Outre Atlantique, de nombreux économistes estiment que le plan de relance annoncé par Barak Obama n'est pas la bonne solution aux problèmes des USA aujourd'hui. Comme je m'épuise à l'écrire depuis le début de cette crise (et bien avant), nombreux sont ceux qui estiment que le "retour sur investissement", si je puis dire, des baisses d'impôts est largement supérieur à celui des augmentations de dépenses publiques, à condition que ces baisses d'impôt favorisent l'investissement en capital.
Les "tax-cuts" meilleurs que la "folie injectrice"(*)
Greg Mankiw est l'un de ces économistes, mais dans ce papier sur son blog, il en cite de nombreux autres, et pas des libéraux purs et durs (on trouve le Franco-américain Blanchard, conseiller de DSK au FMI, parmi eux), qui arrivent à la même conclusions. Extrait:
So what are these multipliers? In their new blog, Bob Hall and Susan Woodward look at spending increases from World War II and the Korean War and conclude that the government spending multiplier is about one: A dollar of government spending raises GDP by about a dollar. Similarly, the results in Valerie Ramey's research suggest a government spending multiplier of about 1.4.
(...)
By contrast, recent research by Christina Romer and David Romer
looks at tax changes and concludes that the tax multiplier is about
three: A dollar of tax cuts raises GDP by about three dollars. The
puzzle is that, taken together, these findings are inconsistent with
the conventional Keynesian model. According to that model, taught even
in my favorite textbook, spending multipliers necessarily exceed tax
multipliers.
How can these empirical results be reconciled? One
hypothesis is that that compared with spending increases, tax cuts
produce a bigger boost in investment demand. This might work through
changing relative prices in a direction favorable to capital
investment--a mechanism absent in the textbook Keynesian model.
(...)
This hypothesized channel seems broadly consistent with the empirical findings of Blanchard and Perotti, Mountford and Uhlig, Alesina and Ardagna, and Alesina, Ardagna, Perotti, and Schiantarelli. The results of all these authors suggest you need to go beyond the standard Keynesian model to understand the short-run effects of fiscal policy.
Autrement dit, quitte à accroitre le déficit, autant le faire en baissant certains impôts qu'en augmentant la dépense publique, le "rendement" économique sera bien meilleur. Et c'est un constat empirique, pas une conjecture d'ultra libéral aigri par le renouveau de succès d'estime des théories mal fondées écrites par Keynes il y a quelques décennies.
Et en France ?
Et en France ? Je pense pour ma part que non seulement l'état devrait couper dans les impôts, mais aussi dans les dépenses, car en ces périodes de croissance faible, il est essentiel de ne pas accroître exagérément les déficits, qui peuvent se trouver plus importants que prévus si les recettes fiscales sont en dessous des attentes, alors que le risque de perte de confiance des prêteurs qui comblent chaque année notre déficit est réel. Mais concentrons nous sur le volet des baisses d'impôts.
Le gouvernement vient d'annoncer un plan de relance de 26 milliards (et le ministre qui va avec !), dirigé sur certains secteurs. Certes, ce ne sont pas vraiment 26 milliards de dépenses nouvelles, une partie n'est qu'une avance de trésorerie sur ce que l'état doit effectivement aux entreprises. Mais passons.
Parmi les mesures votées, il en est une qui recueille mon approbation de principe, quoique j'eus souhaité qu'elle aille beaucoup plus loin: il s'agit de l'exonération des investissements réalisés entre octobre 2008 et octobre 2009 de la base de calcul de la taxe professionnelle des entreprises.
Cela part d'un excellent mouvement, mais reste insuffisant. Le gouvernement aurait pu, et aurait dû, profiter de la crise pour en finir tout de suite avec la taxe professionnelle.
Un plan de "vraie relance" vite fait bien fait
Tout d'abord, l'exonération des investissements 2008 et 2009 ne sera sensible pour les entreprises que pour les taxes payées en 2010 et 2011: c'est aujourd'hui que les trésoreries ont besoin d'oxygène. Supprimer la TP dès l'exercice 2009 aurait donné à bien des trésoreries d'entreprises un bol d'air salutaire.
De plus, la taxe professionnelle est un non sens économique, quand bien même une réforme de cette taxe à la fin du dernier millénaire l'ait rendue un peu moins nocive que précédemment. Expliquons nous.
