J’en parlais il y a quelques semaines. La mesure est entrée en application : A partir du 1er novembre 2008, par la suite d'un relèvement des seuils de revenu des ménages éligibles aux dispositifs d'accession sociale à la propriété (dont le prêt à taux zéro), la garantie de l’État est ouverte aux prêts réalisés par les banques à 60% des accédants à la propriété, contre 20% auparavant. C’est le FGAS (Fond de Garantie de l’Accession Sociale) qui jouera le rôle de garant.
Au nom du mythe de la propriété pour tous, le gouvernement souhaite réduire le coût d’achat des logements en subventionnant le crédit immobilier et en tentant d’inciter les banques à prêter coûte que coûte malgré la conjoncture très défavorable à l’expansion irraisonnée des crédits bancaires... Loin de moi l’idée de nier les bienfaits de la propriété, mais l’état n’a pas à interférer dans la décision de louer ou d’acheter que chaque ménage doit prendre en fonction de considérations qui lui sont propres. Subventionner la propriété des uns revient toujours à la faire payer d'une façon ou d'une autre par d'autres. Mais ce gouvernement ne semble guère se préoccuper de notions élémentaires d'économie.
Importation du mécanisme des subprimes
Le gouvernement a donc décidé de reproduire en France des mécanismes qui ressemblent à ceux qui ont entrainé aux USA la faillite de Fannie Mae et Freddie Mac, provoqué une surévaluation des encours des crédits immobiliers de 4.000 milliards de dollars concentrée sur une dizaine d’états, surexposant les emprunteurs, et donc leurs banques, au risque de faillite.
En apportant une garantie d’état accessible à près de 60% des ménages, le gouvernement prend le risque de pousser les banques à réduire leurs critères de vigilance quant à l’octroi de leurs prêts. Telle est d’ailleurs ouvertement, sur un autre marché du crédit, sa stratégie actuelle vis-à-vis des PME : forcer l’octroi de crédits coûte que coûte. Gageons que si, malgré la « garantie » publique, les crédits immobiliers se raréfient, le gouvernement ouvrira la même boite à gifles que celle confiée à René Ricol pour tancer les banques méfiantes envers les PME.
Ajoutons que, faute d’avoir levé les bouchons fonciers qui entravent la satisfaction de la demande de logements neufs par l’offre, la subvention au crédit, si elle venait, par une sorte de miracle, booster un marché du logement moribond faute de visibilité sur l’avenir économique du pays, ne ferait que provoquer une nouvelle hausse des prix de la composante foncière des logements. La subvention supplémentaire au crédit décidée par le gouvernement, venant après la déduction des intérêts incluse dans le "paquet fiscal" déjà dénoncée ici même, se transformera donc en rente de situation versée aux vendeurs nets de logement (ceux qui vendent sans avoir besoin de racheter) et à ceux qui auront eu la chance de voir leur terrain devenir constructible, quelle que soit la méthode employée pour y parvenir.
En attendant la prochaine bulle...
Toutefois, le plus probable est que la mesure ne permette pas d’enrayer la chute actuelle des commandes de logement, les acheteurs potentiels attendant que les prix s'approchent d'un point bas, pour réinvestir le marché. Et le potentiel de baisse est très important ! C’est donc lorsque ce point bas sera atteint que le mécanisme mortifère de la prochaine bulle immobilière se mettra en place.
Mortifère, car, à la différence de la bulle actuelle, qui en France tout du moins, n’a pas entrainé les banques à octroyer trop de prêts déraisonnables eu égard aux capacités de remboursement des ménages -- les ennuis des banques européennes viennent de leurs achats de CDOs émises outre-Atlantique, pas de la crise immobilière locale, enfin, pas pour l’instant --, les mesures de soutien au crédit actuellement décidées vont agir comme de véritables amplificateurs du désastre, tout comme la subvention au crédit opérée par Fannie Mae et Freddie Mac l'a fait aux USA.
En effet, la mécanique du crédit est simple : le taux d’intérêt versé aux banques doit compenser, entre autres, le risque d’insolvabilité moyen des emprunteurs. Les banques doivent donc fixer leurs taux en fonction du risque de défaillance qu’elles anticipent, plus une marge de sécurité, fonction de l’aléa conjoncturel. Mais tout ce qui fausse la perception de ce risque de défaillance va conduire la banque à minorer le taux demandé. La garantie de l’état via le FGAS (*) fausse cette perception du risque.
Il est donc probable qu’en cas de dégradation de la conjoncture supérieure aux anticipations, le montant des garanties que le FGAS doive exercer excède ses disponibilités financières, et qu’il soit donc fait appel à l’état, donc à vous et moi, pour colmater les brèches. L’argent du contribuable, actuel et futur, servira donc à financer, très indirectement, les plus-values des bénéficiaires nets de la prochaine bulle immobilière.
