L'article qui suit a été publié dans la revue financière "L'AGEFI" par Philippe SIMONNOT, directeur de l’ Observatoire de l’Economie Méditerranéenne - Reproduit avec autorisation
APRÈS LA BULLE FINANCIERE, LA BULLE IDEOLOGIQUE
Lendemains du sommet de Londres qui chantent
par Philippe SimonnotLa quasi-unanimité qui a applaudi aux « résultats » du sommet de Londres est telle que l’on a scrupule à jouer les Cassandre. Pourtant il faut bien le dire : Non, ce sommet n’a rien résolu, et si c’est un événement historique, comme la presse le qualifie, c’est dans un aveuglement qui marquera l’histoire. A vrai dire, on pourrait s’effrayer de ce consensus de meute aux abois. A la bulle immobilière a succédé la bulle financière. Maintenant que cette dernière a elle aussi crevé, c’est une bulle idéologique que l’on voit gonfler tous les jours. Gare au jour où elle éclatera !
Pourtant, il n’y a pas besoin d’être un expert pour voir où le bât blesse. Ce que nous annoncent les communiqués triomphalistes de Londres, c’est plus d’endettement public, plus de fiscalité, plus de contrôle, en un mot plus d’Etat et moins de liberté, par conséquent moins de prospérité et plus de chômage. Comme si les chefs d’Etat du G20 avaient voulu démontrer que les peuples ont plus de goût pour la servitude que pour la liberté.
Prenons la question la plus controversée, la plus scandaleuse des bien nommés paradis fiscaux. On oublie de dire la raison d’être de ces lieux voués aux gémonies, c’est tout simplement la surimposition fiscale. Contrairement à ce que l’on enseigne couramment, le fisc n’empêche pas le marché de fonctionner, il augmente seulement le coût des transactions.
Même au pire temps du stalinisme, même dans un camp de concentration, le marché continue de jouer son rôle d’ajustement de l’offre et de la demande au meilleur prix. Quelque chose qui paraît aussi anodin inoffensif qu’un droit de douane s’apparente dans ses effets à l’obstruction d’une voie de communication : les marchandises et les capitaux trouveront d’autres voies d’acheminement, mais à un prix plus élevé. La censure des paradis fiscaux aura les mêmes effets. Elle permettra aux Etats d’accroître leur prélèvement tout en poussant le marché à trouver des moyens, toujours plus coûteux, de passer aux travers des mailles de leurs filets prédateurs.
Quant au discours moralisateur qui accompagne les mesures qui ont été prises à Londres, il est carrément obscène. Que des autorités religieuses ou morales nous rappellent de temps en temps qu’il pourrait y avoir d’autres buts dans l’existence que de gagner de l’argent, on peut l’admettre. Mais que des hommes politiques et leurs complices dans le système bancaire embouchent cette trompette-là, non ! Sans doute sont-ils paniqués et se sentent-ils menacés par les colères - tout à fait légitimes - qui grondent chez leurs sujets. Mais cela ne justifie pas pour autant cet excès d’hypocrisie - qui est en même temps un contre sens. Si les hommes étaient vertueux, on pourrait se passer d’économie de marché. C’est justement parce qu’ils ne le sont pas que ce système a été « inventé », qui est capable de dompter les passions humaines et de les faire concourir, mieux que toute coercition, au bien de tous, dans un jeu à somme positive.
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"Si les hommes étaient vertueux, on pourrait se passer d’économie de marché."
L'homme est ce que la nature l'a fait, à la fois tigre et mouton. C'est un animal grégaire, parce qu'il a besoin de rapports sociaux, et c'est un individualiste, parce qu'il sait utiliser admirablement son intelligence pour jouer un jeu personnel.
La vertu est un concept forgé par la société, que les hommes adoptent, plus ou moins selon les individus, tant que leurs intérêts individuels peuvent être sauvegardés. Si la vertu consiste à se soumettre aux lois, celles des pouvoirs publics, celles résultant de notre culture, de nos coutumes, il est vain d'exiger des individus qu'ils soient vertueux lorsque ce comportement nuit sérieusement à leurs intérêts individuels.On se retrouve ainsi dans une société qui crée des normes toujours plus nombreuses et auxquelles des individus toujours plus nombreux tentent d'échapper. Et leur comportement n'est pas immoral. Il est seulement la réponse animale d'un être qui se voit contraint et utilise ses ressources pour échapper à la contrainte.
Vouloir s'opposer aux jeux des individus et des coalitions d'individus est vain. Il y a suffisamment de ressources dans six milliards de cerveaux pour contrebattre tous les oukazes des personnes qui possèdent un pouvoir légitime, et ceci s'applique à toutes les communautés d'individus, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'une commune, d'une nation ou de l'humanité tout entière.
Toutes ces affirmations procèdent des plus récentes recherches sociologiques sur les jeux d'acteurs dans un système organisé. Les dirigeants de tous bords seraient bien inspirés d'aborder les questions de gouvernement sous cet angle.
La prise en compte des caractéristiques comportementales de l'animal intelligent qu'on appelle "homme" justifie la théorie libérale. Quel que soit le niveau de contraintes qu'on impose aux hommes, il existe nombre d'individus qui trouvent les moyens d'échapper à ces contraintes, de "battre le système", et il s'agit d'une réaction naturellle, et non d'une perversion. Une société qui accorde à l'individu une large marge de liberté, bornée seulement par l'obligation de ne pas nuire à la liberté d'autrui, offre au plus grand nombre de ses membres des conditions d'épanouissement qu'une société contrainte ne peut connaitre.
Rédigé par : michel | vendredi 10 avril 2009 à 19h55
Il faut bien trouver des boucs émissaires pour la colère du peuple et de préférence pas des politiques.
Avant on brûlait des sorcières, on a fait des progrès.
N'oubliez pas les paroles de Georges Frèche : la plupart des gens sont dominés par leur passions et sont ignorants. Donc ils réagissent bêtement.
Rédigé par : jb7756 | samedi 11 avril 2009 à 19h44
@ michel: amen!!
Rédigé par : mica | samedi 11 avril 2009 à 21h27
@ michel
Excellent commentaire, un texte très bien écrit, plein de réflexion et de sagesse. Ça doit être les effets de l'âge… ;) :)
Rédigé par : Mateo | dimanche 12 avril 2009 à 00h26