Depuis sa réforme au début du millénaire, la TP est calculée presque exclusivement sur "la valeur locative des immobilisations corporelles", ce qui en clair signifie que plus une entreprise investit en capital, plus elle est pénalisée ! Certes, cela constitue une petite avancée par rapport à la situation du siècle dernier, où à ce volet "investissement" s'ajoutait une seconde couche calculée sur la base de la masse salariale... Mais comme mes lecteurs le savent, pas de travail sans capital: pénaliser l'investissement revient à pénaliser la capacité d'embauche des entreprises.
J'ai dans le passé esquissé une réforme fiscale très ambitieuse incluant la suppression de la TP, mais dans le cadre d'un grand big bang de la fiscalité dont la mise en place demanderait certainement un peu de temps, ce qu'un gouvernement en temps de crise aiguë n'a pas.
Mais une version "light" de cette réforme, avec pour seule mesure la suppression dès 2009 de la TP, aurait bien mieux valu que toutes les dépenses supplémentaires annoncées par ailleurs par l'état.
En effet, tous les gouvernements successifs se sont cassés les dents sur la réforme de la taxe professionnelle. Or, selon l'INSEE, le produit de celle ci (perçue par les collectivités) a atteint... 26,7 milliards d'Euros en 2006. Enfin non, pas exactement, j'y reviens dans quelques lignes. Je n'ai pas les montants de 2007 (et bien sûr ceux de 2008) mais tout laisse penser que les ordres de grandeur sont du même ordre. Autrement dit, cela correspond peu ou prou au montant du plan de relance !
Encore plus intéressant: la suppression définitive ne couterait pas 26 milliards au budget de l'état, tout comme le plan de relance de MM. Sarkozy et Devedjian. En effet, 26,7 Mds€, c'est ce que touchent les collectivités locales. Mais en fait, cette somme correspond à ce que les entreprises auraient payé sur la base de l'ancien calcul, celui qui intégrait la masse salariale. Aujourd'hui, les entreprises ne paient plus "que" le volet investissement, et la différence est transférée aux communes par l'état sur ses autres recettes. Autrement dit, le budget général de l'état paie la différence entre ce que les entreprises auraient payé avant la réforme et ce qu'elle paient après. Pourquoi faire simple...
Par conséquent, la suppression de la TP n'obligerait pas l'Etat à transférer 26 nouveaux milliards aux collectivités, mais seulement une partie. Je n'ai hélas pas trouvé le montant récent de la part "entreprises" et de la part "transférée du budget". Si certains lecteurs ont l'info, n'hésitez pas.
Allons plus loin. L'Etat pourrait ne transférer aux collectivités que 90% de la somme amputée, à charge pour les administrations locales de se serrer un peu la ceinture, ce qui ne leur ferait pas de mal : encore une réduction de la charge sur un budget déjà fortement déficitaire.
Mais admettons que l'état doive tout de même compenser un manque à percevoir d'environ 15-20 milliards (au hasard, je pense être à peu près dans la fourchette) vers les collectivités. Comment pourrait il financer cette somme ?
Certes, il pourrait faire ce qu'il a choisi pour le plan de relance: creuser son déficit, et prier pour qu'un miracle ultérieur remplisse à nouveau ses caisses, et pour que la somme des plans de relance mondiaux ne vienne pas à provoquer une pénurie de prêteurs vers certains états... Inutile de rappeler mon opposition à de tels comportements de fuite dans la dette.
Mais il pourrait aussi trouver ces 15-20 milliards d'économies. Or, un rapport du CAE a chiffré à environ 65 Mds les aides diverses aux entreprises versées par l'état (principalement) et les collectivités: sélectionner sur ces 65 Mds un quart à un tiers correspondant aux aides les plus suspectes de constituer des effets d'aubaine éhontés ne devrait pas être trop difficile.
Et que l'on ne me dise pas que l'état reprendrait ainsi d'une main aux entreprises ce qu'il redonne de l'autre: une telle réforme aurait pour principal intérêt de donner un bol d'air à toutes les entreprises, et de ne pénaliser que celles qui ont fait de la chasse aux primes d'état leur spécialité, généralement pas les meilleures (et notamment nombre d'entreprises publiques).
Cette esquisse de "plan de stimulation vite fait bien fait" aurait sans doute été bien plus intéressante pour l'économie que la patchwork annoncé de primes à la casse pour les automobiles et de rachat de logements devenus invendables.
