Je ne goûte guère, habituellement, au chant des Cassandre qui prédisent un désastre à chaque signe de ralentissement de la croissance américaine, et qui sont à chaque fois démentis par la reprise généralement vigoureuse qui suit quelques turbulences.
Ceci dit, ni la conjoncture actuelle ni les événements géo-économiques envisageables à court et moyen terme ne me rendent optimiste pour les 12 mois à venir, malgré tout. Le tout est de savoir si, une fois passée cette période difficile qui me paraît difficilement évitable, l'économie américaine peut rebondir, ou si nous risquons au contraire de rencontrer un épisode dépressif de longue durée de la première économie mondiale, comparable à ce qu'elle a connu dans les années 70.
La période actuelle est marquée par un fort resserrement du crédit des banques américaines aux entreprises, resserrement dont tout laisse à croire qu'il va se poursuivre tant que les banques n'auront pas expurgé de leurs bilans toutes les pertes liées à la crise immobilière. En soi, l'événement n'est pas si rare: une telle contraction des volumes prêtés s'était produite en 2001, et le niveau des prêts aux entreprises US n'avait retrouvé son niveau du tournant du siècle qu'en 2005 (cf. graphe). Cela n'avait pas empêché l'économie américaine, malgré le krach des dotcoms, et l'atonie économique de l'après 11 septembre, de retrouver toute sa vigueur dès 2003.
© NY Times
En effet, les entreprises qui investissent ont besoin d'argent, et disposent de deux sources de financement possible: le crédit et la capital. La sagesse veut que si les conditions du crédit accessible aux entreprises se détériorent, un gouvernement avisé doit faciliter l'accès au capital, notamment en réduisant les freins fiscaux à l'investissement, afin d'en abaisser le coût.
C'est exactement ce qu'a fait le gouvernement Bush en 2003. A l'époque, il a promulgué une coupe franche sur les impôts frappant les plus values et les revenus du capital. Cela a renforcé l'appétit d'investissement des américains aisés, et a permis aux entreprises de surmonter sans trop de mal l'accroissement de la prudence bancaire observable alors, vis à vis des entreprises du moins.
Malheureusement, pour obtenir le vote d'une telle mesure au congrès, compte tenu du contexte politique de l'époque, G.W.Bush a du accepter que ces réductions d'impôts soient réexaminées par le congrès d'ici 2011. Or, ni B. Obama, ni, et c'est plus décevant, J. McCain, ne semblent prêts à accepter leur pérennisation.
D'autre part, afin sans doute de susciter une certaine docilité des deux chambres vis à vis de ses choix de politique étrangère, l'administration Bush a arrosé sans compter de subventions les états fédérés, finançant nombre de projets d'intérêt douteux, pour ne pas dire des éléphants blancs, par le biais de dépenses dites "discrétionnaires" en direction des collectivités. Ces dépenses, appelés avec mépris "pork barrel spending" par leurs critiques, ont contribué, bien plus que l'aventure irakienne, à dégrader considérablement l'équilibre budgétaire fédéral. Si on ajoute que, comme chez nous, l'accroissement très probable des dépenses publiques d'assurance Maladie (programme Medicare pour les personnes âgées) et du régime général de retraites par répartition posent à long terme une hypothèque non résolue à ce jour pour le département du trésor, on peut s'inquiéter légitimement sur la durabilité des baisses d'impôts du début du millénaire.
Au contraire, Barak Obama évoque une forte augmentation des fiscalités marginales, et John McCain, au mieux, ne parle que de stabilité. Les deux parlementaires ont voté avec la majorité en faveur du « Housing Bill » de plus de 300 milliards supposé sauver le système bancaire US de la faillite, et pour cela, ont accepté de relever de... 800 milliards de dollars le plafond de dette admissible, en prévision des coûts à long termes induits par ce sauvetage. Bref, pas de réduction des dépenses en vue ! Ni de nouvelles réductions d'impôts, ni même le maintien en l'état des exonérations « Bush », ne paraissent probables.
Parallèlement, les négociations de l'OMC pour réduire les barrières douanières à la circulation de nombreux biens entre différentes zones économiques sont au point mort après l'échec genevois. Si la situation reste en l'état, ce ne sera pas dramatique, le commerce mondial, à défaut d'être libre, s'est tout de même bien ouvert depuis 30 années. Mais l'on peut craindre un raidissement protectionniste unilatéral de certains grands acteurs de l'économie mondiale, et notamment... des USA, de nombreux démocrates, dont M. Obama, ayant soutenu des positions anti libre échange au congrès.
Naturellement, le pire n'est jamais certain, mais tout repli protectionniste de l'économie américaine pourrait avoir, toutes proportions gardées, des effets économiques comparables au désastreux Smoot-Hawley Act de 1930, lequel avait littéralement castré le commerce international alors que les entreprises faisaient face à une conjoncture monétaire difficile depuis 1929, ce qui avait contribué à enfoncer le monde dans la plus longue crise économique qu'il ait connu à l'ère moderne.
Dans ces conditions, n'y a-t-il pas quelques raisons d'espérer un rebond de l'économie américaine ?
