Malgré l'imminence d'un scrutin européen majeur (le parlement est la
seule institution démocratique, et l'on ne l'élit qu'une fois toutes
les 6 années), le moins que l'on puisse dire est que le vote du 7 juin
ne passionne guère les foules. Je suis étonné par le nombre de
personnes que je rencontre qui disent ne pas avoir entendu parler de
l'élection, où en ignorer la date. Enfin, étonné... Le peu de substance du débat autour de ces élections n'y est sans doute pas étranger. Pourtant, l'Europe est un sujet majeur sur lequel il y aurait beaucoup à débattre... Si notre classe politique avait la moindre volonté d'élever le débat. Voyons quelles questions auraient pu faire l'objet d'échanges fructueux.
Pas Euro-sceptiques, juste euro-exigeants
Ceux qui me suivent depuis longtemps savent que j'ai voté contre le traité constitutionnel en 2005, et que j'en aurai fait de même contre le traité de Lisbonne, si nos élites apeurées par les possibles conséquences d'une rebuffade du bon peuple ne nous avaient pas soustrait à la tentation de renouveler notre censure à cette proposition liberticide.
Ce double rejet suffit à me cataloguer parmi les euro-sceptiques, ce qui équivaut pratiquement à une accusation d'extrémisme dans la bouche des plus fervents euro-technocrates, comme le détestable président du groupe euro-socialiste Martin Schulz, que j'ai eu l'occasion de dénoncer ici.
Pour ces gens, ou bien vous êtes favorables à l'Europe auto-confectionnée sur mesure par les élites politiques pour leur propres intérêts, ou bien vous êtes anti-européen.
Pourtant, il existe bien d'autres façons de concevoir l'Europe. L'on peut être pro-européen et ne pas être constructiviste, dirigiste, et socialiste! On peut aimer l'idée européenne sans accepter n'importe quoi en provenance de nos "élites" dirigistes. Mais revenons rapidement sur ce qui coince avec l'Europe de Lisbonne.
L'Europe de Lisbonne : sur la route de l'asservissement bureaucratique
L'Europe de Lisbonne, fille de celle de Valéry Giscard d'Estaing, dont l'empathie vis à vis des simples mortels n'était pas la qualité première, ne reconnaît qu'une dimension verticale dans la répartition des compétences politiques au sein de l'union: européenne, nationale, locale. Elle ignore totalement le fait qu'un certain nombre de compétences essentielles puissent être laissées à l'appréciation soit des individus, soit des entités privées que ceux ci forment pour résoudre leurs problèmes, associations, entreprises... Bref, ce que l'on appelle la société civile. L'Europe de Lisbonne voudrait pouvoir se mêler de tout, là où l'européen libéral voudrait qu'elle ne se mêlat que de ce que la société civile ne peut prendre en charge elle même, quelles qu'en soient les raisons.
D'autre part, l'Europe envisage de façon très curieuse le principe de subsidiarité cher aux libéraux. Outre cette ignorance de la société civile qu'elle manifeste, elle prétend que les états ne conservent leur compétence législatives que dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne. D'où cette propension de l'Union à vouloir réglementer tout et n'importe quoi. Pour l'anecdote, l'union a légiféré, entre milliers d'exemples, sur la taille du paquet de spaghetti ou la composition du lait vendu en grande surface, pour être certain que le consommateur trouve partout le même lait. Comme si le consommateur grec et suédois avaient les mêmes demandes ! Au lieu de nous enrichir de nos différences, l'union voudrait uniformiser au motif de normaliser.
Certes, rendons grâce (ce sera la seule fois) à la commission Barroso d'avoir tenté de limiter cet absurdisme (le saviez vous ? La taille du paquet de spaghettis a été déréglementée. On respire !), et d'avoir commencé un timide nettoyage des idioties les plus manifestes. Mais malgré tout, les textes européens les plus courtelinesques continuent de paraître à un rythme régulier.
