Mais c'est sans compter les "consommations intermédiaires" nécessaires au processus de transformation des énergies primaires en énergie sous forme exploitable. Deux de ces consommations intermédiaires méritent que l'on s'y attarde: le sol et l'eau.
Consommation de sol
Une recherche de l'organisation environnementaliste "Nature Conservancy", troisième ONG américaine, au budget annuel de... 1,2 milliards de dollars, en relation avec le département de génie biochimique de l'université de Northwestern Illinois, montre que les énergies renouvelables, à l'exception du solaire thermique et photovoltaïque lorsqu'il est installé sur des terrains déjà artificialisés comme le toit des maisons, se révèlent particulièrement gourmandes en sol, et que la mise en oeuvre des préconisations de la loi américaine "sécurité énergétique" de 2007 et du Waxman Markey bill, s'il était voté, requerrait de neutraliser un territoire d'au moins 200 000 Km carrés, soit plus d'un tiers de la France, surfaces qui seraient prises aux espèces qui actuellement y vivent. Notamment, les écosystèmes désertiques pourraient en souffrir.
Le tableau ci dessous représente la consommation d'espace calculée en 2030 par million de MWh produits alors, selon un scénario médian de montée en puissance des différentes productions, en fonction des lois en vigueur aujourd'hui si elles ne changent pas, et en faisant des hypothèses conservatrices sur l'évolution technologique. Il montre que la consommation d'espace nécessaire pour produire 1 million de mégawatts heures (la consommation d'une petite ville américaine) est à peu près 370 fois plus importante pour le bio-diesel que pour le nucléaire, par exemple.
L'on savait déjà qu'utiliser la terre agricole pour produire des biocarburants pouvait entrainer de graves pénuries alimentaires qui touchaient les pays pauvres. Mais si le sort des pauvres intéresse finalement fort peu une certaine frange des environnementalistes - Ce ne sont que des humains, voyez vous ?- il est tout à fait étonnant que des gens qui prétendent agir au nom de l'environnement, de la bio-diversité, de la nature, ignorent ces faits pourtant facilement imaginables. Car s'il est une ressource non renouvelable, c'est bien le sol.
"Renewable energy is not a free lunch"
Loin de moi l'idée d'affirmer sans étude plus approfondie - que je n'ai pas le temps d'entreprendre - que la consommation de cette espace pour produire des énergies non épuisables serait moins désirable (ou moins valorisée) que la préservation des écosystèmes et paysages incriminés, mais ceux qui ne jurent que par les énergies renouvelables sans entrer dans ces considérations, et y déversent des milliards d'argent public sans réfléchir le moins du monde au bilan réel de ces décisions, rendent peut être un bien mauvais service à cette nature qu'ils affirment chérir.
Le sénateur Lamar Alexander (mais c'est un républicain, ce qui fera dire à toute bonne conscience écologique passant par ici que c'est forcément un vendu dégénéré vendu aux forces du lobby pétrolier), dans le Wall Street Journal (j'aggrave mon cas), évoque cette étude en affirmant que l'on va détruire des paysages et des biotopes de grande valeur au nom du sauvetage de l'environnement. Il met notamment l'emphase sur un projet d'immense centrale solaire dans le désert:
The 1,000 square-mile (nd Ob'lib': environ 4000 km2, un carré de 64km de côté !!) solar project proposed (in the desert) by Mr. Salazar would generate, on a continuous basis, 35,000 megawatts of electricity. You could get the same output from 30 new nuclear reactors that would fit comfortably onto existing nuclear sites. And this doesn't count the thousands of miles of transmission lines that will be needed to carry the newly generated solar power to population centers.
There's one more consideration. Solar collectors must be washed down once a month or they collect too much dirt to be effective. They also need to be cooled by water. Where amid the desert and scrub land will we find all that water? No wonder the Wildlife Conservancy and other environmentalists are already opposing solar projects on Western lands. Renewable energy is not a free lunch.
Cette dernière remarque me permet une transition vers un autre problème lié à certaines énergies renouvelables: leur consommation en eau.
Sauvez l'eau, brulez du pétrole !
Le tableau ci dessous, paru dans Science Magazine (lien payant - cité par "The Oil Drum"), montre les quantités d'eau (en litres) aujourd'hui nécessaires pour produire 1 MW/heure.
Cette fois ci, le nucléaire n'est pas à la fête (j'ignore si la filière du nucléaire avec refroidissement en circuit fermé, citée par le tableau, existe autrement que sur plans), mais une fois encore les bio-carburants se révèlent absolument désastreux, alors que les énergies fossiles, même lorsqu'il faut réinjecter de l'eau dans les vieux puits de pétrole, restent compétitives. Certains me rétorqueront que l'eau ainsi consommée n'est pas détruite. Toutefois, les modifications du cycle de l'eau induites tendront à retirer aux rivières et aux nappes d'importantes quantités d'eau douce, qui ne seront pas forcément remises à la nature sous une forme immédiatement consommable.
