Premières difficultés pour certains états sur les marchés obligataires
Ca y est, nous y voilà : selon le Financial Times, certains états, même très bien notés, comme l’Autriche et l’Espagne, toutes deux cotées AAA selon les agences de notation, commencent à retarder leurs émissions d'emprunts obligataires, tirant sur leur trésorerie, car les conditions de taux actuelles ne leur sont pas favorables.
Ces pays, et plusieurs autres, vont donc tenter d’attendre que les taux longs baissent pour emprunter, ce qui va lourdement augmenter la demande de crédit des états l’an prochain. Peut-être cette baisse va-t-elle se produire, car après tout, l'époque est à la volatilité, mais rien n'est moins sûr.
En effet, les pays qui retardent leurs émissions devront tôt ou tard s'y mettre. Et, toujours selon le FT, il faut donc s’attendre à ce que les émissions de tranches obligataires des pays européens augmentent de 30% en 2009. Pour la zone Euro, ce seront 925 milliards d’Euros qui devront être trouvés.
Loi de l'offre et de la demande appliquée au crédit
Une augmentation aussi soudaine des taux d’intérêts demandés à certains états s’explique aisément : d’une part, les plans Paulson 1 (sauvetage de Fannie Mae et Freddie Mac) et 2 (Sauvetage des banques) vont augmenter la dette négociable du trésor US d’environ 1500 milliards de dollars, à partir du niveau actuel de l’ordre de 5000 milliards : une hausse aussi soudaine de l’encours de crédit de 30% de la première puissance économique mondiale est tout à fait exceptionnelle.
Les différents plans de sauvetage annoncés par les états Européens vis-à-vis de leurs banques auront le même effet : l’assouplissement "temporaire" (que j’adore la douce ironie de ce mot dans la bouche des politiciens…) des critères de Maastricht annoncé par Bruxelles va permettre aux mauvais dirigeants de céder à toutes les démagogies, à tous les lobbies, pour arroser tous les demandeurs de plan de soutien et de sauvetage. Difficile de dire non aux chômeurs ou aux agriculteurs, pour ne citer qu'eux, quand on a largement ouvert sa bourse aux banquiers... Là encore, la demande de crédit par les états va augmenter.
L’Amérique latine ne s’en tirera pas mieux. L'Asie non plus.
Par conséquent, la compétition des états endettés pour attirer les faveurs des détenteurs de capitaux va être plus rude. Et le phénomène que j’anticipais en Août est en train de se produire : cette compétition rend les prêteurs plus sélectifs et tend à remonter la "prime de risque" demandée aux emprunteurs considérés comme un peu moins fiables que les meilleurs.
Même si l’on a pu croire pendant un court laps de temps que la perte de confiance des investisseurs dans l’économie privée allait charrier des tombereaux d’argent vers les emprunts d’état, autorisant les trésors publics des grands états à emprunter pour presque rien depuis le mois de septembre, la tendance est en train de se retourner. La crise a permis aux états drogués à la dette de s’offrir en septembre un énorme shoot d’héroïne, pardon, de crédit, à bon compte, mais la fête semble finie. Certes, les bons américains à très court terme (1 à 3 mois) restent diffusés à des prix incroyablement bas (source: Jp Chevallier), mais les taux longs US à 10 ans remontent à près de 4%. La tendance des prochains jours devra être suivie avec... intérêt, bien sûr.
Or, dans le même temps, les investisseurs institutionnels – Banques et assurances -- qui sont la principale clientèle des obligations d’état, sont obligés d’opérer un vaste mouvement de diminution de leur effet de levier, ou "deleveraging". Cela veut dire qu’en ces temps où elles se rendent comptent que des actifs qu’elles ont financé avec leurs fonds, en grande partie empruntés, ont perdu de la valeur, elles doivent d’urgence couvrir des pertes, et donc remonter leur niveau de fonds propres pour pouvoir prêter avec une plus grande sécurité.
