L'été semble hélas le moment choisi par un gouvernement financièrement en difficulté pour annoncer en catimini des propositions d'une insigne médiocrité visant à faire face à la nouvelle dégradation des comptes des branches "santé" et "retraite" de notre sécurité sociale.
Tant notre assurance maladie que notre système de retraites sont voués, pour des raisons déjà évoquées à maintes reprises dans ce blog (maladie, retraites), à accumuler des déficits croissants liés d'une part au vieillissement de la population, et dans le cas de l'assurance maladie, à la totale irresponsabilité face à la dépense que le système engendre chez tous les acteurs de la chaîne de santé. Les prévisions de déficits récurrents de plusieurs milliards d'Euros (j'ai renoncé à les dénombrer) annoncées par les organismes de sécurité sociale ne sont que le commencement d'une longue série de pertes qui perdureront tant que les principes fondamentaux de ces systèmes resteront ce qu'ils sont.
- Et pour le trou de la sécu, vous faites quoi ?
- Et bien, vous voyez, on creuse !
Que propose le gouvernement pour faire face à cette préoccupante situation ? Des réformes de fond, structurelles ? Ce serait bien trop demander aux bureaucrates qui font la pluie et le beau temps dans les couloirs ouatés de nos ministères.
Commençons par l'assurance vieillesse. Eric Woerth, ministre du budget, avait annoncé son intention de proposer de confisquer une partie des excédents de gestion de l'assurance chômage - Le chômage baisse un peu, par conséquent, les comptes de l'Unedic se redressent -, soit tout de même jusqu'à 4 milliards d'euros, pour non pas équilibrer les comptes de la branche vieillesse, mais pour en réduire le déficit comptable. François Fillon, à peine plus subtil, propose de relever les cotisations vieillesse de 1% sur 3 ans, en contrepartie d'une réduction des cotisations de chômage... Ce n'est pas demain que les salariés toucheront une part plus importante du "coût total employeur" qui figure sur leur fiche de paie.
Outre qu'il est parfaitement scandaleux que les salariés et les employeurs, qui ont fait un effort fiscal particulièrement important sur une longue durée pour payer une assurance chômage très lourde quand celui ci était élevé, ne voient venir aucun relâchement de l'étreinte jugulaire qui pèse sur eux lorsqu' enfin un coin de ciel bleu se lève sur l'emploi, la proposition Woerth-Fillon revient à proposer un nième colmatage de court terme d'un système de retraites voué à la faillite. Bref, au lieu de proposer un vrai débat pour aller vers une réforme de rupture, dont les français pourraient peut être admettre la nécessité au vu des déficits répétés que l'on leur annonce, et des perspectives qu'ils commencent à comprendre, le gouvernement joue les autruches, et fait semblant de colmater les brèches, avant de refiler le bébé en encore plus mauvais état dans quelques années à ses successeurs. Le courage n'est décidément pas la qualité première du politicien français.
Les propositions concernant la branche maladie ne valent guère mieux, puisqu'il ne s'agit plus de dérembourser certains soins de longue durée, comme cela avait été envisagé sans la moindre peur du ridicule, mais, face au tollé provoqué par cette annonce initiale, de prélever une taxe additionnelle sur le chiffre d'affaires des mutuelles pour les financer !
L'art de la dissimulation atteint ici des sommets. Le gouvernement a multiplié les déremboursements unilatéraux, ce qui a provoqué, évidemment, une augmentation de la prise en charge des soins par les mutuelles, donc leur chiffre d'affaires... Et donc le gouvernement décide de taxer ces "surplus" d'activité ! Par conséquent, il fait prendre en charge, sans le dire, une part croissante des remboursements de soins par les mutuelles, qui seront contraintes d'augmenter leurs tarifs pour faire face à ce nouveau prélèvement... Consternant.
Là encore, le gouvernement a recours à des expédients de très bas étage pour se donner l'illusion de poser un pansement sur une voie d'eau dans la coque du Titanic, au lieu de s'atteler à une réforme de fond de notre système de santé. Mais comment peuvent ils se regarder dans une glace après une telle démonstration de lâcheté ? N'ont ils donc aucune fierté, aucun honneur ? Ne sont-ils au gouvernement que pour toucher leur (gros) salaire de ministre et essayer de durer ?
A priori, ces propositions gouvernementales devraient être discutées à l'automne devant les assemblées. Il faut souhaiter que les rares forces réformatrices libérales de ce pays sauront se mobiliser pour tenter de faire échouer ces projets de nouveaux prélèvements, et ainsi forcer le gouvernement, mis au pied du mur, à lancer un grand projet de réforme de fond de notre système de "protection sociale".
Sans doute l'objectif est il très difficile à atteindre, mais nous ne pouvons plus continuer à nous laisser tondre comme des moutons par ces incapables.
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A lire également sur le sujet de l'assurance maladie, la voix discordante de François Goulard, encore lui, un des rares députés UMP à faire preuve de courage et à écouter sa conscience, qui ose écrire sur son blog tout le mal qu'il pense des décisions ineptes accumulées par ce gouvernement, et qui brosse de façon très claire les grandes lignes de ce que devrait être une véritable réforme de notre système de santé, basé sur la concurrence entre acteurs privés libres de rechercher les meilleures organisations et solutions pour nous apporter les meilleurs services.
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Je suis absolument outré. Tous des connards à de très très rares exceptions près.
La bêtise des gouvernements successifs, de droite ou de gauche, devient petit à petit incommensurable.
Rédigé par : JLL | lundi 04 août 2008 à 12h39
Super article. On ne saurait dire si l'attitude du gouvernement — en cela pas très différente de celle de ses prédécesseurs — repose sur une totale irresponsabilité face au danger encouru ou sur un manque de courage pathologique.
Rédigé par : Rubin | lundi 04 août 2008 à 16h03