A noter: Les chiffres ci dessus, bien que publiés dans une revue scientifique à comité de relecture, font débat, et que le refroidissement des méga-centrales solaires rêvées, pardon, projetées par certains environnementalistes, n'y est pas inclus. Les chiffres cités proviennent des pages 39 et 44 d'un document (PDF) intitulé "Energy Demands on Water Ressources", d'une agence gouvernementale américaine opérée par un consortium privé sous la houlette de Lockheed Martin Marietta - encore une bizarrerie juridique à la Fannie Mae comme les USA en produisent parfois... - qui travaillent, entre autres, sur des projets de fusion nucléaire contrôlée.
Le nucléaire peut résoudre cette contradiction en utilisant, en bord de mer, de l'eau salée pour son refroidissement et rejeter de l'eau douce, récupérable. Cette technique intéresse d'ailleurs fortement les pays désertiques pour assurer l'approvisionnement en eau potable. Mais sauf révolution génétique (à la quelle les environnementalistes s'opposent, de toute façon), les plantes à biocarburants pousseront toujours à l'eau douce.
Là encore, les coûts environnementaux induits par cette consommation d'eau élevée ne sont pas pris en compte par ceux qui voudraient promouvoir des filières vertes non rentables à coups de subventions. A ce titre comme à bien d'autres, le maintien des subventions européennes aux biocarburants actuels jusqu'en 2014 (au moins) est un véritable non-sens environnemental. Certes, les progrès technologiques futurs permettront sûrement de réduire le stress hydrique induit par les biocarburants, et peut être même le nucléaire. Mais en attendant, aujourd'hui, il est impossible de faire comme si cette question n'existait pas.
Tous ces chiffres tendent à ajouter aux arguments de ceux (Ex: Vincent Courtillot) qui pensent que la priorité n'est pas d'améliorer "l'empreinte carbonique" de nos énergies mais d'en améliorer drastiquement le bilan hydrique, pour s'assurer de la disponibilité d'eau potable pour l'ensemble de la population, pour satisfaire l'ensemble de ses besoins.
Conclusion
Les modèles économiques et écologiques utilisés par certains environnementalistes pour promouvoir certaines formes d'énergie au détriment d'autres ignorent des réalités qui les obligeraient à reconsidérer leurs préceptes et imprécations. Accordons leur le bénéfice du doute jusqu'ici, en admettant qu'ils n'en aient pas eu conscience. Mais verra-t-on demain, maintenant que ces problématiques commencent à être rendues publiques, d'autres écologistes célèbres et plus médiatiques chez nous que la "Nature Conservancy" soulever ces questions et ne pas les balayer d'un simple revers de la main ? Les mois qui viennent seront intéressants à suivre pour ceux qui s'interrogent sur l'honnêteté de la démarche des grandes figures médiatiques de l'écologie...
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L'étude de conservancy sur les "sols" a été trouvée grâce à Papy Jako, en fournit un résumé en Français sur lepost.fr.
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Rappelons que dans notre beau pays on va avoir une taxe, sur l’essence et le gasoil, pour financer les biocarburants. Cette gentille taxe est surtout destinée au puissant lobby des betteraviers (des énormes fermes en Ile de France) dont l’abaissement des barrières sur le sucre de canne doit être compensé. Faut bien payer le Porsche Cayenne et le chalet à Chamonix !
Sans ces barrières et taxes la culture de la betterave en France serait condamnée car la culture de canne à sucre est bien plus efficace.
Pour la consommation d’eau, une centrale nucléaire ne fait que réchauffer l’eau d’une rivière ou de la mer (parfois elle fonctionne aussi évaporation). Un champ cultivé et irrigué absorbe l’eau qui se retrouve agrémenté d’engrais et de pesticide.
Non vraiment, les agrocarburants, c’est de la merde !
Rédigé par : jb7756 | dimanche 08 novembre 2009 à 19h29
Les idées de Henri Lepage (lien sur la droite) sur la crise sont lumineuses. Les travailleurs bons marchés de Chine ainsi que une mauvaise prise en compte des gains de productivités ont masqués l’inflation qui s’est reportée sur les biens immobiliers, la bourse, les matières premières, l’automobile (surcapacités ici)... C’est assez lumineux et explique les bulles de plus en plus nombreuses des 20 dernières années.