Il est donc prévisible que les sommes d’argent susceptibles d’être prêtées aux états vont diminuer.
Demande en hausse brutale, offre en baisse non moins sensible : les taux exigés par les prêteurs vont augmenter. Et sans doute pas qu’un peu.
Prêtez l'oreille ! Oui, mais avec intérêt...
Concrètement, cela veut dire que lorsqu’une "vieille" tranche d'emprunt d’état va arriver à échéance, l’état débiteur, s’il ne réduit pas sa dette par une politique d’excédents budgétaires, devra la remplacer par un nouvel emprunt au moins équivalent qui risque de lui coûter plus cher, voire beaucoup plus cher. Pire encore, s’il accroît ses déficits, les nouvelles tranches émises seront plus importante que celles arrivant à maturité: tout déficit ne peut être financé que par de nouveaux emprunts. L’intérêt qu’elles feront donc supporter aux contribuables n’en sera que plus élevé.
De fait, les intérêts payés par les états les moins bien jugés par les investisseurs vont fortement augmenter. En France, ces intérêts représentent déjà plus de 44 milliards d’Euros au budget, presque autant que le produit de l’impôt sur le revenu (#56 Mds). Si la France venait à être considérée comme un état plus risqué que d’autres, la barre des 50 milliards, voire des 60 milliards, serait rapidement enfoncée. Or, la persistance de nos déficits publics n’est pas de nature à rassurer les prêteurs, même s’il l’on peut toujours se consoler en disant que l’Italie et la Hongrie sont en plus mauvaise forme que nous. Que les autrichiens ou les espagnols, aux fondamentaux budgétaires autrement plus sains que les nôtres, en soient réduits à espérer une baisse des taux consentis par les prêteurs, ne laisse rien présager de bon pour nous.
Et d'ores et déjà, il semblerait que les investisseurs pénalisent les mauvais états comme la France et l'Italie par rapport à l'Allemagne. Toujours selon JP Chevallier, les écarts de taux ("spreads") entre pays de la zone Euro augmentent de plus en plus: les investisseurs réclament une prime de 30% pour acheter de l'obligation italienne par rapport à du bon allemand, et la surprime réclamée à la France est de 10%. En clair, si un investisseur demande 4% aux allemands, il demandera 4,4% aux Français. Surtout, l'accélération des courbes est inhabituelle (voir courbes) et laisse craindre une dégradation rapide de la confiance des investisseurs envers les pays les moins bien considérés.
Conséquences pour les entreprises
Les effets de cette hausse, si elle se confirme, pourraient être graves, bien au-delà des conséquences budgétaires ou fiscales.
L’augmentation de la demande de crédit par les états, rapportée à la contraction de l’offre, va assécher le crédit disponible pour les entreprises, c’est ce que l’on appelle l’effet d’éviction, et pousser à la hausse les taux demandés aux entreprises. C’est inéluctable, et les annonces de "plan de soutien au crédit pour les PME" de l’Etat via les banques n’y changeront absolument rien. L’état ne pourra prêter aux banques que l’argent qu’il aura lui-même emprunté sans doute plus cher qu’actuellement. Les entreprises qui auront besoin de crédit devront le payer plus cher quoiqu’il arrive.
Or, la comptabilité des entreprises, est ainsi faite que la valeur des ressources (le passif de l’entreprise) dont elle dispose doit être égale à la valeur de ses actifs (également appelés emplois, au sens de ce à quoi les ressources sont employées) à un instant donné. Les ressources de l’entreprise sont égales à la somme de ses fonds propres (capital accumulé par l’entreprise depuis sa création) et de ses dettes (cf. image ci dessous). Si une entreprise qui doit rembourser une partie de ses emprunts ne peut pas réemprunter la somme équivalente, parce que le taux est trop élevé, ou la banque plus prudente, alors ses ressources diminuent.
