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mercredi 24 décembre 2008

Commentaires

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ST

@Vincent : sur la bulle des Dotcoms, se limiter à une explication sur le grégarisme et la psychologie comme le fait Blodget me parait un peu court. Certes des deux composantes ont joué comme dans toutes les bulles, mais elles expliquent uniquement pourquoi les malinvestissements se concentrent à certains moments à certains endroits, au lieu de se répartir un peu partout. Mais la cause fondamentale du malinvestissement est toujours l'excès de crédit.

La formation de la bulle internet démarre aux Etats Unis dans un contexte assez particulier dans lequel la dette totale des ménages, des entreprises et des institutions publiques et gouvernementales, a littéralement explosé depuis le milieu des années 80.

http://mwhodges.home.att.net/nat-debt/natdebt-vs-natincome.gif

Il y a un décrochage total entre l'évolution de la richesse nationale produite et de la richesse nationale perçue car produite et consommée à crédit. Depuis 30 ans, le marché aux Etat Unis est alimenté par le crédit de telle manière que la richesse créée a été fondamentalement financé par l'emprunt. Si j'emprunte 2000 euros tous les mois, je peux vivre dans une maison plus grande, avoir une plus belle voiture, un grand écran plasma et partir en vacances plus souvent, mais je ne suis pas plus riche. En fait c'est même tout le contraire.

Mêmes chiffres présentés autrement :

http://www.moonofalabama.org/dirtyglasses/images/totaldebt_chart1.gif

Difficile de ne pas voir la bulle des dotcoms sur ce graphique. On y voit même un petit pallier juste au moment où elle explose, et une reprise quasi immédiate de l'endettement quand la nouvelle bulle prend le relais jusqu'à aujourd'hui.

Je dis bien jusqu'à aujourd'hui, parce le trimestre dernier est le premier trimestre depuis 1952 (!!!! et on peut voir très clairement cette date sur le graphe en effet) qui a connu une baisse absolue comme relative de l'endettement.

Et elle est bien là la cause de la formation des bulles. Trop de richesses non produites, trop de crédit, créent du malinvestissement, des investissements qui n'auraient pas du avoir lieu et qui ne répondent pas à une demande solvable. Les mécanismes du marché sont rompus. Ensuite, cet argent va se concentrer en fonctions de multiples variables dans des endroits bien précis, au gré des conditions du moment : la révolution internet à la fin des années 90, l'immobilier au début des années 2000 etc ...

Là, l'aspect psychologique joue beaucoup, et pas seulement par grégarisme, effet d'entrainement etc... Ce n'est pas simplement que personne ne veut être le premier à sortir trop tôt de la bulle. C'est pire. C'est principalement parce que les gens refusent de voir la bulle. L'argument est toujours le même : "cette fois ci c'est différent". Le même argument entendu pendant les dotcoms quand les cours d'entreprises qui ne gagnait pas d'argent et n'avait pas de business model pour en gagner s'envolaient. On appelait ça à l'époque la "nouvelle économie". C'est le terme qu'on employait quand on voulait dire : les projections que je vais vous montrer ne respectent aucun schéma, aucun ratio généralement utilisé pour évaluer la valeur d'un investissement, d'un rendement etc ... mais c'est pas grave, c'est "la nouvelle économie". Je peux en parler : j'ai vécu ca de très près et ai vu ce genre de chose aussi bien d'étudiants sans aucune expérience lançant leur première startup sur le coin d'une table d'un bistro branché, que de chefs d'entreprise du CAC40, riches de l'expérience des années et formés à la vieille école. Et c'est le même argument employé pendant la hausse surréaliste de l'immobilier des dernières années : "cette fois ci c'est différent, ca va continuer à monter, ca ne descendra pas, plus jamais".

Et c'est la même chose à chaque bulle. A chaque fois, la réalité est que : "cette fois ci, c'est pas différent, cette fois ci c'est exactement pareil". Et le retour à la réalité c'est l'éclatement de ces bulles, qui le démontre dans la douleur.

Pour en revenir au sujet, et de savoir si ce genre de bulle est juste la psychologie humaine et consubstantiel au marché et au capitalisme, je rajouterai qu'un des problèmes des raisonnements comme celui de Blodget, est de croire qu'on vit dans le même environnement "qu'avant", la même économie. Ce n'est pas vrai. La plupart des éléments qui composent notre environnement économique sont très jeunes, une trentaine d'année environ : nous vivons dans un système mondial de fiat money avec le dollars comme monnaie de réserve, ne s'appuyant sur ... rien du tout, et ce depuis 1971 seulement. Nous vivons dans des économies qui ont vu leur dépense publique exploser dans les dernières années (+35% pour la France dans les 30 dernières années) et la part du marché libre se restreindre d'autant. Nous tenons comme "normal" le principe de l'inflation rampante permanente dans laquelle nous vivons depuis que nous sommes nés, comme si c'était historiquement toujours vrais et normal. Etc etc ...