Il faudrait que la Chine réévalue sa monnaie, elle abrite déjà de belles bulles qui n’attendent plus qu’a exploser. Les dirigeants chinois en sont paraît il conscient mais doivent avoir de grosses angoisses.
La politique de taux 0 de la FED paraît aussi mal venue, enfin il faudrait pas que ça dure trop longtemps.
Un beau merdier…
Rédigé par : jb7756 | dimanche 08 novembre 2009 à 19h55
En parlant de ressources, voici une nouvelle qui montre que les prévisions à long terme sont toujours remis en cause, et ceci malgré les imprécations des prophètes de malheur :
"Gaz: le scénario qui change tout
Pierre Veya
Les gaz non conventionnels modifient la donne énergétique mondiale
Le rapport de l’Agence internationale de l’énergie sur les perspectives 2009 (LT 11.11.09) a, sans surprise, insisté sur les enjeux de la conférence climatique de Copenhague. Mais l’essentiel de son rapport contenait une autre information, autrement plus surprenante. Les réserves mondiales de gaz sont sans doute beaucoup plus importantes que prévues. Jusqu’ici, il était communément admis que la planète pourrait satisfaire ses besoins en gaz pour les 60 prochaines années, en puisant dans les stocks de trois pays (Russie, Iran, Qatar) qui se partagent une bonne moitié des réserves. Or, en réalité, les réserves pourraient couvrir deux siècles de consommation si l’on cumule les gaz non conventionnels, en particulier les gaz contenus dans les schistes (shale gaz en anglais) et les zones de transition (gaz de charbon, réservoirs très profonds).
Les schistes a porosité très faible piègent de grandes quantités de gaz provenant de la décomposition de bactéries et de matières organiques. Ils suscitent aujourd’hui une frénésie d’investissements. Car les gaz de schiste sont de plus en plus exploitables grâce à des techniques de fracturation des roches par l’envoi d’eau et de sable pour libérer les hydrocarbures. C’est aux Etats-Unis à partir du début des années 90 qu’un «rush» sur ces gisements a démarré avec la mise en service d’une cinquantaine de puits. On en dénombre aujourd’hui des milliers et les experts prévoient qu’à l’horizon 2030, 60% de la production américaine (la deuxième plus grosse production mondiale après la Russie) pourrait provenir de forages profonds et horizontaux, couvrant de larges territoires. Un saut quantitatif énorme si l’on sait que les gaz non conventionnels représentent aujourd’hui à peine quelques pour-cent de la production mondiale. Et surtout, les experts jugent que des réserves dune ampleur équivalente peuvent être trouvées en Europe ou en Asie. «C’est une percée majeure qui changera la géopolitique mondiale du gaz», confiait récemment au New York Times Amy Myers Jaffe, un expert en énergie de la Rice University.
Pour la première fois, l’Agence internationale de l’énergie consacre une partie substantielle de son analyse aux gaz non conventionnels dont la montée en puissance a d’ores et déjà un effet sur les prix. Et elle en tire une conclusion limpide: «La menace de surproduction de gaz qui se dessine pourrait avoir des effets considérables sur les structures des marchés gaziers et la formation du prix du gaz en Europe et dans la région Asie-Pacifique. La réduction importante des besoins d’importation des Etats-Unis (en raison de perspectives plus favorables pour la production intérieure et d’une demande intérieure plus faible) pourrait conduire à moins d’interactions entre les grands marchés régionaux», écrit l’agence chargée de défendre les intérêts des pays consommateurs. Le découplage du prix du gaz avec celui de pétrole se dessine à l’horizon. Et surtout, le rapport de force dans la fixation des prix entre les pays fournisseurs de gaz et pays importateurs pourrait se rééquilibrer au profit des seconds.
On devine les conséquences concrètes. L’Europe, qui redoute de devenir de plus en plus dépendante vis-à-vis de la Russie, trouverait des ressources non exploitées pour desserrer l’étau qui se referme sur elle. Les grands gazoducs, qui visent à connecter l’Europe aux nouveaux champs de Sibérie et de la mer Caspienne, et sans doute un jour l’Iran et l’Irak, sont au cœur d’une guerre géopolitique où menaces et coups de poker diplomatiques empoisonnent nos rapports avec la Russie. Or, en un coup de dé, tout pourrait changer. Cette perspective expliquerait en partie les difficultés de financement rencontrées par les promoteurs des nouvelles routes de gaz et contribue sans aucun doute à fragiliser les grands projets de gaz liquéfiés qui doivent permettre aux Etats-Unis et à l’Europe de diversifier leurs sources d’approvisionnement.
