La bande son du débat sur RFI (lien) est disponible en ligne ci dessous (il ne sera en ligne sur la radio que pendant environ 1 semaine). Comme tout débat de seulement un quart d'heure, la volonté des deux intervenants d'en dire le maximum en peu de temps nous a parfois contraint à pratiquer des raccourcis trop abrupts pour les personnes qui ne connaissent pas le sujet. Pour le reste, le débat est resté extrêmement policé et courtois, et les propos de mon interlocuteur laissent espérer que le problème du prix du logement lié au foncier trop contraint est désormais suffisamment connu et porté pour trouver des débuts de réponses rapides. Un (petit) pas dans la bonne direction ?
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Sur le fond, certains propos de M. Seillier m'ont paru
contradictoires: d'un côté, il ne faut pas attendre de miracle rapide
de la loi DALO, d'un autre côté, les mesures que je propose auraient un
effet temporel trop lointain qui justifierait la loi DALO. Ah ?
Quant à son insistance sur la "nécessaire primauté du politique sur le marché", venant en fin d'émission, je n'ai pas osé couper M. Seillier pour souligner l'échec de ce principe maintes fois répété au cours du dernier siècle: encore un peu tendre et trop poli, le Vincent. Ceci dit, l'objectif n'était pas de s'étriper sur les ondes, pas sûr qu'un coup d'éclat final aurait été bon pour l'image du débatteur et de l'institut qu'il représente.
D'une façon générale, il est très difficile de trouver dans l'instant l'argument choc qui tient en deux phrases pour contredire la partie adverse: je suppose que cela viendra avec l'entraînement.
Enfin, l'animateur, J.F. Cadet, est très agréable, son équipe également, et sa manière de mettre les intervenants à l'aise est à noter, quand bien même je sens à l'écoute que je n'ai pas totalement réussi à me départir d'une certaine tension... Une expérience extrêmement enrichissante pour moi, en tout cas. N'hésitez pas à donner votre avis sur cette prestation.
Bon, c'est déjà bien que le débat ait eu lieu. Dommage que ce soit à RFI, dont les auditeurs sont quand même pour beaucoup d'entre eux africains. Je crains que tout ce qu'ils aient retenu de cet échange très technique, c'est qu'en France, l'Etat garantit le droit au logement, donc allons-y pour l'immigration illégale...
Evidemment c'était beaucoup trop court.
Je constate quand même deux énormités tranquillement énoncées par le sénateur Seillier.
1) On s'est rendu compte qu'il y avait un droit au logement inscrit dans les textes (la Constitution, je suppose), mais c'était trop vague, pas assez fort, alors on a décidé de faire une loi.
Autrement dit, on a lu la constitution de près, on s'est rendu compte qu'elle garantissait des droits imbéciles impossibles à garantir, et au lieu de se dire: ils sont imbéciles et impossibles à garantir, on a dit : poursuivons dans l'imbécillité, allons à fond dans l'absurde, soyons beaucoup plus cons qu'on ne l'est déjà, et incitons les gens à réclamer des trucs dont on sait qu'on ne pourra jamais les leur donner. Bravo sénateur. Champion du monde.
Il aurait voulu démontrer l'absurdité des "droits à" par rapport aux vrais droits de l'homme, aussi fondamentaux que limités en nombre, qu'il n'aurait pas fait mieux.
Je tremble maintenant que d'autres relisent de près toutes les constitutions, chartes, déclarations des droits diverses françaises, européennes et mondiales qui nous régissent, et ne s'avisent de traduire en "lois" les bons sentiments dont elles regorgent.
Il est quand même ahurissant de confondre délibérément de grands principes, des grandes orientations, des déclarations d'intention, le fait d'affirmer que la société doit s'efforcer d'arriver à tel ou tel résultat, et l'obligation juridique pour l'Etat de fournir tel ou telle prestation ou élément de confort matériel aux citoyens.
2) Il avoue que le droit au logement n'est qu'une gesticulation politique destinée à calmer les gens. L'ennui est que ce genre de truc, c'est comme la drogue: dans un premier temps ça calme, mais une fois l'euphorie passée, les gens deviennent enragés.
Sur votre intervention. Effectivement vous étiez un peu tendu et ça se sent. C'est une question d'habitude, ça viendra.
Quelques conseils en vrac.
Le débat est très technique. Votre étude est approfondie. Tant mieux. Il faut totalement masquer cette technicité au public.
Avant de participer à ce genre de débats, faites-vous un catalogue de phrases courtes et frappantes qui résument votre position (une phrase, une idée). Ecrivez-les pour les avoir en tête. Ayez en stock des échantillons de phrases en nombre varié pour vous adapter au temps dont vous disposerez.
Exemple:
Votre thèse en une seule phrase (disponible pour toutes les interpellations et interviews impromptues).
Votre thèse en trois phrases (interview normale).
Votre thèse en cinq phrases (long débat).
Votre thèse en huit phrases (interview approfondie en tête-à tête).
A ce stade, n'essayez pas de démontrer. Affirmez. C'est celui qui parle le plus fort qui a raison.
Par ailleurs, faites-vous un catalogue de chiffres inconnus et hallucinants, de statistiques frappantes. Mettez une statistique (et une seule) en face de chacune de vos phrases. Vous les utiliserez dans le débat quand vous aurez besoin de démontrer et de porter l'estocade. Vous avez amplement de quoi faire en stock.
En fonction du temps dont vous disposez, mieux vaut marteler deux fois chacune trois idées force que glisser rapidement sur six idées même brillantes.
Maintenant sur le ton. Vous n'avez pas le choix. Vous avez trois minutes (cas favorable) pour renverser un siècle de préjugés. Vous devez jouer la provocation. Vous devez rentrer dans le lard. Vous devez heurter au maximum les sensibilités de ceux qui vous écoutent.
