Le 5 décembre, je signalais une observation récurrente de quelques médecins et pharmaciens de Nantes, selon laquelle les médicaments déremboursés autoritairement par l'assurance maladie voyaient leur prescription diminuée et remplacée par des spécialités plus récentes mais ne rendant pas nécessairement un service thérapeuthique adapté à l'affection traitée.
Une étude tout juste parue de l'IRDES (Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé) confirme en tout point ce pressentiment personnel fondé, je dois l'avouer, sur un échantillon totalement insuffisant, d'un point de vue statistique. Selon cette étude (résumé html, pdf):
"Suite à la vague de déremboursement du 1er mars 2006, les médecins généralistes ont baissé de moitié la prescription de mucolytiques et d’expectorants pour le traitement des infections des voies aériennes supérieures et inférieures. (...) Il s’avère toutefois que les médecins ont reporté, selon le diagnostic, leur prescription vers d’autres classes thérapeutiques comme les antitussifs ou les bronchodilatateurs, certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, les corticoïdes et les produits otologiques, la justification médicale de ce report n’étant pas toujours facile à établir.
(...) En termes économiques, (...) la mesure n’a pas de répercussions sur le coût de l’ordonnance [pour l'assurance maladie]"
Aucun haut fonctionnaire payé pour enquiquiner le bon peuple par des mesures autoritaires n'est assez retors pour imaginer toutes les stratégies de contournement que ce même bon peuple va mettre en oeuvre pour s'affranchir de ces contraintes. Au risque de me répéter, selon la parabole alimentaire que j'apprécie tellement, si un restaurant vend le boeuf bourguignon au prix de marché mais offre le foie gras grâce à une subvention publique, les clients du restaurant consommeront plus de foie gras et moins de boeuf, quand bien même le repas résultant de ce choix serait moins équilibré.
La "responsabilisation" (terme à la mode) des assurés ne peut être obtenue que par une mise en concurrence d'assurances privées, proposant des formules de remboursement différentes, avec des prix variant selon les contraintes comportementales exigées de l'assuré, celui ci pouvant directement percevoir l'économie ou au contraire le surcoût engendré par ses choix, et arbitrer en conséquence. Les perpétuelles tentatives de rafistolage technocratique du monopole public de l'assurance maladie sont vouées à l'échec.
Cet exemple illustre une fois encore un mal Français.
Au nom d'un Etat qui serait juste et garantirait la bonne redistribution des richesses et la solidarité entre ses citoyens, on joue aux apprentis sorciers. Je donne un peu ici, je prelève un peu là. toujours en croyant bien faire. J'ajoute des poids à droite et à gauche de la balance et au final de fausse la balance du marché.
Logement, santé, travail, transport, education... partout l'Etat a voulu intervenir pour réduire les inégalités. Aujourd'hui, les inégalités sont toujours là voire plus fortes et les effets pervers sont légion.
Quand arrivera t'on à remettre tout à plat ? En est on seulement capable dans ce pays ?
Rédigé par : Laurent | vendredi 28 décembre 2007 à 11h03