Assureurs et banquiers avaient rendez vous à l'Elysée le lundi 29 octobre avec Nicolas Sarkozy. Parmi les chantiers évoqués lors de cette réunion, l’un concernait "la facilitation du financement des entreprises et notamment des PME". Rien que cela.
Marc Fiorentino, président d’Euroland Finance, que l’on a connu bien plus inspiré, est intervenu ce même lundi 29 octobre dans sa chronique quotidienne sur BFM pour se féliciter de ce que "Nicolas sarkozy allait recevoir les banquiers pour les tancer", demander que le gouvernement prenne des mesures "ouvertement dirigistes" pour "obliger les banques à prêter aux PME à des tarifs préférentiels" au lieu "d’aller spéculer sur les crédits subprime" car "les PME françaises ne sont pas soutenues par leurs banques, même quand les taux d’intérêts sont bas". Bigre, quelle charge ! Le banquier, voilà donc l’ennemi ?
J’apprécie énormément les chroniques souvent détonantes de Marc Fiorentino, mais sur ce coup là, il commet une erreur d’analyse fondamentale.
Car avant de se demander pourquoi les banques préfèrent rester prudentes (sans excès, comme nous allons le voir) dans leur engagement vis-à-vis des PME, et d’en appeler à l’état-nounou pour y mettre bon ordre, il conviendrait de se demander pourquoi les banques agissent de la sorte.
Les banques ont pour habitude d’être prudentes, car elles savent que statistiquement, une partie des prêts accordés seront entachés de défauts de paiement. Des années de pratique du prêt leur ont enseigné quels étaient les ratios à prendre en compte pour limiter leur risque, sans pour autant refuser ce risque, qui conditionne leur activité. Cette prudence des banques n’a pas empêché notre capitalisme, malgré nos difficultés récentes, de connaître un développement régulier sur long terme, signe que la tiédeur imputée par Marc Fiorentino à nos banquiers, et qui ne date pas d’hier, n’a pas encore mis le pays sur la paille.
Les entreprises ont deux sources de financement à leur disposition, leurs fonds propres - soit principalement, dans leurs premières années de vie, le capital apporté par les actionnaires - et le crédit. Les banques ont pour habitude de considérer, entre autres critères, le ratio entre montant des dettes et fonds propres ("Gearing") pour accorder leurs crédits : moins le crédit est assis sur des fonds propres, plus la banque le considère comme risqué. Au dessus d’un certain niveau de gearing, les banques tendent à se montrer réticentes à prêter. En effet, le rôle des banques, historiquement, est d’assurer un financement complémentaire au capital pour aider les entreprises à se développer, mais sans elles mêmes s’exposer à un risque trop important de défaillances: les banques sont elles mêmes des entreprises qui rendent des comptes à des actionnaires, sont en concurrence, remboursent elles même des emprunts, et ne peuvent donc pas se permettre d'aventurisme avec l'argent qui leur est confié.
Donc, plus les PME sont capitalisées, et plus elles peuvent emprunter, pour financer une croissance ambitieuse. Aucun ratio n’indique qu’aujourd’hui, en France, la part des crédits dans le passif des entreprises soit sous-dimensionnée. Au contraire, selon de nombreux professionnels (exemple - pdf), les PME françaises sont plutôt sous capitalisées aujourd’hui, ce qui tend à prouver que les banques n’hésitent pas à soutenir les PME un peu au-delà de ce que l’orthodoxie financière suggère. C’est d’ailleurs ce que confirme la banque de France, qui signale que le financement des grands réseaux bancaires aux PME a augmenté de 6% depuis le début de 2007 et de 35% depuis le début du millénaire. Il est donc faux de parler de frilosité.
Imaginons qu'un point de vue tel que celui développé par M. Fiorentino soit suivi par le gouvernement, et que celui-ci fixe autoritairement des critères en dessous desquels une banque ne pourrait refuser de financer une PME. Il se passerait alors ce que les USA viennent de connaître, à une autre échelle, dans le domaine du crédit immobilier aux particuliers.
Là bas, une législation fédérale appelée CRA (community reinvestment act) oblige les banques à "satisfaire les besoins de crédit de l’ensemble des communautés d’emprunteurs", y compris modestes. Les banques soumises au CRA ne jouent donc plus leur rôle prudentiel en refusant des crédits aux ménages les moins sûrs, mais par contre, exigent des contreparties élevées (taux d’intérêts plus forts), pour assurer leur obligation légale de prêt aux moins favorisés : les fameux prêts "subprime". En outre, les établissements de crédits indépendants, qui font face à une concurrence des banques soumises au CRA, artificiellement amplifiée par la loi, doivent s’aligner pour pouvoir exercer leur métier, et tendent à pratiquer une certaine surenchère. On voit les effets gravement pervers de cette politique aujourd’hui : nombre d’emprunteurs immobiliers, convaincus d'emprunter par manque de sophistication et sous l'effet de démarches commerciales agressives, sont défaillants, sans compter ceux qui n’arrivent à payer leurs intérêts qu’au prix de sacrifices élevés.