Jusqu’à ce que la présomption de solvabilité éternelle des états tombe, et que le processus de coup de ciseau fatal décrit récemment ici ne mène l’état à la banqueroute.
Non, décidément, la subvention au crédit n’est pas le bon moyen de rendre abordable l’accès à la propriété. Que faudrait-il plutôt décider ?
En finir avec les bulles immobilières : c’est possible !
Le seul moyen efficace d’assainir durablement le marché immobilier, et de rendre le logement durablement abordable même lorsque la croissance reviendra, est de profiter du point bas qui s’annonce pour libéraliser nos lois foncières ! Cela suppose d'abolir sans autre forme de procès notre code de l’urbanisme, et le remplacer par une loi cadre simple et unique, stipulant que tout terrain desservi par des réseaux de voirie, d’adduction et correctement assaini est constructible par défaut, moyennant un minimum de règles de prospect visant à protéger la valeur des propriétés voisines. La loi stipulerait que toute exception à cette règle générale constituerait une restriction du droit de propriété du possesseur du terrain qui devrait alors faire l’objet d’une compensation. Mon ouvrage, "Logement, crise publique, remèdes privés", décrit plus en détail ce que pourrait être une telle loi.
En contrepartie, les aménageurs devront s’arranger des coûts de leur implantation (adductions, assainissements et desserte), ce qui les poussera à limiter leurs velléités d’expansion périphérique, plus connue sous le nom d'étalement urbain, concept exagérément décrié, déjà discuté dans ces colonnes.
Un tel fonctionnement du droit des sols existe sur les ¾ du territoire américain, et a permis d’éviter dans ces endroits la formation de bulles, alors que les conditions du crédit y ont été aussi laxistes qu'ailleurs.
Une fenêtre de tir historique en faveur d’une telle évolution législative se présente. En effet, promulguer une telle loi alors que l’immobilier était cher aurait provoqué la grogne de tous ceux qui se sont endettés au plus haut. Or ceux-ci viennent d’apprendre à leurs dépens que de toute façon, les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel, et ne pourront donc plus incriminer une perte potentielle pour s’opposer à une telle libération. Autant profiter du prochain point bas qui s’annonce pour libérer notre sol et retrouver enfin un marché immobilier sain, dans lequel les fluctuations du ratio Revenus/Prix n’excèdent pas +/- 10% en fonction de la conjoncture économique, et ou aucune formation de bulle ne donnera de signal fâcheux alimentant des spirales spéculatives.
Les effets économiques, politiques et sociaux pervers des bulles immobilières sont tels qu’il serait dommage de se priver d’une occasion historique de les éliminer de notre horizon.
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* A propos du FGAS, je renouvelle ma proposition de le surnommer "Fergie Ass" pour d’évidentes raisons phonétiques (Eff djii aai ess), à l’instar de ce qui s’est fait avec Fannie Mae (FNMA) outre Atlantique. Au moins, personne ne pourra prétendre qu’il n’avait pas remarqué l’analogie…
Nb. L'excellentissime Tropical Bear partage mon analyse sur le relèvement des plafonds de garantie.
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"Une fenêtre de tir historique en faveur d’une telle évolution législative se présente[...]Autant profiter du prochain point bas qui s’annonce pour libérer notre sol"
On parie quoi que rien ne va changer!
Rédigé par : JL | lundi 17 novembre 2008 à 02h06
@JL: hélas, vous avez raison. Mais si on essaie pas...
Rédigé par : vincent | lundi 17 novembre 2008 à 07h04
"et le remplacer par une loi cadre simple et unique, stipulant que tout terrain desservi par des réseaux de voirie, d’adduction"
Avec de telles contraintes, autant dire que rien ne changera car s'il y a déjà un réseau de voirie et surtout d'adduction, c'est qu'il y a déjà des constructions.
Il suffira, pour un maire, de ne pas étendre le réseau d'adduction pour empêcher toute construction ou de l'étendre a son gré pour autoriser uniquement ce qu'il veut.
Même la suite, "un terrain correctement assaini", permettra tous les abus de la part de promoteurs, complices des élus.
Il me semble plus sain de dire que "tout terrain est constructible. A charge du propriétaire de financer l'infrastructure (route, adduction, etc.)
Et même dans ce cas, il y a fort à parier que ces "infrastructures" deviendront obligatoires et que les entreprises chargées des travaux devront être "agréées" (comme c'est le cas actuellement avec la distribution d'eau où, seul, l'entreprise chargée de la distribution peut mettre en place les différents raccordements. Travaux facturés à prix d'or, naturellement)
Rédigé par : Rocou | lundi 17 novembre 2008 à 07h39
Merci pour ce papier plein de bon sens
Je connaissais votre proposition de loi concernant la libération du foncier
Evidemment, c'est le simple bon sens mais le bon sens aujourd'hui, n'est pas maitre dans notre pays
Maintenant, pas de panique, cette mesure sur les crédits O% aura très peu d'impac
Les banques ne marcheront pas et le marché immobilier est en chute libre, rien ne pourra l'arrêter.