De toutes façons, c'est bien ce que fait votre thèse. Elle va à l'encontre des convictions les plus profondes de 99% des Français. Si vous voulez avoir la moindre chance d'être remarqué (et à moins d'être remarqué, vous ne serez jamais écouté), autant défriser vos auditeurs tout de suite. Après, ils vous auront oublié.
Votre position est contrarienne; vous devez être contrarien. En phase de communication, ne cherchez pas le consensus. Il sera toujours temps de le faire en discussion de cabinet.
Certains des principaux axes que je vois dans votre étude sont les suivants:
- La solution au problème du logement est simple: il faut faire exactement le contraire de ce qu'on essaye de faire depuis un siècle.
- Ce que nous croyons être le remède est précisément ce qui provoque la maladie.
- On s'obstine à faire les mêmes erreurs depuis 1914.
- Ce n'est pas une question de droite ou de gauche (cf. ci-dessus).
- Le logement social est anti-social.
- L'intervention de l'Etat en faveur des pauvres nuit aux pauvres et sert les riches.
- Ce que vous préconisez est possible, la preuve: ça marche dans telle ville étrangère, dans tel pays.
Encore une chose. Ne parlez pas de foncier. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Ce n'est pas du français. Il m'a fallu vingt ans pour comprendre que ça voulait dire terrain. Dites terrain.
Si vous avez un peu de temps, vous pouvez, pour démarrer, lire à vos auditeurs quelques lignes d'un reportage sur les mal-logés. Vous leur demanderez de quoi ça parle et quand ça a été publié. Ils vous diront: les Don Quichotte, 2007. Vous leur direz: l'abbé Pierre, 1954. Ce sont exactement les mêmes faits, les mêmes phrases, les mêmes déclarations, les mêmes programmes de réforme. La preuve que c'est le remède qui crée la maladie.
Argument à éviter à tout prix: laisser entendre qu'il faut laisser faire les propriétaires parce que sinon, ils ne loueraient pas. C'est exact, mais ça ne passe pas la rampe. Le défaitisme face aux "puissances d'argent" n'est pas audible.
Il faut positiver, inverser la problématique en expliquant que si l'on libéralise, alors les promoteurs se rueront pour construire des logements de qualité à prix abordable, les propirétaires se battront pour recruter des locataires à des loyers raisonnables, etc.
Dernière chose: ne répondez pas aux questions du journaliste. Elles n'ont aucune importance. Dites ce que vous, vous avez à dire. Dans le cas exceptionnel où le journaliste est bon, vous aurez répondu à ses questions.
Bonne chance...
Rédigé par : Robert Marchenoir | samedi 05 janvier 2008 à 13h05
Merci pour tous ces conseils qui constituent une intéressante base méthodologique. Notamment, la segmentation des argumentations en fonction du temps pour l'exprimer est un exercice très intéressant !
ceci dit, pour "rentrer dans le lard", il va falloir que j'apprenne. Pas le cuir assez tanné pour l'instant.
Pour votre point 1 : le droit au logement a été inscrit une première fois de façon assez vague dans une loi de 1990, à laquelle la loi DALO se réfère constamment, ce qui la rend d'ailleurs totalement illisible.
Rédigé par : vincent | mardi 08 janvier 2008 à 17h27
Tout à fait d'accord avec les conseils de Robert Marchenoir.
J'ajouterai deux trois choses:
- pour la gestion du stress, il n'y a pas de secret: de l'exercice et encore de l'exercice. Si tu peux, trouve quelqu'un pour te poser les questions les plus vaches possible et filme le tout. Le fait de filmer te permettra de te rendre compte plein de choses! Mieux encore, mais moins facilement réalisable, des exercices en public, filmés eux aussi
- savoir expliquer TRES SIMPLEMENT et brièvement les causes des problèmes de logement et les remèdes. Personnellement, un jeu de questions réponses me paraît intéressant comme méthode d'explication/argumentation. Exemple:
«
- Pourquoi connaissons-nous ces problèmes de logement cher, causant mal-logement, exclusion etc.?
- Car il y a pénurie (demande supérieure à l'offre)
- Pourquoi y a-t-il pénurie?
- Car l'offre est limitée de toutes parts par l'hyper interventionnisme étatique: contraintes énormes sur les locataires et risque élevé, ce qui dissuade fortement l'investissement locatif, difficultés importantes pour faire rendre un terrain constructible etc.
- Que faut-il donc faire?
- Dès lors que l'on fait le bon diagnostic, les solutions coulent de source: libérer l'offre! Diminuer fortement toutes les contraintes rendant le logement locatif peu intéressant, libérer le foncier etc.
»
- Dernière chose, ne pas oublier que nous sommes en France: insister sur l'aide au logement "universelle" dégressive en fonction du revenu à la place du système de logement public. Mesure à la fois efficace économiquement, mais aussi (et surtout pour les gens de gauche) plus "juste socialement".
PS: M. Seillier m'a fait rire quand il disait "Oui, mais là on a pas le temps, on doit faire dans l'urgence…" Ça fait 50 ans au bas mot qu'on travaille dans l'urgence avec les fantastiques résultats que l'on sait. Ne serait-il pas temps d'arrêter de travailler ainsi et de proposer une véritable réflexion telle que celle de Vincent?
Rédigé par : Mateo | vendredi 11 janvier 2008 à 18h18
Et si au lieu d'augmenter l'offre on réduisait la demande ? Hein ?
Ne me poussez pas à proposer des mesures ... :oD
Rédigé par : Garou | lundi 14 janvier 2008 à 16h44