Appliquée aux entreprises, une telle logique serait suicidaire : des business-plans intrinsèquement rentables pourraient se retrouver flanqués par terre par des remboursements de crédit trop élevés, qui grèveraient les capacités d’autofinancement des entreprises généralement faibles au stade précoce de leur vie. Dans la situation actuelle, nombre d’entreprises jeunes s’arrêtent faute de financement, mais au moins la dette qu’elles laissent à leurs dirigeants, qui se sont souvent porté caution sur leur patrimoine propre, reste-t-elle à des niveaux limités par le comportement prudentiel de la banque. Qu’en serait-il si des banques "obligées" de prêter au delà des ratios considérés comme acceptables n'entraînaient des créateurs d’entreprise, qui ne peuvent pas tous être des spécialistes et de leur métier, et de la finance, dans des montages financiers excessivement risqués ?
Surtout, par pitié, que l’état ne se mêle pas de la relation entre les PME et leurs banques ! Celles ci doivent rester libre de pouvoir faire preuve de prudence quand elles estiment que la conjoncture, ou les dossiers qui leurs sont soumis, sont insuffisamment porteurs.
Ce n’est donc pas le crédit qu’il faut régenter, mais le capital accessible aux PME qu’il faut libérer, que ce soit au niveau de l’amorçage de l’activité (Business Angels), ou en phase de croissance vers la taille moyenne (Capital Risque).
Or les obstacles placés sur la route des PME en recherche de capital, ou d’investisseurs en recherche de projets, sont nombreux.
Tout d’abord, une fiscalité marginale excessive empêche la formation suffisante de capital auprès des personnes qui auraient un véritable potentiel d’investisseur. Cette même fiscalité souvent considérée comme décourageante créée en outre une véritable désincitation à la prise de risque : Pour qu’un risque vaille la peine d’être pris, la récompense du succès doit être à la hauteur. Si le produit de la réussite sert à alimenter en priorité les caisses du fisc, à quoi bon vouloir réussir ?
Ajoutons que les charges très élevées pesant sur la valeur ajoutée en France (charges salariales et patronales, taxe professionnelle, micro-taxes diverses et impôt sur les sociétés) réduisent la capacité d’autofinancement des entreprises, et donc à la fois leur aptitude à augmenter leurs fonds propres et à rembourser les fonds empruntés : encore un critère qui ne peut que rendre les banques prudentes.
Toute aussi démotivante est la déconsidération dont sont parfois victimes les entrepreneurs de la part de l’administration et de la classe politique. Aussi, nombreux sont ceux qui se découragent ou vont accomplir leur destinée d’investisseur sous des cieux plus cléments.
La production littéraire actuelle fourmille de témoignages, aussi bien de jeunes à haut potentiel qui sont allés réussir à l’étranger, que de « riches » qui sont allés réinvestir leurs plus values ailleurs, parce que les entraves posées par notre état à la réussite sont de plus en plus insupportables. (exemples parmi d'autres : Senni, Alexandre, Brunet)
Les banques françaises voient donc les meilleurs projets, les plus prometteurs en termes de croissance, aller se monter à l’étranger, alors que les PME françaises ne disposent pas des capitaux nécessaires pour augmenter leur capacité d’emprunt sans détériorer leur gearing. Ne nous étonnons pas si dans ces conditions elles font preuve d’une toute relative prudence vis-à-vis des PME françaises, et explorent en priorité d’autres voies d’investissement. Interrogé par BFM (le mardi 30 octobre), JF. Bernardin, chef de PME et membre du conseil d’orientation d’OSEO, n’a pas dit autre chose et a refusé de hurler avec les loups contre les banquiers, ce qui est tout à son honneur. On voudrait que des voix comme la sienne soient mieux entendues.
L’état aurait tort de vouloir imputer aux banques l'impécuniosité toute relative de nos jeunes entreprises, et de vouloir y apporter une réponse coercitive. Espérons que la rencontre de l'Elysée ne débouche pas sur de nouveaux textes ouvrant artificiellement les vannes du crédit bancaire. Ce sont notre fiscalité marginale excessive, ainsi que la répression administrative menée par certains ministères contre les entrepreneurs, qui sont responsables du manque d’argent auquel les entreprises font face, et c'est à ces plaies qu'un gouvernement courageux devrait s'attaquer en priorité.
Encore un article brillant. Ça en devient lassant à force ;). Tu voudrais pas faire des articles un peu moins bons histoire de laisser à nos amis anti-libéraux une petite chance de construire une argumentation qui tienne un tant soit peu la route? :D
Rédigé par : Mateo | mardi 06 novembre 2007 à 02h21
certes prudente et heureusement qu'elle prétendent ne pas nous envoyer au suicide financier sauf que lorsque les banques vous refusent un prêt de trésorerie, malgré une évolution constante, soit besoin de financer ma croissance, elle préfère vous assommer de les frais, rejet .....et litiges, frais des fournisseurs et vous sabotent le morale de poursuivre, vive le courage des TPE en France, !!!!
Rédigé par : bosse et bosse | mercredi 01 octobre 2008 à 23h09