Ca y est. Il suffit que quelques courbes à 3 mois se redressent, ou même ralentissent leur chute, pour que la chorale des analystes qui n'ont rien vu venir se remette à chanter la reprise qui montrerait déjà le bout du nez. Le CAC à 3150 plusieurs jours de suite après avoir tutoyé les 2500 ? "la reprise" ! Les chiffres du chômage américain sont un peu moins mauvais que le mois précédent ? "la reprise" ! Les stress tests montrent que les banques américaines ne seraient pas aussi mal en point que l'on avait pu le penser ? "la reprise, la reprise, la reprise, vous dis-je", reprennent en choeur tous les médecins au chevet de l'économie malade.
Je voudrais qu'ils aient raison. Mais c'est très improbable.
A court terme, trop de hedge funds, de banques, et autres institutionnels ont besoin de se refaire une santé et devront encore, dès le "bon moment" trouvé, s'il se produit, entammer une nouvelle phase de vente d'actifs pour réaliser quelques plus values : les marchés financiers resteront encore très volatils au moins pendant plusieurs mois. De plus, les Price Earning Ratios actuels de Wall street ne sont en rien bon marché. De nouvelles phases de correction à la baisse sont donc tout à fait envisageables, pour peu que quelques mauvaises nouvelles viennent assombrir le moral des cambistes. Ce qui est statistiquement très probable.
Les chiffres du chômage US d'avril ne sont un peu moins mauvais que ceux de mars que parce que le gouvernement a recruté massivement en vue, notamment, de prochaines opérations de recensement. On peine à voir toute trace de création de valeur en devenir dans ces recrutements, et si l'on ne regarde que l'emploi privé, sa situation ne s'améliore pas.
A moyen terme, les dégats des plans de sauvetage des grandes banques américaines iront bien au delà de leurs bilans comptables: les organismes publics de gestion de l'assurance des comptes bancaires, au premier rang desquels la FDIC, obligés de se refaire une santé financière après les turbulences de ces derniers mois. La FDIC augmente considérablement ses primes, notamment vis à vis des nombreuses petites banques bien gérées, qui n'ont pas pris de risques inconsidérés, et qui, au lieu de pouvoir profiter de l'opportunité pour prendre des parts de marché aux gros établissements sous perfusion publique, ce qui serait sain, se retrouvent étranglées par des primes d'assurance multipliées par 2 à 10...
Or, les petites banques locales, aux USA, jouent un rôle important dans le financement des petites entreprises locales. L'argent pompé par les gouvernements Bush puis Obama, à mettre dans le même sac pour le moment (where's the change, guys ?) pour sauver les baronnies de Wall Street, va cuellement manquer aux petits ateliers de Main Street.
Et, toujours selon Barry Ritholtz, les "stress tests" ne sont pas fiables: ainsi, la FED a retenu comme scénario "adverse" un taux de chômage aux USA de 9,5%. Or, on se rapproche déjà de 9 (environ 8,9% si l'on en croit les derniers chiffres), et tout porte à croire que la barre des 10% sera franchie: que valent vraiment les stress test si les hypothèses retenues sont tièdes au lieu d'être franchement chaudes ?
D'ailleurs, les résultats des Stress Test prêtent franchement à rire. Après avoir dû sortir plus de 1 000 milliards de dollars pour sauver des banques qui avaient dû, en 2008, procéder à plus de 800 milliards d'augmentation de capital pour combler autant de dépréciations d'actifs, l'on voudrait nous faire croire que 74 milliards d'augmentation de capital suffiraient à consolider les grandes banques US ?
Ajoutons que la chute de l'immobilier n'est visiblement pas terminée: les banques US, ainsi que Fannie Mae et Freddie Mac, ont récupéré plus de 600 000 maisons qu'ils n'ont pas encore remises sur le marché, car la chute des cours qui s'ensuivrait alors dégraderait un peu plus leurs bilans. Mais d'ores et déjà, nombre d'institutions sont obligées de recommencer à les mettre en vente, trésorerie oblige, et l'on peut s'attendre à une nouvelle chute des prix dans les mois à venir, ce qui alimentera encore plus les faillites d'emprunteurs ! Précisons encore que les plans de "sauvetage" des emprunteurs irresponsables votés par le congrès semblent avoir précipité nombre d'entre eux... dans l'irresponsabilité : pourquoi s'ennuyer à faire face à ses mensualités quand une légère dégradation de votre situation personnelle vous permet de bénéficier d'un refinancement imposé aux banques par l'état ?
