Le colloque "Logement, osons la liberté !" de mercredi soir a tenu toutes ses promesses, sauf peut être
au niveau du nombre de spectateurs, car nous avons eu un certain
"pourcentage de pertes" entre les inscriptions recensées et les gens
présents, au nombre d'une grosse cinquantaine. Ceci dit, la qualité du
public était au rendez-vous. Un grand merci à tous pour la qualité des questions que vous avez posées.
Normalement, un enregistrement complet du colloque devrait être mis en ligne chez Turgot la semaine prochaine. Toutefois, à chaud et de mémoire (toutes mes excuses si je déforme une pensée...), je vous livre les points saillants des interventions, tout à fait remarquables, des autres participants, intervenus après la mienne, où j'ai présenté les principales conclusion du livre "Logement, crise publique, remèdes privés". Mes remarques sont en italique...
Jean Pierre Cané, ancien président de la fédération nationale des directeurs généraux d’OPH* :
(*Nb. OPH: regroupent les offices publics HLM et les OPAC)
(avant le colloque, discussion informelle entre intervenants)
"Je peux affirmer qu'il n'y aura pas d'émeutes à Villiers le Bel ce mercredi soir, ni à Sarcelles ni ailleurs. Savez vous pourquoi ? (.... non....) - Parce qu'il y a un match de l'OM en coupe d'Europe ce soir ! Le vrai test pour savoir si le retour au calme est réel, ce sera pour jeudi ! (.... petit groupe à la fois médusé et rigolard.... )(pendant le colloque)
(...) Jusqu'à avant la seconde guerre, le logement social est né pour une grande part d’origine privée par les grandes entreprises de l’époque (les chocolats Meunier, Faprimistère, Godin, les charbonnages de France, Saupiquet).
Ce fut ensuite et en même temps, l’intervention des communes par la création dès 1913 des offices publics à bon marché (les HBM) pour résoudre les problèmes d’insalubrité des centres villes. Aujourd’hui ces deux types de patrimoines marquent une époque et demeurent référence dans les villes de Noisiel, de Suresnes.
Au cours des années soixante, un vaste programme de construction du Ministère du logement est entrepris pour résoudre le grave problème de logement (crise du logement et arrivée des rapatriés d’Algérie). Cela a permis à beaucoup de familles de bénéficier d’un logement correct (électricité, eau chaude, chauffage, salle de Bain, WC, chambres pour les enfants, ascenseurs…)
Ces quartiers dits HLM ont mal vieilli par négligence des acteurs de la société, et les premiers maux causés par le chômage ; le manque d’emploi plus prégnant dans ces sites s’est traduit par un appauvrissement général des immeubles et des équipements, ainsi que des intervenants (instituteurs, représentant du culte, artisans, commerçants, professions libérales, police services municipaux, départementaux et d’Etat, et aussi d’élus). Ceux-ci ont délaissés ces quartiers pour des enjeux économiques, financiers, sociaux, de sécurité et de confort.
Seuls les bailleurs, pour la plupart des OPH du fait des choix de l’Etat, se sont usés avec leur personnel non formés et entreprises sous qualifiées. Seuls les bailleurs sociaux se sont usés à interpeler sans résultat ces grands acteurs.
Jusqu'a il y a peu, le logement social n’existait pour l’ensemble des médias qu’à travers l’appel du député, l’Abbé Pierre, lors de l’hiver 54. Ces derniers évoquaient le logement chaque année en allant chaque hiver, chercher l’abbé Pierre dans sa retraite.
Les enjeux nationaux du logement n’ont jamais été des prioritaires ces trente dernières années. Les programmes politiques classaient le logement au mieux en 5ème place de leur préoccupation. D’ailleurs, les offices et autres organismes sont présidés par des seconds couteaux !
Aujourd’hui, nous avons presque passée la période des reproches et de la recherche des responsables de ces situations pour se mettre d’accord enfin qu’il est urgent de se réunir pour ensemble essayer de résoudre ce mal vivre dans les quartiers.
(...) On a créé de vrais ghettos sans murs, dans lesquels aujourd'hui plus un seul bon artisan, bon commerçant, bon instituteur, qui a le choix d'aller ailleurs, ne veut aller ! Et cela ne facilite pas le travail des offices HLM, aujourd'hui. Mais l’on ne peut accuser les organismes Hlm (offices et Sa d’Hlm) d’être responsable du manque qualitatif de commerçants, enseignants, et intervenants du service public.
(...)Les règles de fixation des loyers contrôlés par la MIILOS (mission d'inspection interministérielle au logement social), fondées uniquement sur les taux de loyers de l’époque de construction de l’immeuble sans relation avec leur emplacement, sont aberrantes et ne permettent pas le fonctionnement cohérent du parc social. Parfois, des bons logements sociaux bien situés en centre ville sont moins chers que des logements situés en périphérie et mal desservis, bien moins attractifs mais construits récemment !