Un jour , peut être, les loobies de la construction demanderont à ce que votre projet de loi soit voté et là, nous pourrons enfin construire librement.
Rédigé par : Maxime | lundi 17 novembre 2008 à 07h47
@Rocou: Non, car il suffira que :
1 - le développeur tire son réseau pour que son terrain devienne constructible de facto.
2- Tout terrain contigu à un terrain constructible devient quasi constructible de facto (tirer les réseaux sur quelques mètres...)
"Il me semble plus sain de dire que "tout terrain est constructible. A charge du propriétaire de financer l'infrastructure (route, adduction, etc.)"
c'est bien ce que je voulais dire. Mais le vocabulaire diffère.
Naturellement, les détails d'une telle loi sont à définir avec bcp de soin...
Rédigé par : vincent | lundi 17 novembre 2008 à 08h01
A la limite il faudrait qu’un nouvel abbé Pierre mobilise l’opinion en occupant de force des terrains.
Souvenons nous, il y a aussi le droit opposable au logement mais ça me semble une belle arnaque. On voit mal des SDF se lancer dans une procédure aussi longue, complexe que coûteuse.
Rédigé par : jb7756 | lundi 17 novembre 2008 à 11h57
A mon avis vous sous estimez tous ici les énormes résistances que provoquerai une déréglementation des terrains. Vous n’êtes pas des politiques.
Ce ne sont pas les politiciens corrompus mais les riverains, les gens de tous les jours, qui seraient effrayés par une telle loi.
Dans mon patelin il a fallu 15 ans pour mener à bien une ZAC, procès en tous genre, expropriation… Tous les arguments sont bon y compris la défense « d’une flore unique », les possibilité de recours immense (et la justice française très lente). Et pour finir le maire s’est faire lourder, en parti pour cette ZAC.
A mon avis introduire la viabilisation dans les conditions n’est pas utile. Qui irait acheter un logement non viabilisé ?
Rédigé par : jb7756 | lundi 17 novembre 2008 à 16h51
cher Vincent, je vois que vous venez nous éclairer samedi au centre Jean Gol... Mais j'imagine que vous savez que le MR est un parti néo-ultra-giga... socialiste lol!! pas une seule loi de votée d'un peu libéral en 20ans... il essaie par ce genre de manifestation de contenter la frange libérale, mais ne soyons pas dupe une fois au gouvernement... c'est déjà autre chose!!!
En plus ils sont adeptes de la rage taxatoire because réchauffement climatique oblige!!! enfin rien de bon dans ce parti comme les autres, juste le pouvoir, rien pour la liberté des gens... que dalle!!!
voilà bonne chance, je viendrais peut être...
Rédigé par : mica | lundi 17 novembre 2008 à 22h50
@ mica: il faut tout de même essayer de convaincre qu'une autre voie est possible...
Rédigé par : vincent | mardi 18 novembre 2008 à 00h22
Vous avez absolument raison, et l'on pourrait aussi parler de la garantie locative, qui est fournie par des organismes privés mais avec une aide publique (et qui reçoit pas mal de pression politiques)...
Rédigé par : Gu Si Fang | mardi 18 novembre 2008 à 10h23
Merci pour cet article que je référence :
http://www.le-buzz-immobilier.com/2008/11/pour-en-finir-une-bonne-fois-pour-toutes-avec-les-bulles-immobilieres/
Je suis bien sûr d'accord, on veut forcer les banques à emprunter dans un contexte difficile pour elles (de quel droit ?) mais on veut aussi "relancer" les Robien, en les rendant plus attractifs pour les classes moyennes, j'ai découvert ça assez horrifiée. On veut reporter coûte que coûte le poids financier de ce béton construit en dépit du bon sens dans des zones peu habitées ou dans de faibles bassins de l'emploi...
Je ne vais pas coller de liens ici mais ces articles sur le bouche à bouche pour les robinades se trouvent dans la rubrique Robien de mon site.
Bonne continuation et merci.
Rédigé par : Marie Phoenix | mardi 18 novembre 2008 à 16h44
@ marie: j'ai pas mal traité du robien sur mon second blog, crisepublique, donc vous pouvez tout à fait poster un lien ou deux sur les dernières "robiennades" ici sans passer pour une vilaine spammeuse !
N'hésitez pas à repasser et à réagir
Rédigé par : vincent | mardi 18 novembre 2008 à 19h10