires de référence
pour évoluer dans une relative sérénité.
Ajoutons que toute limitation est contournable. Dans un milieu où tout
le monde se connaît, il est parfaitement envisageable qu’un groupe de
grands patrons – par exemple issus de la même école administrative…
- s’entende pour faire ce que l’on appelle du portage,
c'est-à-dire que A achète des actions de la société B pour le compte de
B, B fait l’inverse pour le compte de A, et ainsi de suite…
Cela rend extrêmement difficile la mise en évidence de
preuves d’un éventuel échange en position d’initié.
Mais d’un autre côté, on peut comprendre que les petits porteurs qui se
sont fait refiler des actions "pourries" par des "initiés" l’aient très
mauvaise, et puissent vouloir obtenir réparation, tout comme l’acheteur
d’une voiture sur lequel le compteur est trafiqué par le vendeur lui
même.
Face à ce dilemme, les solutions généralement envisagées sont toutes
insatisfaisantes.
Une interdiction stricte de l’insider trading serait totalement
contre-productive, nous l’avons vu : l’actionnariat interne
est un outil de motivation fort des salariés. Au contraire, une
légalisation de l’insider trading qui ne serait assortie d'aucune limite porterait un coup fatal à la
confiance des petits porteurs dans le marché, qui apparaîtrait comme
une coterie de loups s’entendant pour tondre les agneaux. Elle
favoriserait des comportements de dirigeants vautours visant à gonfler
artificiellement des résultats à court terme, vendre au plus vite les
stocks, démissionner avec un parachute doré et laisser aux successeurs
les profit warnings…
Les législateurs de la plupart des pays ont donc mis en place
des arsenaux réglementaires nécessitant des armées de bureaucrates
visant à encadrer le trading des cadres dirigeants des entreprises
cotées. Malheureusement, comme toutes législations, elles se révèlent
parfois arbitraires : si la condamnation d’un Mike Milken
(1989, affaire Drexel Burnham Lambert) semblait parfaitement justifiée
au vu des preuves (réunies à l’époque par un certain Rudy Giuliani,
actuellement candidat possible à la maison blanche) d’une véritable
entreprise de manipulation de cours opérée par des financiers et
dirigeants d’entreprises en vue de léser des petits porteurs,
celle d’une Martha
Stewart (un an de prison ferme, tout de même), autre icône du
capitalisme US, convaincue d’avoir revendu pour 228.000 $ les actions
d’une société où elle ne jouait aucun rôle parce que son broker l’avait
prévenue d’un risque de coup dur sur l’action, paraît totalement
infondée, au vu des arguments évoqués précédemment : elle
n’était en rien responsable du coup dur affectant l’action qu’elle
avait achetée, en quoi le fait de recevoir un coup de fil aurait-il dû
réduire son droit de vendre sa propriété ?
La solution de la
raison : laisser les propriétaires décider du droit à
l’insider trading de ses dirigeants
Finalement, les petits porteurs se trouvent face à l’obligation de
proposer à des dirigeants des rémunérations attractives, à la nécessité
de trouver des investisseurs pour racheter leurs propres actions si
nécessaires. Mais ils ne veulent pas se faire gruger par des dirigeants
qui adopteraient des comportements de vautours.
C’est donc aux actionnaires non dirigeants de trouver le meilleur
compromis entre des règles souples qui ne laissent pas aux
investisseurs actifs potentiels l’impression qu’ils ne pourront pas
limiter leurs pertes en cas de coup dur, et des modalités de mise en
œuvre de l’insider trading qui seraient de nature à rassurer les petits
porteurs sur la probité de l’encadrement.
Il paraît donc souhaitable de ne pas légiférer sur l’insider trading,
et de laisser aux assemblées générales des actionnaires le soin de
définir elles mêmes les conditions contractuelles d’exercice de
l’insider trading que devront respecter les CEO, les autres cadres
dirigeants, et les administrateurs.
Concrètement, une AG pourrait décider des clauses applicables à
l’insider trading du cadre dirigeant principal. ces clauses
pourraient ressembler à celles ci, par exemple :
- Aucune limitation à l'achat libre (et anonyme dans la
limite des seuils légaux en vigueur) d'actions : si le dirigeant croît
dans le potentiel de sa société, et si un porteur, à un moment donné,
veut vendre, pas de problème.