(...) D'accord pour la vente de logements par les bailleurs sociaux ! mais attention aux modalités pratiques: il faut vendre en bloc les tours ou groupes de logements identifiés. Si on ne le fait pas, le management de copropriétés ou coexisteront des propriétaires et des locataires sociaux sera ingérable. Si il n'y a que des propriétaires, un véritable travail non seulement de rénovation des immeubles, mais aussi du cadre de vie, pourra être entrepris pour un mieux vivre !
(pendant la séances de questions)
(...) Le mécanisme de surloyer prévu pour prendre en compte l’évolution des revenus des familles dépassant les plafonds devrait être appliqué avec rigueur, mais en pratique, les surloyers votés par les conseils d administration des OPHLM et des Sa d’Hlm, composés entre autres d'élus, ne sont pas dissuasifs. Le barème du calcul du supplément de loyer devrait être bien plus contraignant à ce sujet, mais la politique des loyers est souvent fonction des élections municipales...
Le surloyer devrait être un facteur pour corriger des situations de certains locataires qui ne devraient plus bénéficier d’un logement conventionné (Hlm). Pour information, le surloyer ne représente même pas 5% des produits des organismes Hlm.
Sylvain Jutteau, Directeur de l'administration de biens, groupe Century 21
(colloque)
(...) Il y a tant de norme opposables que celui qui veut s'opposer à une construction peut trouver sans problème un prétexte pour le faire. C'est le prétexte à mille et une dérives: népotisme, octroi de privilèges, corruption. Et ces phénomènes ne sont hélas pas rares !(...) Le droit de construire a été confisqué par les élus et les groupes de pressions qui les manipulent.
(...) Il faut gérer différemment les servitudes environnementales, limiter arbitrairement à un certain pourcentage les zones sur lesquelles le législateur aura un droit de regard, par exemple 10% d'une région donnée, et laisser la construction s'opérer librement sur le reste du territoire ! ainsi, les élus devraient limiter les zones protégées à celles qui en valent vraiment la peine !
(...) Il faut remplacer le permis de construire par un contrôle a postériori du respect des règles (note de VB : Sachant que la démolition des constructions non conforme est un acte politiquement très difficile, j'ai un doute sur l'applicabilité réelle d'une telle mesure, mais la proposition est intéressante), ainsi les logements qui manquent seraient vite construits et leur arrivée sur le marché ne serait pas limitée par l'arbitraire politique, sous quelque motif que ce soit, avouable ou inavouable.
(...) Les règles de prospect du code civil originel étaient largement suffisante pour gérer les problèmes de voisinage et de la cohabitation entre activités, sans qu'il ya it besoin que le législateur viennent y mettre la confusion. Notamment, les règles COS (note Vb: Coefficient d'occupation du sol, c'est à dire surface habitable que vous pouvez construire sur un terrain donné. A paris, le COS généralement en vigueur est de 3.25) sont à supprimer totalement !
(... sous forme de boutade...) Je suggère que les primes des fonctionnaires de catégorie A+ qui ont actuellement intérêt à l'inflation législative (note de VB. j'en sais quelque chose ! enfin, je devrais, si je n'étais pas un traître ultra-libéral...) soient indexées en fonction inverse du volume des lois à appliquer. Ainsi, vous verriez les suppressions de textes inutiles et les lois courtes et bien faites fleurir.
Max Falque, délégué général de l'International Center for Research on Environmental Issues (ICREI)
(...) La corruption de la vie politique par la distorsion des prix entre terrains constructibles et inconstructibles est un problème majeur. Des personnalités comme Vincent Renard (Note de VB: Vincent RENARD est un chercheur au CNRS, très grand spécialiste des questions foncières, pas vraiement libéral (ce n'est rien de le dire !) qu'il ne faut pas confondre avec moi, Vincent Bénard. Confusion pourtant fréquente), bien que favorables dans le principe aux lois de planification, en viennent à partager ce diagnostic. Quand, d'un trait de plume, vous créez des différences de valeur de terrain de 1 à 100, 200, 300, voire de 1 à 1000, vous créez forcément des incitations à la corruption !
Pire encore, vous créez des incitations à détruire les paysasges environnementaux uniques: par exemple, en Grèce, il est clair que des propriétaires ont mis leu feu à leurs propres terrains car ils étaient sous la menace d'un classement en zone de paysage protégé, ce qui les aurait privé de toute prespective financière ! Il faut modifier le régime des servitudes d'urbanisme et en faire des servitudes environnementales indemnisables, afin d'une part de réduire le différentiel entre terrains constructibles et inconsturctibles, et afin de renforcer l'incitation privée à préserver l'environnement, pas à le détruire.
Christian Julienne, Président de la fondation Héritage et Progrès
(...) Pourquoi la société civile n'a-t-elle aucun poids pour réformer le pays ? Admettons que nous nous mettions d'accord sur un programme de réforme clé. Inutile d'espérer toucher le ministre, qui n'y connaît rien, et qui doit donc s'appuyer sur des conseillers qui eux mêmes n'y connaissent souvent pas grand chose.