Selon plusieurs sources, certains au gouvernement chercheraient les moyens de pérenniser l'exonération prévue au delà du 23 octobre 2009. Espérons, comme certains parlementaires, que le gouvernement aura l'audace d'aller jusqu'au bout de sa logique, et de supprimer définitivement cet archaïsme fiscal dont aucune autre économie majeure n'a cru bon de se doter.
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(*) NB: l'expression "folie injectrice" est de Franck Boizard.
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"J'ai dans le passé esquissé une réforme fiscale très ambitieuse incluant la suppression de la TP, mais dans le cadre d'un grand big bang de la fiscalité dont la mise en place demanderait certainement un peu de temps, ce qu'un gouvernement en temps de crise aiguë n'a pas"
Le temps, le temps... Ca n'est pas le temps qui manque mais le courage politique. C'est en période crise qu'il est le plus aisé de faire passer des réformes qui n'auraient autrement jamais été acceptées. Encore une occasion manquée.
Rédigé par : JL | lundi 05 janvier 2009 à 10h10
Les impôts et la dette sont dans une certaine mesure interchangeables, même si, pour ma part, je préfère les impôts à la dette (plus visibles donc plus démocratiques), ce qui compte, c'est le montant de dépenses globales et l'usage qu'on en fait.
Et alors là, sortez vos mouchoirs. Inutile de fréquenter des brulots ultra-libéraux à tendance prédatrice comme ce blog, il suffit de lire les rapports de la cour des comptes : entre un quart et un tiers (une paille) des dépenses de la sphère publique (au sens large) sont injustifiées, mal controlées ou inefficaces.
Pleurez, contribuables, pleuurez.
Rédigé par : Franck Boizard | lundi 05 janvier 2009 à 13h03
@ Franck
Tu veux dire entre 1/4 et 1/3 des 55% du PIB que représente les dépenses publiques?
Si c'est le cas, je savais que c'était grave, mais pas à ce point!
Des sources?
Rédigé par : Mateo | lundi 05 janvier 2009 à 13h41
Parfois les baisses d'impôts sont considérées comme des politiques keynesiennes lorsqu'elles correspondent à un déficit public.
C'est pourquoi il n'est pas toujours facile de déterminer qui avait raison lorsque ces politiques fonctionnent.
Néanmoins il y a quand même l'idée dans les théories de Keynes qu'à même niveau de déficit, une dépense publique forte associée à des impôts élevés sera une politique de relance plus efficace que la politique opposée pour deux raisons :
- la dépense publique crée directement une demande complémentaire alors que la crise pour les keynesiens est liée à la faiblesse de la demande,
- elle permet une redistribution des revenus qui favorisera elle-même la demande, les pauvres relatifs ayant une propension marginale à consommer plus forte.
Donc on peut tout à fait comparer la pertinence des solutions libérales et keynesiennes à même niveau de déficit public et là, sur le long terme il n'y a pas photo. Il y a une tendance trés nette dans les pays de l'OCDE sur une longue période pour que les pays à faible niveau de dépenses publiques s'en sortent mieux que les autres en terme de croissance.
Concernant les sorties de crises elle-même, il serait sans doute intéressant que quelqu'un qui en aurait le temps et disposerait des données suffisantes fasse une étude synthétique sur les causes de sortie de crise. Il y eut en effet de nombreux exemples de crises et de sorties de crises au cours des 30 dernières années. Je pense notamment aux anciennes composantes de l'ex-URSS qui ont connu une forte période de croissance négative après la chute du mur de Berlin et qui se sont redressées depuis. Le cas du chili post-allende et de l'argentine au tournant du siècle seraient également intéressants à étudier.
Je sais que vous concernant Vincent, vous êtes favorables aux Flat tax. Il me semble que nous pourrions procéder à une étude trés simple de leur efficacité en comparant les taux de croissance des pays l'ayant adopté au cours des trois années avant cette adoption avec celui des trois années suivantes. Ne connaissant pas l'année d'adoption de ces mesures dans les différents pays concernés, je ne puis faire ce calcul rapide, mais si vous aviez les données, je le ferai sans problème.
PS : ayant des difficultés avec l'anglais, je n'avais pas lu l'extrait en tête de l'article. excusez donc mon commentaire s'il s'agit d'une redite. Je précise enfin que mes connaissances en économie, pour la partie concernant la théorie keynesinne sont relatives. En cas d'erreur, n'hésitez pas à les signaler...
Enfin, merci beaucoup pour votre blog
Domi
Rédigé par : Domi | samedi 10 janvier 2009 à 12h24