Colonne de gauche: l'actif - De droite : les ressources
L'entreprise a donc trois options pour faire face au remboursement de sa dette, synonyme de diminution de ses ressources :
(A) Soit, parce qu’elle gagne beaucoup d’argent, elle le thésaurise, augmentant ainsi ses fonds propres. Mais on voit mal pourquoi une entreprise très profitable serait celle qui aurait le plus de mal à emprunter. Ce cas de figure sera donc minoritaire et n’est cité que pour mémoire.
(B) Soit, parce qu’elle inspire encore confiance à des investisseurs, elle peut augmenter son capital en trouvant des investisseurs providentiels ou en lançant des souscriptions : la perte d'une ressource "crédit" est alors compensée par le gain d'une ressource en "fonds propres".
(C) Soit elle n’y arrive pas, et elle doit se délester de ses actifs : soit en pompant sur sa trésorerie, mais celle-ci n’est certainement pas florissante en ces temps de carnets de commandes plats; soit en vendant des participations financières, mais les PME en ont très peu; Soit en réduisant drastiquement ses autres sorties d’argent, ce qui signifie généralement des licenciements, sous réserve que l'entreprise puisse payer les indemnités afférentes. Si, par malheur, aucune de ces décisions ne suffit à rétablir l’équilibre financier de l’entreprise, celle-ci doit alors déposer le bilan, ce qui peut aboutir, dans le pire des cas, à la cessation définitive de son activité.
Naturellement, la solution B est infiniment supérieure à la solution C. Mais la politique gouvernementale actuelle peut elle permettre de faciliter cette option ? Hélas, non.
Annonces du gouvernement: aux antipodes du souhaitable
Vous l’avez compris : les annonces actuelles du gouvernement, visent essentiellement à subventionner l’accès au crédit. Or, le prix du crédit sera de toute façon poussé à la hausse par les gouvernements eux-mêmes, du fait de leur impéritie budgétaire, et par le deleveraging bancaire.
Et ce n'est pas l'annonce, faite jeudi dernier, que les préfets superviseront au niveau local les banques pour vérifier que les fonds et les garanties de l'état servent bien à octroyer des prêts, qui pourront rassurer les agents économiques. En effet, forcer les banques à accorder des prêts à des entreprises que les conditions de marché rendent moins solvables revient à placer une nouvelle bombes à retardement dans le bilan des institutions financières, qui, après l’éclatement de la bulle des subprimes, n’ont vraiment pas besoin de cela.
Ajoutons que les déclarations récentes de M. Sarkozy, qui confiera aux préfets la charge de sélectionner avec les banques quelles entreprises méritent d'être sauvées et lesquelles ne le méritent pas, tout en incitant son nouveau "médiateur du crédit" à lancer des campagnes de délation dans la presse envers les banques qui feraient leur métier avec la prudence nécessaire, sont tout simplement vénéneuses. Le lobbying, les copinages, les malversations iront bon train dans les préfectures, alors que les banques sous pression risquent d'accorder à contresens de l'économie des prêts trop risqués. Dans ces conditions, l'affectation des ressources bancaires ne sera certainement pas optimale... Et les défauts de paiement seront in fine couverts par les contribuables. Au delà de l'inquiétante dérive autoritaire de notre président, déjà évoquée ici, le gouvernement n'a visiblement pas compris la leçon des subprimes: socialiser les pertes des agents économiques privés les rend dangereusement imprudents et prépare le terrain de nouvelles crises.
La logique du gouvernement est de tenter de sauver des emplois existants en abaissant artificiellement le coût du crédit: cette stratégie ne sauvera que très marginalement des emplois, se retournera contre tous les contribuables, et au final aggravera la récession qui s'annonce. Aucune politique de subvention aux entreprises en difficultés menées par le passé, quelle qu'en ait été la forme ou les entreprises cible, n'a donné de bon résultat. Celle ci n'est pas promise à un meilleur sort.
Kapital !