Par conséquent, il faudra convaincre le cabinet de Mme Boutin, où coexistent des points de vue très divers, puis le cabinet de Mr. Borloo, compétent au titre de l'urbanisme et de la ville, ainsi que celui du ministre de l'agriculture, dont le conseiller à l'urbanisme a des idées très arrêtées sur l'urbanisme en mileu rural... A ce stade, si notre proposition vit encore, nous aurons du sérieusement l'amender, certainement pas dans le sens d'une audace plus grande...
Une fois un accord obtenu sur un compromis entre ces trois cabinets, il faudra encore convaincre celui de M. Fillon et celui de M. Sarkozy, qui, en plus devront étudier une telle proposition entre une loi sur l'immigration, une loi sur la presse, une loi sur le code du travail, une autre sur la fiscalité... Une réforme de grande ampleur, pour souhaitable qu'elle soit, c'est mission impossible dans la situation actuelle du fonctionnement institutionnel de ce pays (Note de VB: c'était la séquence "douche froide" de ce colloque...)
(...) Sans perdre de vue l'horizon idéal, nous devons isoler quelques mesures simples et courtes qui vont dans le bon sens mais sans espérer de miracle, et là, nous avons une (petite) chance de faire passer quelque chose...
François Goulard, Député Maire de Vannes, et ancien ministre
(note de VB: Difficile de résumer en quelque ligne la remarquable intervention de François Goulard. J'espère que l'enregistrement sera en ligne rapidement )
(...) La France est de loin le pays ou l'état a l'intervention la plus extensive dans le logement. Il est pourtant celui où subsiste, parmi les pays de développement comparable, le plus grand nombre de problèmes de mal logement, et ce depuis au moins 50 ans !
(...) L'action publique se situe en aval du problème, il serait temps de faire un peu d'économie et de revenir en amont: quand on passe son temps à limiter la capacité de construire, les prix fonciers augmentent, parfois de façon stratosphérique. C'est évident, mais presque personne dans la classe politique ne semble s'en être persuadé.
(...) La loi littoral a multiplié par 10 les prix fonciers en zone littoral. Que l'on veuille préserver le littoral, c'est compréhensible. Mais en contrepartie, il faut ouvrir des possibilités nouvelles de construction, notamment dans le deuxième rideau plus rural des communes concernées. Faute de l'avoir fait, on a créé des situations financièrement critiques pour le logement en zone littorale.
(...) Les ministres ne connaissent pas les problèmes qu'ils ont à gérer quand ils arrivent au pouvoir, j'en sais quelque chose. Ils se reposent aujourd'hui, donc, sur leur administration. Laquelle a des réflexes qui n'en font pas un moteur de réformes de fond !
(...) L'état doit perdre le réflexe de vouloir mener lui même les politiques publiques. Certes, dans de nombreux domaines, il ne serait pas idiot qu'il y ait beaucoup moins de ces politiques, mais ne rêvons pas, toutes ces interventions ne disparaîtront pas demain. Voilà pourquoi il faudrait que l'état fonctionne par appel à projet local. Sur une ligne de budget, au lieu de la confier automatiquement à son administration, il devrait lancer des appels d'offre pour que des programmes privés, ou émanants de collectivités locales, émergent en vue de remplir les objectifs de l'appel d'offres. La diversité des expériences, l'émulation et la sélection naturelle des succès permettrait de faire jaillir de la base les idées qui résoudront VRAIMENT les difficultés des français.
(...) Le droit au logement opposable est une mesure aberrante, et plus, elle est dangereuse. Jusqu'ici, et malgré les nombreuses entorses à ce principe introduits par de nombreuses lois, il restait admis que le logement demandait un effort personnel à la personne qui se logeait. En instituant le DALO, on porte en substance le message selon lequel "la collectivité devient responsable du logement" en lieu et place des personnes. Depuis le vote de cette loi, on voit fleurir des personnes qui réclament le logement comme un dû. Comment appliquer la loi dans ces conditions ? Les logements ne poussent pas de terre comme les champignons...
(pendant les questions)
(...) L'hypocrisie de nombreux écologistes en matière de combat "en faveur du paysage" est patente. Dans le Morbihan, il y a deux associations écologistes qui se battent et souvent gagnent des procès devant les tribunaux pour faire annuler des permis de construire en zone littorale. Or, les deux présidents de ces deux associations sont tous les deux propriétaires de deux des plus belles villas du département en façade maritime !
(...) Les surloyers sont inefficaces. Ils ne sont pas la solution à l'inadéquation du peuplement des logements sociaux avec leur mission sociale.
Remarques complémentaires : même des intervenants que je pressentais les plus tièdes vis à vis de mes orientations, comme Jean Pierre Cané, ont validé, par leurs interventions, les conclusions du livre, quand bien même ils puissent, sur certains points, ne pas être totalement sur la même ligne. Le rôle de l'étranglement foncier dans la formation des prix actuels apparait absolument évident, notamment aux professionnels présents dans la salle.
Comme l'ont dit MM. Goulard et Julienne, le défi à relever maintenant est celui de la mise en application d'avancées concrètes dans la bonne direction. Au boulot !
Bravo à vous Vincent pour avoir attirer tout ce monde !
Rédigé par : MMorateur | samedi 15 décembre 2007 à 00h24