Incompréhensible, délirant... Alors que Henry Paulson avait fort judicieusement suspendu l'application du volet "rachat d'obligations pourries" de son plan, ouvrant la voie à une possible purge des obligations pourries détenues par les institution financières (cf. ma note de mardi ), la FED vient d'annoncer un investissement massif de 700 milliards de dollars dans le rachat de MBS garanties par Fannie Mae et Freddie Mac.
Autrement dit, les opérations de rachat spéculatifs de MBS sont à nouveau gelées, puisque la FED, qui peut imprimer sa propre monnaie, se met sur le marché. En outre, l'état créancier (via la FED) risque d'introduire des considérations politiques, et pas seulement économiques, dans la solution des problèmes de crédit à la source de la crise: l'état pourrait faire pression sur la FED pour abandonner plus de créances que nécessaire à des fins démagogiques. Le mythe de l'indépendance de la FED pourrait voler en éclat. Cela rendra plus difficile la liquidation des MBS prêt par prêt, retardant la purge du marché immobilier des 3000 milliards de survaleurs artificielles qui y ont été créées entre 2000 et 2007.
Et financièrement, où cela nous mène-t-il ? Calculons la somme des "sauvetages" entrepris par la puissance publique américaine:
Nationalisation de Fannie et Freddie, et rachats de MBS par la FED: coût estimé, 300+700 Mds USD
Plan paulson : 700 Mds USD (le rachat de titres a été gelé, mais l'argent n'a pas été rendu...)
Déficit de l'état fédéral avant la crise: 450 Mds
Auquel il faudra ajouter le "plan de relance" promis par Obama, qui culminerait désormais à 700 Mds...
Soit un total de environ 2800 Mds USD principalement financés par déficits, essentiellement sur un an, le tout sans compter une base fiscale en forte contraction, récession oblige, ni le probable arrosage des constructeurs automobile.
Cela représente environ 1/5 du PIB américain, 20% du PIB de déficit, ou encore... 100% du budget fédéral, ou 66% de la somme des budgets publics aux USA !! Si la planche à billets n'est pas abusivement sollicitée, il faudra emprunter brutalement des sommes considérables pour financer un accroissement aussi brutal des déficits.
Si l'on ajoute à cela tous les plans de relance Européens et le plan Chinois, la demande des états pour des capitaux frais va exploser, ce qui aura un double effet mortel: d'une part, ces capitaux seront moins disponibles pour s'investir directement sous forme de crédit ou de capital dans les entreprises, d'autre part, les taux d'intérêts à long terme demandés aux états vont fortement augmenter.
Et donc, le taux d'intérêt consenti aux autres acteurs de l'économie (entreprises, ménages), va exploser lui aussi : la récession, qui aurait pu être limitée sans ces interventions inconsidérées, n'en sera que plus dure.
Enfin, les états qui inspirent le moins confiance (comme ceux dont le secteur financier, trop financé par la dette, menace de s'écrouler) risquent la cessation de paiement, faute de pouvoir emprunter, tant la compétition entre emrpunteurs pour s'arracher les capitaux disponibles sera rude. Reste à savoir quels états tomberont en premier... Les scénarios de faillite d'états, déjà évoqués ici, sont plus que jamais d'actualité.
Si Washington ne revient pas à un peu de sagesse financière, les conséquences seront dévastatrices, et ce au plan mondial, et ce dès 2009. Seule des politiques de coupes drastiques dans les dépenses publiques, et conjointement, de réduction des impôts frappant la formation de capital, peuvent sortir les économies de l'ornière actuelle.
Angela Merkel a bien raison de fustiger ces plans de relance en "monnaie de singe" comme le rapporte le Financial Times de ce matin:
"Excessively cheap money in the US was a driver of today’s crisis,” she told the German parliament. “I am deeply concerned about whether we are now reinforcing this trend through measures being adopted in the US and elsewhere and whether we could find ourselves in five years facing the exact same crisis."
Et le premier ministre Polonais, Donald Tusk, d'ajouter, perfidement ou malicieusement:
"La principale question est de savoir où trouver l'argent. Moi aussi, je pourrais clamer que je vais mettre des milliards, et ajouter tout bas “si j'arrive à les emprunter” !"
Malheureusement, ces lueurs de sagesse sont tournées en dérision par une presse et une majorité d'analystes qui réclament a cor et à cri de vastes "plans de relance" publics.
La crise, fille de politiques publiques ineptes, va être considérablement amplifiée par des réactions tout aussi inconséquentes de nombreux états. Et naturellement, le capitalisme, les marchés, seront accusés du marasme. Espérons seulement que la crise ne provoque pas a foison des "révolutions" autoritaires ou des conflits majeurs.