Lorsque le crédit est voué à être cher de façon inéluctable, c’est l’accès au capital qu’il faut favoriser, que ce soit en faveur des entreprises existantes que des entreprises en gestation. Pour cela, il faut que les agents économiques retrouvent non seulement la confiance, mais aussi une incitation bien plus grande à former du capital. Des évolutions absolument drastiques de notre fiscalité sont nécessaires, lesquelles supposent des baisses tout aussi massives de nos dépenses publiques.
Un rééquilibrage des bilans des entreprises – et des banques -- en faveur de plus de capital et de moins de dettes aurait en outre des effets vertueux considérables sur l’économie. Attention, je ne sous estime pas le rôle et l'importance du crédit dans le financement des entreprises. Mais sans formation de capital suffisante, augmenter son endettement au delà de certaines proportions se révèle très risqué.
Les mesures nécessaires pour parvenir à réamorcer la pompe du capital seront évoquées dans une prochaine note dans les jours à venir, pour tenir celle ci dans des dimensions acceptables. Vous vous doutez que la création d'un "Fond Souverain" public chargé de prendre des participations dans des entreprises dont des bureaucrates décideront lesquelles sont "stratégiques" ne suscite pas de ma part le moindre enthousiasme. Soupir...
Mais même si je laisse les solutions pour plus tard, je n’en ai pas fini avec les difficultés qui nous attendent.
Conséquences pour l'état : « effet ciseau »
Revenons à l’état et aux collectivités locales. Les entreprises risquent de passer par des moments difficiles: les rentrées fiscales afférentes (TVA, mais surtout IS et Taxe professionnelle) vont être moins élevées que prévu, touchant les caisses de l'état et des intercommunalités. La baisse du nombre de transactions immobilières et de leurs montant va lourdement obérer les budgets des conseils généraux, dépendants des droits de mutation.
Bref, l'ensemble de la sphère publique va voir ses recettes au mieux stagner, plus vraisemblablement diminuer. Or, la crise fera grandir la demande de prestations d'assistance sociale. Nous avons vu qu'après avoir arrosé les banques, les pouvoirs publics ne pourront pas résister aisément à la pression politique vis à vis de ces demandes.
Hausse des dépenses, baisse des recettes: c'est la hantise de tous les trésoriers publics, l'effet "ciseau", que la Suède a connu entre 1990 et 1993, l'acculant à une sévère dévaluation de sa devise, la couronne.
De nombreuses collectivités locales ont réagi en proposant des hausses importantes d'impôts locaux. Or, mes lecteurs le savent, les impôts locaux ont la désagréable caractéristique, dans ce pays, d'être régressifs: cette hausse touchera avant tout les classes moyennes-basses.
L'état, lui, aura le choix entre augmenter les impôts, ce qui tuera encore plus rapidement tout mouvement de reprise, soit la fuite en avant dans l'endettement, par le biais des déficits, dont nous avons vu plus haut quels seraient les effets délétères sur les taux d'intérêts qu'il devrait payer à ses créanciers.
My name is Bond. Junk Bond...
Or, la crise actuelle n'est pas la seule bombe budgétaire qui menace l'état. Dans ce rapport (PDF) de 2005 (antérieur à la débâcle, donc), Standard and Poor's, notant que les déficits sociaux liés à l'âge de la population n'étaient pas correctement anticipés par les gouvernements de plusieurs pays, prévoyait que la notation des principales signatures publiques risquerait fort d'être dégradée entre 2010 et 2020. Et la France, malheureusement, était en tête de liste des prévisions de dégradation.
Le graphique ci dessous, tiré de ce rapport de S&P's, montre comment la notation de l'état Français pourrait être dégradée dans les années à venir, si l'état ne faisait rien pour corriger le tir :
Dettes de la France: bientôt des junk bonds ?
Selon la courbe, la note de la France risquait une dégradation légère à partir de 2010, pour atteindre des rivages critiques vers 2020: sa dette deviendrait alors une obligation pourrie, en anglais, junk bond.