- Vente déclarée et conditionnée à l’émission d’un profit
warning, et donc d’une autorisation du CA, si des pertes sont
anticipées par le dirigeant. Cela revient, de fait, à ne permettre la
vente d’actions par les dirigeants que s’ils ont fait gagner de
l’argent à leurs actionnaires, car on suppose qu’aucun dirigeant sensé
ne voudra vendre après un profit warning de grande ampleur… Sauf si des
raisons personnelles le poussent à vendre vite et à tout prix.
- Vente libre et anonyme si aucun profit warning ne peut être anticipé.
L’AG pourrait choisir d’étendre ou pas l’obligation faite au PDG à d’autres cadres proches du PDG et aux administrateurs, voire à un nombre plus important de salariés.
L’expérience permettra de déterminer, parmi les différents contrats d’autorisation d’ "échange initié" signés dans chaque entreprise, lesquels donnent de bons résultats, et lesquels sont trop ou pas assez contraignants.
En cas de non respect du contrat par l’une des parties prenantes, serait prévue la saisie de toutes les plus values indues, reversées aux fonds propres de l’entreprise. En fonction de la gravité de la faute, celle-ci pourrait entrainer des poursuites judiciaires civiles pouvant aller jusqu’à de très lourds dommages punitifs versés par le fautif au capital de la société, donc aux actionnaires lésés. Toute manœuvre de dissimulation découverte par l’enquête, impliquant des dispositifs de portage impliquant une véritable préméditation d’escroquerie en bande organisée, serait en outre passible de poursuites au pénal.
En rendant publique la norme décidée par les actionnaires, chaque société verrait la qualité de cette norme (la "gouvernance" de l'entreprise) évaluée par des sociétés indépendantes, ce qui lui donnerait un rating, ce qui confèrerait à l’action plus ou moins de valeur sur le marché, selon la confiance que la règle choisie inspirerait aux investisseurs. Se dégagerait progressivement un corpus de bonnes pratiques, adapté aux différents secteurs d’activité, lequel deviendrait le "cadre normatif de fait" de la gouvernance d’entreprise.
Ce type de démarches pourrait d’ailleurs être étendu aux autres secteurs de la gouvernance d’entreprise : normes comptables, publication des comptes, etc… Ce qui éviterait l’adoptions d’usines à gaz telles que la loi américaine Sarbanes-Oxley, qui protège mal des comportements frauduleux, mais qui occasionne un tel coût d’accès au marché des capitaux de la part d’entreprises moyennes qu’elle est souvent perçue dans les milieux académiques comme un frein à la croissance des "gazelles" américaines. En écrivant cela, je me demande à quel point la loi "Sarb’Ox" n’est pas responsable de quelques dizièmes de points de croissance perdus par les USA. A creuser.
Dans de nombreux domaines de la vie civile, laisser les propriétaires définir eux-mêmes les clauses contractuelles applicables aux fondés de pouvoir gérant leur propriété peut être bien plus profitable que prétendre légiférer toutes les situations qui peuvent se rencontrer, ce qui, comme toujours, amène son lot d’effets pervers.
L'affaire de la manipulation de cours est-elle franchement plus condamnable ?
La cotation d'une action sur un marché organisé (NYSEX par exemple) implique la signature d'un contrat. Or, celui-ci impose des obligations aux dirigeants afin de traiter de manière égale les actionnaires. C'est donc la bourse, et non exclusivement les lois, qui exige des restrictions sur l'utilisation d'informations sensibles par un un petit cercle de dirigeants.
La notion de "compliance" s'est rapidement étendue car tous les contrats importants incluent des pages d'obligations qui viennent protéger investisseurs et actionnaires. A mon poste, je suis d'ailleurs soumis à certaines obligations sous la surveillance d'un département "compliance" interne.
Et si le navire coule, la capitaine le quitte en dernier...
Rédigé par : Aurel | dimanche 21 octobre 2007 à 15h22