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@ vincent
Folle la Fed ? Supposons, Vincent, que vous fabriquiez avec votre imprimante couleur 10 billets de 100 euros bien imités, et que vous alliez acheter, disons un téléviseur LCD à un margoulin qui vous refile une véritable cochonnerie qui tombe en panne au bout de quelques jours et que, lorsque vous faites un recours en garantie, vous vous aperceviez que votre margoulin a fait banqueroute. Qu'avez-vous perdu ? Vous avez même joui, pendant une dizaine de jours, de magnifiques images qui vous ont comblé de plaisir.
Qu'avec sa fausse monnaie la Fed achète des titres de m..., quelle importance ? La fausse monnaie ne nuira même pas au vendeur des titres pourris qui s'empressera de la refiler à un autre, amorçant ainsi un cycle inflationniste de circulation monétaire accélérée.
Finalement, tout le monde fait n'importe quoi. Et je me demande aujourd'hui, "l'argent, c'est quoi au juste ?". On va aboutir à ruiner la confiance dans les instruments monétaires. Vous allez voir, dans quelques mois, l'immobilier repartir à la hausse, même si les locataires seront de plus en plus nombreux à devenir insolvables. Les détenteurs de valeurs monétaires chercheront des refuges, entre autres dans la pierre, quitte à laisser inoccupées leurs acquisitions.
Quels experts peuvent prévoir quoi que ce soit ? Ceux d'entre eux qui le prétendent sont des nostradamus. La seule stratégie qui me parait viable, c'est d'observer une veille économique très vigilante et se montrer hyper-réactif. Ou bien d'acheter un bout de jardin et des outils pour le cultiver...
Rédigé par : michel | vendredi 28 novembre 2008 à 07h37
@Vincent : "Touché" comme on dit outre atlantique. J'ai même peur que votre calcul soit trop optimiste.
http://en.wikipedia.org/wiki/Emergency_Economic_Stabilization_Act_of_2008#Overall_accounting_view
Wikipedia indique un total de 4284 milliards de dollars. La source du calcul est un article de CNBC qui a depuis été updaté pour prendre en compte les nouvelles annonces. Leur dernier calcul émet l'hypothèse de 7360 milliards de $. C'est 50% du PIB ... J'ai comme l'impression que quelqu'un a Washington veut a tout prix donner raison à Peter Schiff et garantir l'effondrement du dollars à moyen terme.
http://www.cnbc.com/id/27719011
Quand à l'espoir que cela puisse changer une fois qu'Obama aura pris de manière effective les rennes du pouvoir ... je vous invite à lire cet article qui nous éclaire sur la composition de l'équipe économique qu'il vient d'annoncer :
http://www.thenation.com/doc/20081208/scheer?rel=hp_picks
En substance, ce sont tous des anciens de l'équipe Clinton, qui ont supervisé la mise en place des politiques qui ont mené à la crise, anciens de Citygroup qui ont mené cette institution droit à la faillite, et qui vient tout juste d'être sauvée in extremis par le gouvernement fédéral, anciens de la reserve federal de new york qui supervisait l'essentiel des etablissements financiers qui sombrés et principal acteur de la politique de crédit qui a créé la bulle. Il faut le lire pour le croire. "Change we can believe in".
@michel : "Vous allez voir, dans quelques mois, l'immobilier repartir à la hausse" : j'en doute fort. Vous pourrez mettre tout l'or du monde, tout le crédit facile que vous voulez, une fois qu'une bulle immobillière a commencé a se dégonfler, une fois que la baisse des prix est amorcée de manière significative, rien ne peut décider les acheteurs potentiels à prendre le risque d'acheter un bien qui risque de perdre encore 10% sur l'année suivante. Aucun taux d'interet ne sera assez faible pour justifier économiquement d'acheter aujourd'hui 10% plus cher que dans 1 an. Et vu le potentiel de baisse que nous avons devant nous ... La baisse ne s'arretera pas avant d'avoir percer le plancher.
C'est d'ailleurs pareil pour la bourse, à la différence que la volatilité des actions permet des rebonds techniques durant la longue chute tendancielle des cours (on l'a vu en début de semaine), ce qui n'existe pas sur un marché immobilier. C'est exactement pour cela que tout l'argent jeté pour résoudre "le problème" (de la baisse des actifs surévalués, problème qui n'en est pas un d'ailleurs), ne servira a rien, mais assure que lorsque les cours auront enfin touché le fond (= seront revenu à la normale), l'inflation s'installera durablement du fait de l'existence de tout cette masse monétaire en surplus.