Or, la crise actuelle rend plus que probable une accélération cette dégradation, sauf changement radical de cap politique. D'ailleurs, même si les agences de notation subissaient des pressions pour ne pas dégrader ces notes, les investisseurs ne s'y tromperaient pas: en demandant des écarts de taux ("spreads") de plus en plus élevés pour des pays comme la France ou l'Italie par rapport à l'Allemagne, comme nous l'avons vu plus haut, ils ont déjà anticipé le début de la glissade.
La situation est plus que grave: si l'état ne prend pas rapidement des mesures drastiques pour éliminer ses déficits, elle pourrait devenir désespérée. En combien de temps ? C'est une bonne question, mais tout porte à croire qu'il ne nous en reste pas beaucoup pour réagir.
Le jour où la France fera faillite ?
Rappelons ce que signifierait une dégradation de la notation Française: dans un premier temps, les taux d'intérêts demandés à la France augmenteraient dans des proportions d'abord soutenues, puis, si aucune réforme drastique ne pouvait être engagée, vertigineuses.
Puis arriverait un jour ou les règles prudentielles imposées par les états aux établissements financiers se retourneraient contre eux: au dessous de certains seuils, BBB+ ou BBB, un nombre croissant d'investisseurs n'auraient plus le droit de prêter à la France. Nous n'arriverions alors plus à placer nos émissions obligataires sur les marchés financiers. Or, notre état dépense chaque année à peu près 16% de plus que ce qu'il encaisse ! L'état Français serait donc alors de facto en cessation de paiement. Je vous renvoie à la seconde partie de cette ancienne note évoquant un livre de feu Philippe Jaffré, ancien directeur du trésor, pour saisir les conséquences tragiques d'un tel événement.
Y at-t-il des raisons d'espérer ?
Le pire est il certain ? Comme je l'ai dit par ailleurs, je souhaite vivement me tromper, et pouvoir être ridiculisé par les lecteurs. D'ailleurs, selon Gary Becker, prix Nobel 1992, cité par Bryan Caplan, si les dirigeants n'écoutent jamais les Cassandre et les Nouriel Roubini de l'économie, c'est parce que dans 95% des cas, ils ont raison de ne pas les écouter: les prévisions catastrophistes sont presque toujours démenties ! Presque. Espérons que celles ci fassent partie du lot commun.
De fait, des raisons d'espérer existent encore: l'Italie, la Hongrie, pourraient tomber avant nous, nous forçant à réagir. Barack Obama, s'il est élu ce soir, peut se révéler nettement moins socialiste que son programme ne l'indique, et se montrer plus proche d'un Bill Clinton que d'un Franklin D. Roosevelt, permettant aux USA de s'en sortir vite et de tirer l'économie mondiale vers le haut. Il pourrait abandonner ses postures protectionnistes électoralistes, ayant compris l'impact désastreux des lois protectionnistes promulguées par H. Hoover en 1930. Voire même ne pas promulguer toutes les hausses d'impôts qu'il a envisagées. Mais rien n'est moins sûr.
D'autre part, si le coût du crédit augmente trop, et si les mécanismes de marché ne sont pas contrariés par quelque intervention étatique mal conçue, la demande de crédit risque de se raréfier, obligeant les banques à baisser leurs taux, dans un classique mouvement de rééquilibrage de l'offre et de la demande... mais dans un environnement économique fragilisé, ce qui laisse entière la question de l'accès amélioré au capital pour les entreprises.
Les agents économiques peuvent retrouver la confiance si les banques prouvent que le spectre des faillites s'éloigne... Malgré l'omniprésence de l'incurie étatique à tous les stades de la prise de décision.
Et les vaches peuvent voler aussi.