A peine à plus long terme, les appels gigantesques à l'épargne publique rendus nécessaires par les plans de dilapidation, pardon, de relance, lancés par tous les grands états du G20, vont au mieux assécher l'épargne disponible pour s'investir dans l'économie privée, au pire nous diriger vers des faillites d'états, dont ceux ci chercheront à se sortir en forçant leurs banques centrales à faire tourner leurs ordinateurs à monnaie électronique (la "planche à billets", c'est démodé). Tiens, hier, la FED vient encore de racheter pour 3,5 Milliards de $ de bons du trésor US à 30 ans. La routine, quoi...
A long terme, on ne voit venir nulle part une réforme de fond quant à la transition d'une économie fondée sur l'accumulation de dettes, vers une économie du capital, à la croissance plus régulière, moins chaotique.
On ne voit venir aucun changement structurel de politique du crédit aux USA: Fannie Mae et Freddie Mac ont été sauvés par l'état, les lois incitant les banques à sur-prêter sont toujours en place, et au moindre semblant de reprise, les mêmes excès sont à même de se reproduire, même si l'échelle risque d'en être plus petite.
Par contre, on commence à entrevoir le retour de l'inflation. Selon l'Asia Times (l'extrait est court mais tout l'article vaut la peine),
Si le gouvernement n'y avait pas mis ses sales pattes, nous vivrions une période courte mais saine de déflation correspondant à la purge des crédits émis sans création de valeur par un système financier totalement déréglé par l'état (lien, lien, lien). Mais les plans Paulson, Geithner, Bernanke, pour ne parler que des USA, vont au contraire vraisemblablement précipiter la première économie mondiale dans une période de stagflation, voire pire. Faudra-t-il inventer un mot pour "récession inflationniste" ?
Mon pronostic: je ne vois donc aucune raison d'espérer un rebond prochain et durable de l'économie. Comme je l'avais écrit il y a peu, si les états avaient réagi a minima en laissant l'économie réelle reformer du capital, l'on aurait pu espérer une reprise assez rapide. Ayant choisi les voies de la prolongation du désordre et de l'effet d'éviction généralisé, les états nous annoncent une crise longue et douloureuse, où de courtes périodes de semblant de rebond alterneront avec des répliques du tremblement de terre financier de septembre 2008, dans un contexte de dégradation générale de l'emploi.
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A noter, toutefois, que "les prévisions des économistes sont toujours fausses", selon cette analyse très pertinente de Per Bylund, un libertarien suédois. Il y a donc de l'espoir !
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Ben vous n'êtes pas optimiste, vous...
Rédigé par : L'hérétique | jeudi 14 mai 2009 à 09h02
Ces histoires de "stress tests" simulés par ordinateur (ce qu’on nous dit à la TV) ça me laisse circonspect. J’ai l’impression que ces programmes sont aussi peu fiables et objectifs que ceux du réchauffement climatique.
C’est du bourrage de cranes : « ayez confiance, ayez confiance… ». La preuve est que les chinois sont toujours inquiets pour leur avoir en dollars…
Enfin c’est vrai que la confiance c’est important mais je vois mal comment les américains, anglais, espagnols, pourraient se remettre à consommer vu leur niveau d’endettement. Il faut déjà purger les dettes.
Rédigé par : jb7756 | jeudi 14 mai 2009 à 11h55
Si le leader maximo adoré des ultra-libéraux le dit, c'est que ça doit être vrai...
Rédigé par : johanono | jeudi 14 mai 2009 à 13h12
Looool! Les libéraux fan de Sarko! On en apprend tous les jours!
Sarko est un anti-libéral. C'est un étatiste, un dirigiste, un protectionniste, un constructiviste, un interventionniste. L'exact contraire d'un libéral, donc.
À ce propos, un Sarkozyste est venu troller sur ce blog et sur celui d'Aurélien Véron récemment. Regarde par toi-même comment il a été reçu!
Sabine Hérold, présidente d'Alterntive Libérale, vient de publier un livre sur Sarko et Besancenot. Tu verras ce qu'elle pense de Sarko.
Enfin bref, fais le tour des blogs libéraux, en commençant par celui-là, et tu verras ce que les libéraux pensent de Sarko…
Rédigé par : Mateo | jeudi 14 mai 2009 à 15h08
Laisse, Mateo.
Il existe des gens qui accordent beaucoup trop d'importance à la "direction politique" et l'arbitraire sémantique de cette direction.
C'est vrai que c'est confortable, les raccourcis intellectuels.
Rédigé par : Mr_Zlu | jeudi 14 mai 2009 à 21h03
Sur les stress-tests :
La mise en perspective de Loic Abadie :
http://tropicalbear.over-blog.com/article-31365699.html
et l'analyse de Karl Denninger :
http://market-ticker.org/archives/1025-The-Scam-Of-The-Stress-Test.html
Rédigé par : ST | vendredi 15 mai 2009 à 12h28
En fait la dette ne veut rien dire en soit puisque nous avons un capital aussi, difficile à évaluer.