Rédigé par : ST | vendredi 28 novembre 2008 à 09h46
En bref, la FED va miraculeusement transformer des trucs sans valeur (des créances pourries) en billets verts. Et mélanger ces billets verts à tous les autres.
Vive l'inflation...
Rédigé par : Jesrad | vendredi 28 novembre 2008 à 11h38
Pour relancer la consommation, il faut bien redonner du pouvoir d’achat aux américains. Comme ils sont déjà endetté jusqu’au cou, le seul moyen est de réduire rapidement leur dettes. Ils arrêtent de payer leur crédit « subprime » (même ceux qui peuvent encore), l’état reprend la créance et l’annule par création monétaire. Les prix de l’immobilier retrouve leur niveau normal et les gens sont désendettés.
Inconvénient, le dollar est dévalorisé mais le poids géopolitique des USA le compense (on peut ignorer l’Iceland, la Hongrie ou même le Brésil mais pas les USA).
Rédigé par : jb7756 | vendredi 28 novembre 2008 à 11h47
@jb7756 : relancer la consommation n'est pas un objectif en soi. On a jamais créé de richesse en consommant, seulement en produisant (plus, plus vite et moins cher). On est dans cette panade entre autre parce que les américains ont sur-consommé, plus qu'ils ne pouvaient se le permettre. Il n'y a pas de solution miracle, et surtout pas de continuer a surconsommer ce qu'on ne peut pas payer.
Quant à la solution qui consiste à faire annuler les créances par l'etat via création monétaire, je ne suis pas sur que tu sois conscient des masses monétaires en jeu. Il y pour 10 000 milliards de $ de prêt pour accession à la propriété en cours aux Etats Unis. Annuler tout ca par création monétaire, c'est l'hyperinflation assuré, sans compter que c'est moralement scandaleux de faire payer à ceux qui ne se sont pas surendetté les erreurs de ceux qui l'on fait.
Il n'y a pas 36 000 solutions propres. Il faut que les américains qui ne sont plus en mesure de payer leurs traites fassent simplement défaut sur leur dette. Rappelons que les prets immobiliers aux USA sont des prets hypothécaires. Dans la majorités des cas, faire défaut implique uniquement de perdre le bien, donc de se voire retirer sa maison et être expulsé. Dans un marché en forte baisse où il est facile de trouver une location dans les milliers de maisons qui ne trouvent plus acquéreur, c'est pas non plus une catastrophe majeure. Oui, ceux qui ont cru au miracle de s'enrichir via un crédit immobilier vont devoir déchanter, oui ils vont devoir renoncer à se loger dans une maison de 5 chambres avec 3 salles de bain, s'ils ne sont pas capables de se payer une telle maison. Ce n'est pas la fin du monde. Et oui, ceux qui ont investit dans ces prêts pourris vont devoir essuyer les pertes. Alors le marché immobilier reviendra a un niveau acceptable, les gens pourront a nouveau s'acheter des maisons qui auront perdu 50% de leur valeur, et personne ne sera à la rue (on nous brandit des chiffres de 1 millions de foyer menacé d'expulsion, comme si ces gens allaient dormir sur le trottoir demain : c'est absurde). Tout ceci est nécessaire. Les excès d'hier devront être payé aujourd'hui (meilleur des cas) ou demain (pire des cas si le gouvernement s'en mêle).
Quand tout cela sera passé, les américains auront de nouveau la capacité d'épargner, donc de capitaliser, donc d'investir, donc de créer de la richesse par l'augmentation de la productivité que permet l'accumulation de capital. On appelle ca le capitalisme. C'est comme ca qu'on crée de la croissance et qu'on s'enrichit. Pas en consommant. Pas en empruntant.
Rédigé par : ST | vendredi 28 novembre 2008 à 13h04
Encore un très bon billet, aussi court soit-il (par rapport aux autres).
Il suffit de lire ce billet et celui-ci (http://www.objectifliberte.fr/2008/11/subprimes-hank.html) pour comprendre à la fois comment la crise est née, quelles auraient pu être les solutions, quelles erreurs ont été (sont) commises par les politques,...
Rédigé par : Olivier | vendredi 28 novembre 2008 à 16h46
On va donc prendre des ressources dans les industries qui vont bien pour les investir dans les industries mal gérées. C'est ça la véritable drame de ces plans de "relance".
Rédigé par : Mathieu Bédard | vendredi 28 novembre 2008 à 17h49
L'avenir de la Sécu?
http://www.lefigaro.fr/economie/2008/11/28/04001-20081128ARTFIG00320-un-scandale-financier-menace-de-faillite-le-systeme-de-sante-grec-.php
Rédigé par : Robert Marchenoir | samedi 29 novembre 2008 à 02h17