L'Europe de Lisbonne, en outre, voudrait nous imposer une charte des droits contraignants de type « sociaux », c'est à dire garantis par les pouvoirs publics par le biais d'une imposition des contribuables, alors que cette approche a depuis longtemps prouvé qu'elle ne permettait pas d'assurer les droits en question (ex: le « droit au logement » français est une vaste farce...) et qu'elle donnait de bien moins bons résultats qu'un marché libre d'entraves pour garantir ces droits.
Tout cet arsenal institutionnel donne à l'Europe les moyens de se comporter comme une couche bureaucratique supplémentaire qui s'arrogera le droit de se mêler de tous les aspects de la vie des citoyens, au mépris croissant de ses libertés individuelles. Non merci ! Nous avons déjà assez à faire avec nos politiciens locaux et étatiques qui croient que leur mission, une fois élus, est de nous pourrir l'existence.
Et justement, l'un des objectifs majeurs de l'Europe libérale devrait être de « protéger », puisque le terme est à la mode, les individus de ces débordements paternalistes étouffants de nos potentats locaux. La cour européenne fait déjà du bon travail dans ce domaine, mais un vrai projet européen libéral devrait lui donner les moyens d'aller plus loin.
Les apports positifs de l'Europe
Cette entrée en matière pourrait tendre à faire croire que nous autres libéraux oublirions tous les apports positifs de l'Europe depuis la création du premier marché commun à 6 dans les années 50, et plus encore depuis le traité de Maastricht en 1992.
Naturellement, ces apports sont indéniables. Tout d'abord, la multiplication des échanges commerciaux et personnels rendus possibles par l'Europe rend nettement moins probable l'occurrence de guerres entre pays européens. Quand on connait le prix payé par le vieux continent aux guerres qui l'ont secoué, l'on se dit que ce point majeur est tout, sauf anecdotique, quand bien même l'on pourra discuter de l'impact d'autres facteurs dans cette pacification spectaculaire.
De surcroît, l'extension de l'union commerciale a permis de faire jouer les avantages de la division du travail, ce qui permet à chaque pays de l'Union de profiter, au moins en ce qui concerne l'agriculture et l'industrie, de ce que les autres produisent de meilleur. Cette évolution reste à compléter dans le domaine des services.
Les traités européens, et leur application sans faille par la cour de justice de l'UE, ont permis de faire sauter bien des monopoles publics nuisibles à la prospérité du plus grand nombre. Là encore, l'évolution vers une Europe sans monopoles limitant arbitrairement la liberté de choix des individus qui y vivent n'est pas totalement achevée. Par exemple, il n'est toujours pas possible pour nombre de citoyens français de prendre une assurance maladie au premier Euro dans un autre pays de l'Union.
Mais malgré tout, le chemin parcouru vers la création d'un grand espace économique européen unifié est énorme depuis l'après guerre, pour le plus grand bénéfice de tous les européens.
La tendance peut se retourner
La seule question qui peut vraiment nous tarauder est celle de la réversibilité de cette évolution. Or, en observant les évolutions de l'Europe au cours de son histoire récente, il me semble qu'il y a là un danger réel de régression.
En effet, l'Europe, depuis les années 80, semble avoir été en prise avec deux forces antagonistes dont on ne saurait garantir que la résultante reste d'inspiration plutôt libérale ad vitam aeternam.
En effet, si d'un côté, les différentes lois et directives votées au niveau de l'union ont effectivement permis de grands progrès dans l'élaboration d'un marché unique, d'un autre point de vue, les pouvoirs dont la bureaucratie de la commission se sont saisis semble toujours plus nombreux, et la constitution de Lisbonne consacrerait la fin de toute limite dans cette augmentation du pouvoir central européen sur les états et les individus qui y vivent. Jusqu'ici, un « consensus technocratique plutôt libéral » a permis que les décisions les plus importantes prises par l'union renforcent le caractère libéral du vieux continent. Mais hélas, cette évolution semble plus tenir de la chance que d'une véritable solidité des racines libérales de l'Union. Et tout laisse croire que la crise actuelle pourrait engendrer un retour de balancier négatif, vers l'on ne sait quel mauvais compromis social-démocrate, et certainement plus « social », c'est à dire, au sens Hayekien du terme, fondant autoritairement l'individu dans un moule constructiviste, que démocrate.