Les stratèges des grandes compagnies pétrolières et gazières ont compris les enjeux; toutes à des degrés divers multiplient les alliances, les rachats d’entreprises pour exploiter et prospecter de nouveaux gisements de gaz non conventionnels. Aux Etats-Unis, l’industrie gazière cherche à convaincre le Congrès et le président de l’importance stratégique des gisements de gaz de schiste sous l’angle de la sécurité énergétique et du climat (pour une même quantité d’énergie, le gaz émet 50% de CO2 en moins que le charbon).
S’il est incontestable que les gaz non conventionnels bouleversent la donne énergétique mondiale, les experts disposent encore de peu de données en dehors des Etats-Unis, notamment sur les risques environnementaux, qui sont loin d’être négligeables. De plus, si les techniques de forage en grande profondeur progressent, certaines régions ne permettront
sans doute pas de récupérer des grandes quantités d’hydrocarbures à des prix raisonnables. Et surtout, la crise économique se fait durement ressentir dans l’industrie du gaz et l’explora tion ne reprendra que si les investisseurs ont la certitude que les prix, actuellement déprimés, se redressent.
A n’en pas douter: le gaz sera l’énergie de transition majeure de la planète et pourrait contrecarrer les effets de la stagnation attendue de la production pétrolière dont les réserves facilement accessibles ont sans doute été surévaluées. Par ailleurs, si le gaz est une énergie de substitution au pétrole, une taxation progressive du CO2 ralentira à terme sa progression, encouragera la frugalité énergétique et les technologies propres. Reste que nous sommes en train d’assister à un passage de témoin entre le gaz et le pétrole dont l’ampleur et les conséquences semblent désorienter l’Agence internationale de l’énergie qui vient tout juste d’en esquisser les enjeux."
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/1bce7dec-cfd3-11de-8c97-decdc1a21439/Gaz_le_sc%C3%A9nario_qui_change_tout
Rédigé par : floyd | vendredi 13 novembre 2009 à 21h35
@ Floyd: décidément, vous êtes un découvreur de liens absolument indispensable ! Merci.
@ JB: à propos de l'impact des changes fixes de la chine, et des bulles qui s'y préparent, je vous rejoins. j'ai évoqué tous les effets pervers de cette politique ici:
http://www.objectifliberte.fr/2009/09/chine-perspectives.html
Rédigé par : vincent | vendredi 13 novembre 2009 à 23h25
On dirait que l'exploitation du gaz de schiste n'a pas que des avantages, il serait sans doute utile de faire uen balance honnête avantages/inconvénients avant de se lancer à corps (et argent) perdu dans cette exploitation.
http://www.aqlpa.com/extraction-du-gaz-de-schiste-dans-la-vallee-du-saint-laurent.html
Rédigé par : Robert | samedi 14 novembre 2009 à 20h25
De sources internes à TOTAL SA, et remarquablement informées, je sais que les réserves annoncées par les pays de l'OPEP sont surévaluées, et que, de plus, s'il existe très probablement d'énormes réserves inconnues en grande profondeur maritime, de l'ordre de - 5000 mètres et au dessous, elles ne peuvent être recherchées puis exploitées à moins de $300 le baril ! Même en escomptant des progrès technologiques abaissant ce coût, il vaut mieux ne pas compter dessus.
La demande grandissante des pays émergeants fera que l'offre de pétrole naturel sera dans une dizaine à une quinzaine d'années si insuffisante, qu'on ne pourra faire autrement que se tourner vers de nouvelles technologies pour les carburants liquides, qui resteront indispensables. Les sables bitumineux donneront quelques années de sursis. Au delà, les procédés CTL (coal to liquid)et les agrocarburants de 2ème et troisième génération (micro-algues pétrolifères, notamment), apporteront les solutions idoines. Et puis, l'électricité, d'origine nucléaire où autre, prendra un part du marché de l'énergie considérablement supérieure.
Les générations à venir ne manqueront pas d'énergie. De même qu'en fin de XIXème siècle, le pétrole a remplacé l'huile de baleine, sauvant ces pauvres bêtes d'une extermination certaine, de même, les jeunes qui me lisent et les descendants des plus âgés consommeront une énergie différente de la notre.
L'enjeu, bien entendu, est d'être prêts à faire la soudure. L'efficacité de la recherche et du développement est crucial. Les pays dont les industriels sauront aller de l'avant ont un avenir doré dans ces technologies.
La France en fait-elle partie ? J'en doute !
Rédigé par : michel | samedi 14 novembre 2009 à 21h15
Voici un autre article qui montre que nous n'allons sûrement pas manquer de gaz dans le future:
http://www.american.com/archive/2010/february/the-quiet-energy-revolution
Rédigé par : floyd | dimanche 14 février 2010 à 00h39