L'on peut également envisager d'autres scénarios aussi noirs que celui que j'ai longuement développé. Par exemple, il est imaginable que les états européens, face aux abysses financières nées de leurs impérities, envisagent leur "auto-sauvetage" massif par une reprise en mains de la BCE, pour la forcer à créer de l'inflation excédentaire: l'extinction de la dette par l'inflation a toujours été, hélas, l'échappatoire des états mal gérés. Ce n'est qu'une hypothèse, bien sûr. Dans ce cas, vos économies, votre épargne fondraient, et tous ceux qui auraient prêté de l'argent aux états seraient spoliés. Devant l'incertitude ainsi créée, les agents économiques retarderaient nombre de projets potentiellement créateurs de valeur, puisque cette valeur serait de toute façon éphémère. Bref, un tel "sauvetage" par l'inflation nous appauvrirait considérablement, et ne ferait que reporter sur des millions de chômeurs supplémentaires les problèmes de fins de mois difficiles des trésoriers publics. Mais pour l'instant, le statut de la BCE, qui ne peut être modifié qu'à l'unanimité des états membres, interdit ce comportement. Il faut s'attendre à des assauts violents contre la règle de l'unanimité dans les prochains mois...
Fort heureusement, d'autres politiques peuvent nous préserver de tels embarras. Plutôt d'attendre que le ciel ne nous tombe sur la tête, ou que des états mieux gérés que la France ne nous montrent la voie à suivre, nous devrions nous attacher à prendre des bonnes décisions dès à présent. Il n'est pas trop tard.
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Rendez vous la semaine prochaine pour les solutions - J'ignore encore si elles prendront la forme d'un gros article ou de plusieurs...
Ca valait le coup de ne pas dormir à 2h ! très bon billet. Juste une chose ; en raison de toutes les liquidités qui ont été injectées depuis 2 mois un peu partout, et qui devraient continuer à arriver au fur et à mesure de la réalisation des plans, ne pensez-vous pas que de toutes façons, l'inflation arrivera tôt ou tard ?
Rédigé par : lolik | mardi 04 novembre 2008 à 02h18
Votre analyse est d'une pertinence totale. Il s'en déduit qu'il ne reste qu'une seule politique viable pour le pays:
1 - Baisser substantiellement toutes les dépenses publiques (Etat-collectivités territoriales et communales):
Ré-examen de tous les sytèmes de subventionnement. Une subvention ne doit être maintenue que si elle est productive d'une valeur ajoutée supèrieure à la subvention. Trier fin notamment dans le champ des subventions aux associations et à la culture.
Audit très critique des projets immobiliers des administration (achat et construction).
Réduction drastique des déplacements et promotion des téléréunions par le recours à des logiciels ergonomiques de téléconférence.
Suppression de toutes les niches fiscales et sociales qui ne sont pas génératrices de valeur ajoutée plus importante et particulièrement celles qui n'ont qu'une motivation clientéliste.
Accélération de l'augmentation de la durée de carrière des fonctionnaires pour l'aligner dès que possible sur le privé. Moratoire des recrutements publics. En contrepartie, peignage fin (audit) des activités et tâches des administrations pour éliminer les taches non indispensables, peu productives ou ne relevant pas du champ d'action normal des pouvoirs publics concernés. Modernisation des organisations administratives, du management, de la gestion de la ressource humaine publique.
Accompagner la loi de cumul emploi-retraite et le droit au travail salarié jusqu'à 70 ans d'une campagne incitative à la mise en place de structures privées de services adaptés (bourses d'emplois seniors, entreprises de portage salarial, formations spécifiques payantes éventuellement finançables à crédit, télétravail, expérimentation de nouvelles formules de contrat de travail...). effet attendu: moins de travail au noir des seniors, rentrées supplémentaires de cotisations sociales, pouvoir d'achat accru des seniors, préparation au report de l'âge légal d'accès à la retraite.
Les économies réalisées doivent permettre
1 prioritairement de réduire la dette et les intérêts de la dette.
2 diminuer la fiscalité directe sur les entreprises.
