Un rapport du CEPREMAP (Centre pour la recherche économique et ses applications) estime que les centaines de millions d'Euros investis dans les pôles de compétitivité le sont en pure perte: les entreprises qui ont intérêt à se regrouper le faisaient déjà, et pour les autres, le gain de productivité à attendre de la mise en "cluster" de l'entreprise est négligeable, les subventions reçues à cet égard constituant alors un effet d'aubaine. En outre, elles augmentent le risque de trop grande spécialisation de régions économiquement déjà peu diversifiées, qui seraient alors, à moyen ou long terme, exposées à des aléas conjoncturels et structurels forts. Extrait:
Cependant, les résultats de notre étude suggèrent de tempérer les très fortes attentes placées dans cette politique, qui coûtera 1,5 milliard d’euros sur la période 2006-2008. (...)
Une politique publique centralisée de subvention aux clusters ne nous paraît donc pas être la voie la plus appropriée. Elle nie la diversité des secteurs dont certains, peu sensibles aux gains de concentration, peuvent bénéficier de la dispersion géographique et de coûts de production plus faibles. Nous avons montré qu’il n’existe pas a priori de classification simple des secteurs qui gagnent plus à cette concentration et il sera donc difficile pour les pouvoirs publics de choisir les secteurs pour lesquels il faudrait favoriser la concentration géographique. Ce faisant, elle risque de ne laisser aucune chance à certains territoires dont le seul atout est le faible coût de production (en particulier le coût des terrains).
Une critique usuelle de la politique industrielle est qu’elle suppose que l’État est suffisamment informé pour choisir les « bons » secteurs. La même critique peut être faite à propos des pôles de compétitivité qui nécessitent en outre une information supplémentaire
pour choisir simultanément les « bons » territoires pour ces « bons » secteurs. Si une telle politique réussit à spécialiser artificiellement certains territoires, elle risque en outre de les rendre très vulnérables à des chocs sectoriels que la mondialisation rend plus probables.
C’est d’autant plus le cas dans le contexte français que les travailleurs ont une faible mobilité : favoriser la spécialisation des régions lorsque les travailleurs sont peu mobiles, c’est les exposer au risque d’un retournement sectoriel.
On retrouve une fois de plus dans les résultats analytique chiffrés de l'étude du CEPREMAP une confirmation de l'analyse Hayekienne de la nécessaire faillite de la planification centralisée par rapport à la libre décision d'une multitude d'agents économiques: aucun expert, aucun groupe d'experts, ne peut à lui seul connaître non seulement la totalité des déterminants des choix individuels des agents économiques, mais ne peut pas non plus connaître la valorisation relative que chaque agent fait de ces déterminants les uns par rapport aux autres, ni l'évolution dans le temps de ces valorisations relatives.
Lorsqu'un système de prix fonctionnels, sans distorsion de signal par l'état, permet aux acteurs de mesurer les avantages et inconvénients d'une décision par rapport à son coût, alors la variation des prix en fonction de chaque décision individuelle (par exemple : le prix du terrain dans une zone de rassemblement d'entreprises d'un secteur donné) fait que les entreprises décident en toute connaissance pour elles-mêmes de s'installer à tel ou tel endroit, d'effectuer tel ou tel type d'investissement, etc...
Les Clusters d'état ne font que prolonger des tendances déjà initiées par des agents économique "leaders", et la subvention publique crée soit un effet d'aubaine pour des entreprises qui auraient de toute façon suivi le mouvement, soit une incitation à prendre une décision qu'elle n'aurait pas prise sans cela, toutes choses égales par ailleurs, et qui donc peut se révéler mauvaise dans l'absolu.
Le passé (politique sidérurgique, plan calcul, concorde, soutien à la micro informatique, etc...) a plus que suffisamment montré que l'état était un piètre investisseur. En se dispensant d'un gadget coûteux et plus porteur d'effets d'annonce que d'effets économiques positifs, l'état aurait pu laisser plus d'1,5 Milliards d'euros dans la poche des contribuables.
L'intégralité du rapport est à télécharger ici (pdf).
Non seulement l'Etat n'est pas obligatoirement l'instance la mieux informée pour opérer ce type de choix économique, mais il est certain que ces choix seront fortement biaisés par les pressions émanant d'intérêts territoriaux et locaux, publics ou privés, qu'ils répondront à des visées clientélistes, et seront les enjeux de toutes sortes de foires d'empoignes dans lesquelles ni l'économie ni la morale ne trouveront leur compte.
Rédigé par : michel | lundi 21 janvier 2008 à 06h39