"Ah, la pastille verte ! Enfin une vraie fiscalité écologique, une application intelligente du principe pollueur payeur ! Pensez donc, madame Michu, les gros flambeurs qui roulent en Béhème ou en Benz vont payer une surtaxe, dont le produit ira financer une prime aux acheteurs citoyens qui troqueront leurs 407 V6 coupé contre des Volkswagen TDIe ! Grâce à cela, les rejets de CO2 seront ramenés à presque rien et la planète sera sauvée ! Gloire au Grenelle ! "
Voilà, à peu de choses près, tout juste un petit peu caricaturé, je le concède, le raisonnement qui a présidé à la mise en place de cette grande innovation écologique: le bonus-Malus écologique, la fameuse "pastille verte".
Mes lecteurs savent qu'entre autres défauts qui font de moi un inadapté social de la pire espèce, je suis un sceptique du réchauffement climatique global, c'est à dire que, à la lecture de nombreux travaux scientifiques qui contredisent les prédictions alarmistes du GIEC, je suis intimement persuadé que les responsabilités du CO2 en général, et du CO2 anthropique en particulier, sont totalement négligeables dans les variations du climat que nous observons.
Mais, pour les besoins de la démonstration, admettons que le GIEC puisse avoir raison, et que la réduction des rejets de CO2 soit l'absolue priorité du moment, sous peine de précipiter la terre vers une succession de calamités dont l'humanité ne se relèverait jamais.
Dans ce cas, me direz vous, la pastille verte est fichtrement bien trouvée, non ? Les acheteurs de véhicules vont se tourner de préférence vers les automobiles à petit moteur, peu polluantes ? Et puis les conducteurs de grosses cylindrées, hein, ils n'ont que ce qu'ils méritent ! Si ils ont les moyens d'acheter une Porsche, ils peuvent bien payer la pastille verte !
Think again.
Examinons les quelques failles dans le raisonnement qui précède.
Tout d'abord, les automobiles de grosse cylindrée, celles qui consomment allègrement 200g de Co2 au km et plus, sont très minoritaires, en proportion des immatriculations totales. Pis même, toutes ces voitures ne sont pas uniquement conduites par des frimeurs qui étalent leur réussite tapageuse. Certaines sont juste de gros monospaces, ou des camionnettes réaménagées, qui répondent aux besoins de mobilité de familles nombreuses. Et qui, par la force des choses et l'impitoyable dureté des lois de la physiques, pèsent plus lourd et sont moins aérodynamiques qu'une twingo, envoyant dans l'atmosphère une quantité plus grande de ce terrible poison carboné qui fait pousser nos céréales. L'éco taxe ainsi concoctée touchera donc aussi des familles nombreuses dont certaines ont des conditions de vie tout à fait modestes.
Passons, là n'est pas l'essentiel, quoiqu'un père de trois enfants ou plus puisse être d'un avis différent. Passons également rapidement sur le détournement forcé d'argent opéré au profit des constructeurs spécialisés dans les petits véhicules et assez mal positionnés dans le haut de gamme, au premier rang desquels ont trouve, hormis Fiat, Renault et Peugeot, au hasard, deux constructeurs nationaux. Vous avez dit "lobbying industriel sous alibi écologique" ?
Encore que... En incitant la demande à se porter plus largement vers des véhicules à faible coût, donc à faible marge, l'écopastille pourrait en fait appauvrir l'ensemble de l'écosystème automobile français: équipementiers, concessionnaires, etc. A terme, même les constructeurs de petites voitures pourraient donc être touchés.
Mais laissons là ces "broutilles".
Intéressons nous aux véhicules qui auront la chance de recevoir une subvention de l'état, ceux qui consommeront moins de 130g de CO2 par km (et sans doute 120 dans les années à venir). En l'état actuel des technologies, ces autos sont très majoritairement des petits véhicules, qui sont très rarement, faute de volume utile, utilisés comme véhicule principal des ménages autres que les jeunes célibataires. Et cela durera encore quelques années.
Bref, ces véhicules correspondent en grande partie au marché de la seconde voiture. Autrement dit, la pastille verte va souvent subventionner le second engin motorisé du ménage. Il est donc tout à fait prévisible qu'elle augmente la proportion de ménages possédant deux véhicules. Des ménages qui pourraient s'en passer en achèteront tout de même un par confort. D'autres, qui ont déjà deux voitures mais qui auraient pu songer à en abandonner une, en conserveront deux. Et une fois que la seconde automobile est dans le garage, les gens tendent à s'en servir...
Naturellement, tout ceci reste assez spéculatif, dépendra largement du niveau des taxes et primes fixées par le législateur. Mais cela ne ferait que reproduire en matière de possession automobile des phénomènes de réaction individuelles observés dans d'autres domaines, face aux distorsions des rapports coûts-avantages de différentes consommations créées par l'intervention de l'état (un exemple).
Le mécanisme défini par la pastille verte porte donc en lui les germes d'effets pervers susceptibles d'en amoindrir considérablement la performance attendue par ses concepteurs, voire même de produire un effet inverse à celui attendu, du moins tant que les constructeurs n'auront pas suffisamment progressé techniquement pour faire baisser de façon drastique la production de CO2 au km de l'ensemble du parc.
Ajoutons qu'en moyenne, les ménages qui possèdent deux voitures neuves sont financièrement mieux lotis que ceux qui n'en possèdent qu'une. la pastille verte pourrait donc instaurer une rente financée en partie par des familles nombreuses vivant sans excès au profit d'autres familles en partie plus aisées, profitant de l'aubaine créée par la subvention pour gérer de façon moins optimisée l'usage des véhicules du ménage. Encore un phénomène de redistribution financière socialement régressif (c'est à dire des plus modestes vers les plus aisés) induit par le système fiscal et redistributif français : ça devient hélas une habitude (autres exemples : impôts locaux, système de retraite...).
La pastille verte est donc un énième exemple de loi conçue avec les meilleures intentions du monde, au moins en affichage, qui plait à une opinion habituée à n'examiner que le côté superficiel des politiques publiques vendues par la classe politique, sans que n'en soient à un seul moment examinés les possibles dommages collatéraux. Elle n'aboutira qu'à un couteux dispositif bureaucratique de plus, à l'efficacité au mieux faible, au pire négative. Et encore, cette efficacité sera-t-elle mesurée par rapport à un objectif (limiter les rejets de CO2) dont la pertinence apparaît pour le moins scientifiquement discutable, quoiqu'en dise le GIEC.
CULPABILISATION ... ... ---> ... ... RÉPRESSION
C'est le systeme classique de mise en place d'une taxe ...
Votez sarko !!!! ... :-( :-(
Rédigé par : Allllllllll | lundi 10 décembre 2007 à 12h02
Excellent article.
Comme tu le dis ce faux protectionnisme risque de coûter cher à long terme à nos constructeurs. PSA et Renault font plus de marges sur les grosses/moyennes cylindrées que sur les bas de gamme. De plus, pour financer la recherche sur des moteurs plus "écolos", donc rester en pointe par rapport aux concurrents, il faut des fonds propres importants; cette politique de la "petite voiture" a déjà failli couler Renault.
Rédigé par : christiane | jeudi 17 janvier 2008 à 17h58