L'évolution plutôt libérale de l'Europe ces quarante dernières années, tient, à mon avis, en partie à la chance. Au niveau européen, l'humeur, la tendance, étaient libérales, et ainsi l'Europe a-t-elle pu avancer dans la bonne direction. Hélas, la crise actuelle, malgré ses racines étatiques indubitables (cf. dossier « crise » de ce blog), pourrait renverser cette tendance, et rien, dans les traités en vigueur ou dans celui de Lisbonne, hormis la bonne volonté de la cour de justice de l'union, ne pourrait empêcher, à mon avis, une évolution contraire de l'UE dans les décennies à venir.
Notre europe : l'Europe des libertés individuelles ! et la votre ?
Voilà pourquoi les Libéraux Européens, loin d'être les eurosceptiques que dénoncent les euro-sociolâtres, sont vigoureusement pro-européens, mais pour une europe qui consacre d'abord et avant tout les libertés fondamentales des individus et l'abolition des dernières barrières intérieures, et non les possibilités pour Bruxelles ou pour les états membres de définir à la place des individus et de la société civile ce que doivent être nos choix.
Un projet européen allant dans cette direction est nécessaire. Cela passe sans aucun doute par une révision des institutions européennes, mais certainement pas telle que MM. Delors, Giscard et leurs clones interventionnistes des autres pays l'ont envisagée.
Rendez vous dans une seconde partie pour esquisser les grandes lignes d'un tel projet.
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Rappel : En attendant, je rappelle aux chanceux de 5 euro-régions sur 8 qu'ils peuvent promouvoir une autre Europe en soutenant les listes présentées par Alternative Libérale le
7 juin. Aujourd'hui, seul le vote libéral clairement assumé est un vote
utile pour les libéraux. Nous avons été suffisamment déçus, pour ne pas
dire trahis, par l'UMP et autres partis de l'establishment, pour leur
donner à nouveau notre voix.
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Tout à fait d'accord avec la crainte que l'édifice Européen, après avoir été un puissant levier vers plus de liberté (notamment au niveau économique), puisse au détour d'une crise et via de nouvelles règles politiques, prendre le virage du tout étatisme à la puissance continentale.
Je suis aussi bien d'accord sur le fait que le libéralisme qu'a porté l'Europe jusqu'à récemment n'était pas l'aboutissement d'un plan pour plus de liberté, porté par une vrais élan libéral, mais un concours de circonstance particulier.
Voilà ce que j'écrivais a ce propos en 2005, quand, à l'image de Vincent, je prônais un vote contre la constitution européenne, qui pouvais paraître à l'encontre de mes engagements passés :
"Depuis des décennies, l’Europe s’est construite sur la base de traités, c’est à dire de la négotiation d’accords, d’Etat à Etat. Ces traités ont effectivement été emprunts de libéralisme, et c’est naturel, car il n’est pas nécessaire de signer un traité avec ses voisins pour fermer ses frontières, augmenter le salaire minimum ou protéger les chomeurs. En revanche, il est indispensable de s’accorder avec ses voisins pour ouvrir ses frontières, lever les droits de douanes, construire une monnaie unique. C’est principalement pour cela, “naturellement” pourrait-on dire, que l’Europe s’est construite sur des politiques d’inspiration libérale, scellées dans des traités. Et avec l’énorme succès que je lui reconnais."
Le passage à une Europe moteur de politiques nouvelles et non plus issue d'accords entre pays, porte le risque de voir les politiques étatistes menées au sein des différents pays membres, s'organiser au niveau européen, et s'imposer aux éventuels pays membres plus libéraux.
Sur le fond, je dirais que pour un libéral, la question européenne en soi est un faux problème et un enjeu secondaire : si l'Europe peut être un moyen de garantir l'état de droit, les libertés publiques et économiques, de peser en faveur de la liberté et de la propriété, je suis le plus européen des français. Si elle doit rajouter une surcouche étatiste sur un pays déjà étouffé par le poids de l'Etat et des réglements, je suis le plus anti-européen des Francais. L'Europe ne m'intéresse que par la finalité des politiques qu'elle pourra mettre en oeuvre. Le reste, la beauté intrinsèque de l'édifice européen qui dépasse les Etats nations belliqueux d'antant, ou pour d'autre au contraire, l'horreur de la fusion de l'idée nationale dans un creuset cosmopolite, ne me touche guère.