Certes, il y en à. La faiblesse du Dollar rend l'investissement direct aux USA très intéressant. De nombreux industriels européens et asiatiques ont annoncé des projets importants outre-Atlantique. Le temps que ces investissements produisent leurs fruits, et l'économie américaine pourrait trouver là le carburant nécessaire pour financer son redémarrage, à condition toutefois que l'investissement privé intérieur, toujours beaucoup plus important en masse, prenne le relais par la suite. Cela suppose soit que les banques aient réussi à éponger leurs pertes et retrouvent des marges de manoeuvre en terme d'ouverture de crédits, soit que les barrières réglementaires ou fiscales auxquelles font face les petits et moyens entrepreneurs n'aient pas été relevées, et donc que la folie dépensière de l'état fédéral ait été calmée. Auquel cas le fort coup de vent que l'économie américaine traverse ne sera qu'une mauvaise tempête avant un redémarrage, selon le scénario habituel.
Mais que le nouveau président élu s'embarque vers un mauvais cap, plus étatiste ou plus protectionniste, et alors l'Amérique s'enfoncera dans une récession profonde. Et nous avec.
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Mon cher Vincent, salut et bonjour tous,
Concernant les usa et leur économie il n'y a guère d'inquiètude, les données repartent au vert, il n'y a qu'a voir les indices de confiance en nette hausse hier, la mentalité anglo-saxonne(qui est plutôt mienne) est somme toute différente de celle que nous avons en Europe, notamment aux anciens moteurs que représentent la France et l'Allemagne, en panne de confiance, trop conservateur....L'Amérique semble qq peu touchée, elle s'en remettra vite. Un signe très interessant qui risque de vous étonner concerne l'économie du Japon, en effet celle-ci depuis dix ans a pris l'initiative du désendettement contrairement à nous d'ailleurs, de ce fait l'inflation est pratiquement nulle et le chômage presque inexistant...etc. La prospective est expotentielle dans le monde, tous leur secteur de recherche est dans le vert...le Japon est un moteur économique pour les USA, tant que le Japon est économiquement fort et allié aux USA, rien ne se produira, d'ailleurs la crise des subprime touche de très très peu l'économie nipponne. Les japonais ont tout compris depuis fort longtemps, ce pourquoi les américains on en été très proche, l'un ne va pas sans l'autre d'autant plus que le Japon, outre sa position géographique auront acquis et continu à oeuvrer pour un capitalisme fort dans toute la région extrème-orientale en pleine expansion...
Bien librement
Alain
Rédigé par : alan de Bx | jeudi 31 juillet 2008 à 00h58
Salut Vincent,
Le vote de la housing bill était assez inévitable, et même si le budget de l'Etat fédéral risque de s'en trouver sérieusement alourdi, il ne faut pas non plus en négliger les — possibles — effets positifs.
Tu sembles partir du principe que de tels effets n'existent que dans l'esprit interventionniste des tenants de cette loi, et en toute honnêteté j'aurais plutôt tendance à te rejoindre ; mais la situation n'était pas tenable (je renvoie à Tyler Cowen notamment sur ce point).
Quant à la situation budgétaire de l'Etat fédéral, elle ne me semble pas aussi inquiétante que celle, par exemple, que nous connaissons en France : ses causes sont largement conjoncturelles — comme cette Housing Bill, la guerre en Irak ou le pork barrel spending —, et donc moins préoccupantes que les causes structurelles de nos soucis du même ordre.
Rédigé par : Rubin | jeudi 31 juillet 2008 à 10h37
j'ai vu un graphique hier ou avant hier, sur le déficit en fonction du GDP, apparemment il est pas plus élevé qu'avant (2001?? mais plus très sur)...
Rédigé par : mica | jeudi 31 juillet 2008 à 11h22
On pourrait aussi espèrer un petit effet 'ron paul' avec son congrés bis, qui en mettra une épine dans le pied de MacCain en septembre.
et obligera (peut être) ce dernier à mettre davantage de libéralisme dans son vin.
Rédigé par : Daniel T | jeudi 31 juillet 2008 à 11h50
Bien vu Alain de Bx !
Dépêche AFP
USA: la croissance s'est accéléré à 1,9%
Source : AFP | 31/07/2008 | Mise à jour : 14:31
La croissance américaine s'est accélérée au deuxième trimestre à 1,9% (en rythme annuel), après 0,9% au premier, portée par l'amélioration de la balance commerciale et une timide reprise de la consommation, selon le département du Commerce.
Rédigé par : Landry | jeudi 31 juillet 2008 à 15h08
@ MICA: vrai jusqu'en 2007, le déficit était pas mal tombé, exprimé en % du PIB (de mémoire, 1,8% en 2006). Les prévisions 2009 suite au housing Bill renversent nettement la tendance. Ce housing bill est une bombe à retardement, il faudra que j'y revienne.
@ Daniel T : Je ne crois pas la vague RP suffisamment audible pour infléchir la ligne très économiquement conservatrice de JmC.
@ Landry : vrai, et les chiffres du chômedu sont meilleurs que prévu. Mais j'anticipe que les milliards mis dans le sauvetage de Fmae et Fmac ne font que précéder de nouvelles provisions des banques pour dépréciations de CDO's, et que cela risque de provoquer un double coup de ciseau à la fois sur l'accès au crédit (banques très prudentes) et au capital (fin des baisses d'impôts, prudence des investisseurs). Si la réaction du Govt est la bonne, ce sera juste un trou d'air. Si elle est mauvaise (peu probable, mais ça s'est déjà produit, en 29-30...), alors...
Rédigé par : vincent | jeudi 31 juillet 2008 à 22h20
Voir lien de G. Sorman:
http://gsorman.typepad.com/guy_sorman/2008/08/usa-m%C3%A9daille-dor.html
Rédigé par : alan de Bx | lundi 11 août 2008 à 01h27