Mais le déficit lui, il fait peur. Mitterand a eu l'intelligence de revenir sur son programme de 81 avant la catastrophe, mais je doute que Sarko revienne sur son paquet fiscal et autres baisse d'impôts.
Rédigé par : beld | vendredi 15 mai 2009 à 14h59
@beld :
> En fait la dette ne veut rien dire en soit puisque nous avons un capital aussi
Si ca veut dire quelque chose en soit. Ca veut dire qu'on doit rembourser aujourd'hui des choses consommées hier, et rembourser demain des choses consommées aujourd'hui. Le fait qu'on ait des actifs dans la balance ne change rien a cet état de fait. Le fait qu'on ait des actifs dans la balance est une certaine garantie pour les créanciers de notre dette. Sans compter que les actifs en question sont rarement mobilisables : vous voulez vendre l'immobilier francais pour rembourser la dette ?
> Mitterand a eu l'intelligence de revenir sur son programme de 81 avant la catastrophe
Disons plutôt qu'il a été contraint et forcé de le faire sous peine de sombrer sous la coupe du FMI et de voire partir l'économie dans les abysses.
Mais vous avez raison sur un point : nous ne sommes plus en 1981, nous n'avons plus vraiment le luxe de pouvoir nous payer une expérimentation de dépenses à tout va. A l'époque la dette représentait 20% du PIB. Elle atteindra 80% l'année prochaine. L'Etat Fédéral américain peut se permettre encore ce genre de débilités (et ne s'en prive pas), histoire de nous rejoindre bien vite dans le club des nations acculées sans aucune marge de manoeuvre financière.
Nous, la seule marge de manoeuvre que nous aillons encore, c'est de jouer à la comptabilité créative histoire de nous auto convaincre que tout va bien :
http://ladettedelafrance.blogspot.com/2009/05/cachez-cette-sfef-que-je-ne-saurais.html
C'est d'une mesquinerie et d'une stupidité sans nom, comme si le fait de trafiquer les chiffres permettait de changer quoi que ce soit a la réalité de la situation.
> mais je doute que Sarko revienne sur son paquet fiscal et autres baisse d'impôts.
Si vous cherchez la solution aux problèmes du déficit dans la hausse des impots (ou l'annulation de leur baisse, ce qui est rigoureusement la meme chose), vous n'êtes pas pret de renflouer les caisses de la France. Je vous rappelle que la dépense publique en France en % du PIB a plus que doublée sur les 50 dernieres années, et que par conséquent les prélèvements ont augmentées d'autant.
http://liberte.typepad.com/.shared/image.html?/photos/uncategorized/2008/11/03/historicgdpfigures.jpg
Ca n'a apparemment pas empêché le creusement des déficits et l'accumulation de la dette. Il est absolument impossible d'espérer réduire d'un iota la dette de la France par une politique de pression fiscale supplémentaire étant donné le niveau de pression actuel. Autant pisser contre le vent un jour de mistral.
Rédigé par : ST | vendredi 15 mai 2009 à 17h18
Bonjour tout le monde,
très intéressant là aussi.
Concernant la dette, il faut savoir que c'est aujourd'hui elle qui "crée" la monnaie. Et qu'effectivement il est temps de revenir à la base, à la réalité, au capital et à la situation globale de la planète.
On ne peut plus la pomper comme nous le faisons aujourd'hui, que l'on veuille ou non le voir. La "crise financière" n'a fait que rendre visible ce que l'on sait sans vouloir le voir depuis des années.
De toute façon il va falloir inventer autre chose, vivre autrement.
Et notamment s'écouter pour de bon.
A priori nous ne sommes pas prêts. C'est tout.
Tant pis si ça dégénère plus violemment, mais plus tard...
Cordialement
Amada
Rédigé par : Amada | vendredi 15 mai 2009 à 18h34
Sabine Hérold, çà c'est de la meuf lol...
oui je sais commentaire totalement sans intérêret...
Rédigé par : mica | samedi 16 mai 2009 à 12h32
@ mica : oui, on frôle le hors sujet, là. Je vous ai connu plus inspiré !
Rédigé par : vincent | samedi 16 mai 2009 à 13h21
Oui tout le monde parle de la hausse des impôts...
Mais même si l'on est pour (je suis contre..), vu les niveaux d'imposition actuel, ce n'est pas même pas sur que les ressources de l'Etat augmente avec de nouveaux impôts.. Simplement l'activité économique (du moins celle qui n'est pas au noir) va simplement décliner.
Y va bien falloir se faire une raison : diminuer les dépenses de l'Etat.
Rédigé par : Le libéralisme pour les débutants | dimanche 17 mai 2009 à 17h49