Et pour finir, je vois mal quel raisonnement tordu pourrait amener un libéral à ne pas porter sa voix à Alternative Libérale en Juin (sauf à s'abstenir, position que je respecte profondément, étant farouchement opposé à l'idée du "devoir" de voter). Encore une fois, on peut ne pas être d'accord avec toutes les positions d'AL, ni d'accord avec tous leurs choix stratégiques, mais force est de reconnaître qu'aucun vote pour une parti traditionnel ne pourra jamais dans l'état actuel des choses porter le moindre écho libéral. Et pour faire suite à une discussion sur un post précédent sur les différences entre AL et le Parti Libéral Démocrate né d'une scission l'an dernier pour des raisons bien étrangères au débat des idées, Aurélien Véron, Président du PLD, est intervenu à la tribune du meeting des européennes d'AL, pour apporter son soutien à cette entreprise libérale. Enfin, pour information également, le troisième groupe constitué au parlement européen, derrière les socialistes et les conservateurs, est le groupe Libéral Démocrate. Il comprend des membres de 18 pays européens, mais la France n'y est pas représenté, ce qui en dit long sur le libéralisme en France (sachant que ce sont des libéraux soft). Si d'aventure AL envoyait un député au parlement, il siégerait au sein de ce groupe et nous ferait entrer dans le concert des nations européennes ayant au moins un élu d'aspiration libérale pour porter sa voix.
Pour la route, la video du débat de Sabine Hérold face à un député PS et Marine Le Pen :
http://www.alternative-liberale.fr/index.php/index.php/television/direct-8-|-sabine-herold-face-a-marine-le-pen.html
Une prestation difficile comme on aimerait en voir plus souvent.
Rédigé par : ST | lundi 25 mai 2009 à 10h29
"Et pour finir, je vois mal quel raisonnement tordu pourrait amener un libéral à ne pas porter sa voix à Alternative Libérale en Juin"
J'ai pas trop envie de voter pour AL lors de ces élections, AL est beaucoup trop naïve sur l'Europe. Croire que les bureaucrates européens peuvent du jour au lendemain se transformer en libéraux convaincu, c'est faire le saut de l'ange dans la gueule du loup. J'aurais préféré une position eurosceptique à la Thatcher. Le 7 juin j'espère qu'il fera beau parce que je compte bien aller me promener loin des bureaux de vote.
Rédigé par : Petit Tonnerre | lundi 25 mai 2009 à 14h26
@ ST
"Enfin, pour information également, le troisième groupe constitué au parlement européen, derrière les socialistes et les conservateurs, est le groupe Libéral Démocrate. Il comprend des membres de 18 pays européens, mais la France n'y est pas représenté, ce qui en dit long sur le libéralisme en France (sachant que ce sont des libéraux soft)."
C'est inexact. Comme vous pouvez le constater ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_des_d%C3%A9mocrates_et_des_lib%C3%A9raux_pour_l%27Europe, deux formations politiques francaises font partie de ce groupe au Parlement Europeen : Le Mouvement Democrate et Avenir Democrate. Je ne vois pas en quoi ces deux formations sont lberales, mais c'est comme ca...
Rédigé par : G7H+ | mardi 26 mai 2009 à 11h50
0.15 % me parait être plus à leur portée, à cette petite bande de bourges bobos centro-gaucho.
Rédigé par : Liberal & Sarkozyste | mercredi 27 mai 2009 à 21h43
"le moins que l'on puisse dire est que le vote du 7 juin ne passionne guère les foules."
Je crois que c'est également le cas des dirigeants des grands états-majors, qui pensent déjà à 2012 et qui confondent la votation du 7 juin avec la présidentielle de dans trois ans.
Rédigé par : Théo2Toulouse | vendredi 29 mai 2009 à 21h38