Cette seconde mesure doit également être accompagnée du peignage fin des réglementations apportant des contraintes aux entreprises (désentraver l'activité)
But: dans un monde en récession, les capitaux, les projets d'entreprises et les élites tendent à rechercher les pays offrant les meilleures garanties de sécurité et de rentabilité.
Rédigé par : michel | mardi 04 novembre 2008 à 04h51
Wow ... Une synthèse brillante. Un des rares articles a faire le lien entre de très nombreuses problématiques. J'apprécie notamment le graphe des l'impact des déficits sociaux sur les 50 prochaines années sur les finances publiques : c'est un sujet tabou en France. Aux états-unis, le documentaire I.O.USA (http://www.iousathemovie.com/) met les pieds dans le plat et décortique cette problématique. La question que je me posais était : et en France ? quel impact de toutes ces "unfunded liabilities" ? L'étude de S&P nous donne la réponse : on sera frappé plus tot et plus fort. C'est exactement la meme chose avec la bulle immobilière : il suffit de regarder les courbes de prix de l'immobillier France / USA sur les 20 dernières années pour voir très facilement que notre bulle est nettement plus grosse que celle qui a commencé à éclater outre atlantique (avec la nuance que la notre est a peu pres egalement répartie sur tout le territoire alors qu'aux US elle est localisée spatialement). D'un manière générale, c'est l'ensemble des pays occidentaux qui marchent à l'unisson vers les mêmes problèmes à terme, avec les mêmes causes. Certains un peu plus vite, certains un peu moins. Mais ce qui choque le plus, c'est que tous n'ont apparemment pas la même conscience du danger. Chez certains il est dénoncé activement, chez d'autres (nous), le silence est assourdissant. Aussi assourdissant que le problème est gigantesque. C'est d'ailleurs là la probable explication : la problématique est tellement effrayante, qu'un effort même important aujourd'hui semble n'avoir aucun impact à terme face à l'énormité de ce qui nous attend : à quoi bon faire des efforts en apparence énormes aujourd'hui, pour ne serait-ce qu'équilibrer le budget, avec les désordres sociaux que cela engendrerait a coup sur, si cela ne représente en substance qu'une goutte d'eau face aux engagements hors bilan, hors comptabilité auxquels nous devront faire face a terme. C'est un peu la leçon du film I.O.USA : la dette publique US est officiellement de 10 000 milliards de $. Si on devait provisionner aujourd'hui les promesses du medicare, medicaid et de la social security (retraite), elle passerait à 53 000 milliards. D'un seul coup, le plan paulson et ses 700 milliards fait figure de goutte d'eau. Un peu comme un ménage surendetté, qui ne voit pas comment malgré des revenus confortable, comment il pourra un jour rembourser ses dettes, ne se prive pas d'une sortie restaurant ou d'un week end à Venise : factuellement ca accroit son problème mais à ce stade ... quelle différence ?
Pour en revenir a l'article : encore une fois, une synthèse exemplaire. C'est pour des articles comme ça que je ne regrette pas d'avoir troqué la lecture du Monde et autre quotiden ou hebdo nationaux pour la qualité d'analyse et de synthèse d'une poignée de blogs. Chapeau bas.
Rédigé par : ST | mardi 04 novembre 2008 à 10h08
@ Michel:
Désolé de vous tomber dessus une nouvelle fois mais les "mesures" que vous préconisez sont des mesures de droite dont le seul rapport avec le billet est la prise de conscience du problème. Dans vos mesures, je ni vois que du pipi de chat par rapport à l'ampleur du problème. En outre, vous préconisez essentiellement des hausses d'impôts et de charges, c'est à dire exactement l'inverse de ce qu'il faut faire. Lutter contre le travail au noir, supprimer les "niches fiscales", suppression de subventions, augmentation de la durée du travail ne sont pas autre chose que des augmentations d'impôts et de charges. Cela satisfait intellectuellement ceux qui ne sont pas touchés par ces hausses mais au final, cela ne résout rien tout en diminuant le pouvoir d'achat des individus concernés.