Penser qu'un phénomène est consubstantiel à l'économie de marché ou au libéralisme parce qu'on l'a constaté de manière récurrente depuis 30 ans est un peu court, ne serait ce que parce que nous ne vivons pas dans de vrais économies de marché, et encore moins des sociétés libérales.

xavdr

L'article d'Arnold KLING, et son article complémentaire, sont remarquablement intéressants. Ces deux articles présentent l'histoire du refinancement des crédits hypothécaires US.

http://econlog.econlib.org/archives/2008/10/the_fantasy_tes.html

http://econlog.econlib.org/archives/2008/10/more_fantasy_te.html

On y trouve notamment sous une forme probante cette explication qui m'avait jusqu'alors en partie échappé: le régulateur incitait au refinancement en acréditant plus de sécurité aux titres qu'aux prêts d'origine. Or la fiscalité conduit les banques à minimiser leurs capitaux propres et à maximiser leurs ratios d'emprunts plafonnés par la loi, ratios qui sont calculés sur la base de la sécurité acréditée par le régulateur quant aux titres détenus...

Evidemment, la titrisation s'est avérée porter un risque macro beaucoup plus fort que les prêts à l'ancienne puisqu'elle incitait à l'irresponsabilité dans l'octroi des prêts. La sécurisation macro qu'on eu pu retirer du regard extérieur au prêteur de premier rang apporté par le tritriseur, préteur de second rang, était inopérante ; seule de délicates et couteuses vérifications individuelles (qui n'ont pas eu lieu) eussent permis d'empêcher ces dérives.

Tout ceci n'est pas un hasard. La motivation des autorités en faveur du refinancement introduit et dominé par les GSE (sociétés de service public à capitaux privés) Fannie Mae et Freddie Mac était fortement liée à la législation CRA durcie en 1995 et à d'autres douloureuse pressions juridiques, participant d'une lutte chimérique contre une fantasmatique discrimination dans l'octroi des prêts, alors que les différences résiduelles dans l'octroi se sont toujours, en tout cas depuis 1990, avérées explicables par des facteurs objectifs légitimes, malgré les affirmations hâtives des militants communautaires radicaux qui brandissent des études bancales démontées par la suite.

xavdr


Voici une citation clé d'Arnold KLING à propos du décalage d'acréditation de sécurité entre prêts d'origine et titrisation de ces mêmes prêts, que je mentionne dans mon commentaire d'il y a quelques instants:

http://econlog.econlib.org/archives/2008/10/more_fantasy_te.html

"
Recently, the main force driving mortgage securitization has been bank capital requirements. These penalize banks for holding loans that they originate themselves. Perversely, the FDIC requires banks to hold less capital against securities backed by low-down-payment mortgages originated by strangers than against high-down-payment mortgages originated by staff under the bank's supervision and control. If the risk-based capital metrics had been tied to the true risk of the underlying assets, then I am confident that banks would have driven Fannie, Freddie, and the private securitizers of Wall Street out of business. Without the distortion of misguided capital requirements, we would have seen old-fashioned loans, originated by old-fashioned prudent underwriting standards, and held in old-fashioned bank portfolios financed by deposits and debt instruments, not by exotic derivatives. Again, this will be explained in more detail in my written remarks.
"

xavdr

Voici une citation clé d'Arnold KLING à propos du décalage d'acréditation de sécurité entre prêts d'origine et titrisation de ces mêmes prêts, que je mentionne dans mon commentaire d'il y a quelques instants:

http://econlog.econlib.org/archives/2008/10/more_fantasy_te.html

"
Recently, the main force driving mortgage securitization has been bank capital requirements. These penalize banks for holding loans that they originate themselves. Perversely, the FDIC requires banks to hold less capital against securities backed by low-down-payment mortgages originated by strangers than against high-down-payment mortgages originated by staff under the bank's supervision and control. If the risk-based capital metrics had been tied to the true risk of the underlying assets, then I am confident that banks would have driven Fannie, Freddie, and the private securitizers of Wall Street out of business. Without the distortion of misguided capital requirements, we would have seen old-fashioned loans, originated by old-fashioned prudent underwriting standards, and held in old-fashioned bank portfolios financed by deposits and debt instruments, not by exotic derivatives. Again, this will be explained in more detail in my written remarks.
"

jb7756a

@ST

Pour dire clairement les choses, la dette totale des USA en 2007 vaut 5 fois le PIB contre 2 fois en 1980.
Question importante : qui sont les créanciers ? (nationaux ou extérieur, dans quelle devises – si c’est en dollars, alors ils ont toute latitude pour se désendetter à bon compte) Qu’en est t’il par rapport à d’autres pays significatifs ? Un tel niveau d’endettement est il tenable ? Doit il être réduit et à combien ? Les américains ont réduit leur consommation parce qu’ils n’ont plus confiance ou qu’ils ne peuvent plus s’endetter ?

Bref que feriez vous si vous étiez à la place d’Obama ?

Mateo

@ jb7756a

La vraie bonne question à se poser est: POURQUOI l'endettement américain est-il si important?

Il faut à mon avis regarder du côté des taux directeurs de la FED. Je soupçonne un recours abusif à la stimulation de l'économie par une politique de taux bas ("bas" voulant dire en dessous des taux naturels). C'est ce que dénoncent depuis toujours les économistes de l'école "autrichienne".

Quelqu'un a-t-il un historique des taux directeurs de la FED corrigés de l'inflation?

vincent

@ Xav : Oui, tout à fait, d'une façon générale, les articles de Kling sont la meilleure source de compréhension de tous les biais de l'intervention de l'état qui ont amené la crise. Malheureusement, c'est trop technique pour être réutilisable tel quel en grand public. Mobiliser l'attention de gens non familiers de l'arithmétique financière et leur prouver par A+B que ce sont des distorsions de calcul de fonds propres réglementaires et de spreads de taux de quelques dizaines de point qui ont favorisé le gonflement de la bulle... ça me parait impossible.

@ ST: merci pour ces précisions et ces graphiques très parlants effectivement -

Quelqu'un a t il eu connaissance de papiers de qualité sur la localisation des bulles en général . C'est à dire lorsqu'on a une bulle de financement, quels sont les facteurs qui entrainent une bulle sur un type d'actif plutot qu'un autre ?

Henri Lepage -- nouveau président de l'institut Turgot -- pense qu'il y a toujours une rupture réglementaire, mais ça reste purement intuitif. Je suis preneur de tout bon lien sur le sujet

vincent

@ ST : le mel que vous placez dans votre champ mel étant professionnel, puis-je l'utiliser ? sinon, envoyez moi un message à l'adresse
vincent at benard point com

j'aimerai échanger directement sur certains points

ST

@vincent : c'est mon email professionnel mais aussi mon email principal par commodité, aucun soucis. N'hésitez pas.

ST

@mateo : "Quelqu'un a-t-il un historique des taux directeurs de la FED corrigés de l'inflation?"

quelque chose comme ca ?

http://mwhodges.home.att.net/nat-debt/total-debt-vs-fed-funds-rate.gif

On a effectivement une explosion de la dette concomitante avec la baisse continue des taux. Mais ce n'est probablement pas la seule explication.

Aujourd'hui, il y a un vrai problème culturel : les américains se sont ancrés dans une culture de la dette particulièrement pernicieuse. C'est vrai des ménages à titre individuelle, mais c'est aussi vrai du système économique global qu'ils ont contribué à mettre en place progressivement.

Comme le dit Peter Schiff : "What America has succeeded in creating is not an economy impervious to shocks, but merely one which enables their consequences to be postponed to a later date. Unfortunately... that date may have finally arrived."

Et malheureusement, comme on dit : "You cannot borrow your way out of debt".

Mateo

@ ST

Je voudrais la même chose, mais avec les taux corrigés de l'inflation (ou plutôt de l'indice des prix ;) ). J'aimerais voir si la courbe du coût réel de l'emprunt est plus "symétrique" à celle de la dette.

Mateo

Ou alors la courbe de variation des masses monétaires… Et ça se trouve ici: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/9/95/Components_of_the_United_States_money_supply2.svg

En détail pour le dollar: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/5/51/Currency_component_of_the_US_money_supply_1959-2007.gif

Évidemment, c'est parfaitement symétrique avec la courbe de la dette…

jb7756a

Juste une remarque :

Les villes bulleuses cités sont des villes contraintes géographiquement : (voir google Earth)
Fort Lauderdal est coincées entre les marais de Floride et l’océan. Certains quartier sont construit dans les marais – en cas d’ouragan cela doit être très humide.
Los Angeles est bloquées dans une cuvette entre l’océan et les montages de l’arrière pays (+ tremblement de terre). Certains lotissement sont maintenant construit au sommet de collines ce qui est bien plus coûteux qu’en plaine.
Seule Merced (Californie, courbe jaune) est située dans une plaine (étroite toutefois) mais dans une zone semi désertique (+ tremblement de terre). Là la bulle a éclatée plus vite.
San Francisco (pas sur la courbe) est elle située sur une presqu’île entièrement urbanisée et la région comporte de nombreuses montagnes (+ tremblement de terre).

Atlanta, Houston, Dallas sont toutes des villes situées en plaine, très vastes et sans problèmes sismiques.
Il doit y avoir quand même un rapport.


En France j’ai pas de chiffre précis mais on m’a dit que la dette publique + dette privée ne dépassent pas 1 an de PIB (5 pour les USA).
Finalement la France, c’est pas si mal !

Aurelien

La politique de la Fed ne concerne que les taux courts. Les taux longs sont restés bas en partie grâce au déficit commercial (excédent de la balance des capitaux qui sont allés se placer en bons du trésor américain) important avec la Chine (au taux de change fixé arbitrairement). L'équation globale est donc plus complexe, et elle intègre d'autres formes d'interventions déformantes.

Je te recommande la lecture du passionnant ouvrage de Charles Kindleberger, maître difficilement contestable de l'histoire des bules, des paniques et des crises. Le cocktail qui forme les bulles y est bien analysé, même si je ne partage pas ses suggestions et ses conclusions.

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