Rédigé par : Rocou | mardi 04 novembre 2008 à 10h40
Un petit coup d’inflation si c’est pratiqué par TOUS les états industrialisés, c’est quand même tentant ? Et hop on annule les dettes. Dans les années 1970 c’était plus ou moins le cas, non ?
Les investisseurs seraient coincés car ou investir ailleurs ? Pas dans les cleptocraties africaines, arabes ou russes ou des pays instables comme en Amérique Latine. C’est peut être la Chine qui resterait la plus attirante.
C’est la solution de facilité, plus aisé qu’un remède de cheval façon Shroder en Allemagne. On verra ce que décidera le nouveau président US.
Rédigé par : jb7756 | mardi 04 novembre 2008 à 11h23
@jb7756 : cela sera probablement le cas, car c'est une solution facile. Facile pour les gouvernements s'entend. Immoral et sournois aussi. Car ce n'est jamais autre chose qu'une taxe déguisée. Et qui touche en premier les plus démunis et les plus pauvres qui voient leur pouvoir d'achat en période d'inflation soutenue aspiré par la hausse des prix avec des salaires toujours à la traîne. Ce serait jouer la manipulation d'une élite gouvernante plutôt que la Responsabilité. Hmmm ... oui vous avez raison, c'est probablement ce qui va arriver.
Rédigé par : ST | mardi 04 novembre 2008 à 12h04
@ rocou
"En outre, vous préconisez essentiellement des hausses d'impôts et de charges, c'est à dire exactement l'inverse de ce qu'il faut faire."
Ecoutez Rocou, quand je propopose que l'Etat fasse des économies et se modernise et baisse les prélèvements obligatoires sur les entreprises, vous me répondez que je veux des hausses d'impôts et de charges. Excusez moi mon vieux, mais je ne répondrai plus à vos remarques si elles continuent à à être aussi...Je stoppe, car j'allais m'énerver.
Rédigé par : michel | mardi 04 novembre 2008 à 18h24
@ jb7756
"C’est peut être la Chine qui resterait la plus attirante."
Comment la Chine, qui ne vit que par l'exportation de ses produits industriels vers les pays riches va-t-elle encaisser la dépression économique ? Personnellement, je n'investirais pas un sou en ce moment sur l'économie chinoise.
J'aurais aimé pouvoir affirmer que la France me paraissait l'un des pays les mieux armés pour tenir bon dans la tempête, et émerger dans quelques années lorsque de nouveaux équilibres économiques seront retrouvés, car elle en a incontestablement les moyens.
Malheureusement, le copier-coller de programme commun de la gauche 1981 que nous sert Sarkozy en ce moment va nous couler.
Pour parodier Churchill : "Jamais 64 millions d'êtres n'auront autant souffert des errements d'un si petit homme"
Rédigé par : michel | mardi 04 novembre 2008 à 18h45
Ce que je sais, c'est que les hommes d'état feront tout ce qu'ils peuvent pour retarder l'échéance, jusqu'à et y compris la modification forcée des règles du jeu. Sinon, ils ne seraient pas au pouvoir. La porte de l'inflation est déjà ouverte aux USA, tandis qu'en Europe Trichet résiste avec l'énergie du dernier espoir. Jusqu'à quand ?
Par conséquent je m'attends à une aggravation de plus en plus rapide de la situation. Un début d'inflation entraînerait une nouvelle panique boursière, donc détruirait toute perspective d'avenir, donc paradoxalement engluerait encore plus les gouvernements. L'or à 6500$ l'once en 2010 ?
Et la Chine n'est pas mieux lotie. Elle a fait garantir pratiquement tout et n'importe quoi par l'état et dépend tellement de la croissance de la consommation des autres pays qu'une récession mondiale est la pire chose qu'il puisse lui arriver.
Rédigé par : Jesrad | mardi 04 novembre 2008 à 21h35