La crise actuelle a révélé l'incroyable vulnérabilité de notre système financier aux aléas conjoncturels. Face à ce constat, le diagnostic de nos gouvernants a été jusqu'ici très pauvre, et les mesures adoptées, telles que la taxation des bonus dans les banques, paraissent plus relever de la politique-spectacle désireuse de fournir des boucs émissaires aux opinions, que de prendre les décisions courageuses qui s'imposent. En deux mots, il faut cesser de subventionner de façon insidieuse mais dans des volumes considérables l'industrie bancaire, car tout secteur subventionné devient peu performant et prompt aux erreurs graves de gestion. Ce n'est qu'à ce prix que nous sortirons de l'économie de la dette, celle du risque systémique permanent.
L'économie de la dette: attention fragile !
L'une des causes, non pas du déclenchement de la crise, mais de sa gravité, a été la faiblesse des fonds propres bancaires comparés aux risques de pertes dissimulées dans leurs portefeuille d'actifs. Les entreprises du secteur financier se caractérisent par des taux de vrais fonds propres très faibles, et un financement de leur activité par un "effet de levier", c'est à dire un recours à l'endettement, très élevé. Certes, depuis la faillite de Lehman Brothers, toutes les banques sont engagées dans une course contre la montre pour tenter de redresser la structure du passif de leur bilan. Il n'empêche que la caractéristique fondamentale des banques est d'opérer à partir de fonds propres incroyablement faibles. Cela n'a pas toujours été vrai: jusqu'à la fin du XIXème siècle, le niveau de fonds propres des banques américaines a couramment dépassé 50%. Ce n'est qu'à partir du tournant des deux siècles que ce niveau a baissé graduellement pour atteindre des niveaux bas après la première guerre mondiale.
J'ai en novembre 2008 fait part d'une des causes selon moi majeures de la propension des banques à vouloir minimiser leurs fonds propres. Il s'agit de l'absence de neutralité du code des impôts de la plupart des pays développés vis à vis des différentes sources de financement des entreprises.
Voici ce que j'écrivais alors :
- Les ressources financières des entreprises se composent du capital et de la dette, ces deux ressources exigent rémunération
- La rémunération du créancier est déduite de la base de calcul de l'impôt sur les sociétés
- La rémunération de l'actionnaire, qu'il s'agisse de la part des bénéfices réinvestis dans l'entreprise, ou des dividendes versés aux actionnaires, ne l'est pas.
- Il devient hautement rentable d'utiliser un effet de levier pour augmenter la rémunération du capital !
En effet, dans les années 50, deux économistes pas précisément libéraux, Carlo Modigliani et Merton Miller, ont montré qu'en l'absence de telles distorsions fiscales, l'intérêt de financer la croissance d'une entreprise par effet de levier important était bien plus faible car sur un tel marché, la prime de risque exigée par les emprunteurs des entreprises à fort effet de levier (donc à structure de bilan risquée) "mangeait" l'avantage espéré en terme de rentabilité des fonds propres. Dans ce cas, le recours à la dette se justifie simplement par le fait qu'il existe des investisseurs qui n'aiment pas le risque que constitue l'investissement en capital, ou que le recours à la dette permet aux dirigeants propriétaires de leur entreprise de ne pas diluer leur pouvoir au profit d'autres actionnaires. Mais rien de plus.
En contrepartie, l'avantage fiscal conféré par la déduction des intérêts d'emprunts de la base taxable à l'impôt sur les sociétés, est considérable: le recours à de grandes quantités de dettes pour financer l'expansion de l'entreprise permet de multiplier le rendement des capitaux propres... Au détriment de la pérennité de l'entreprise en cas d'aléa conjoncturel fort.
Tout ceci vous paraitra sans doute bien technique, voire technocratique. Vous vous demandez sans doute: "Mais qu'est-ce que cela peut bien donc faire ? Où veut-il en venir ?"
Une distorsion considérable
Quelques études récentes viennent montrer que les niveaux atteints par la distorsion fiscale en faveur de la dette contre le capital ont sans le moindre doute joué un rôle majeur dans la fragilisation de l'économie.
Récemment, le FMI, peu suspect de libéralisme débridé, vient de publier une étude complète (keen et Perry, Cotarelli) sur l'ensemble des distorsions fiscales facorisant l'endettement, et notamment le financement de l'entreprise par la dette.
Il en résulte que dans la plupart des pays, la croissance par la dette est de facto subventionnée en termes nets, c'est à dire que les impôts frappant les intérêts perçus par les prêteurs ne compensent pas la subvention que constitue la déduction de ces mêmes intérêts de la base taxable des entreprises. Voici le tableau comparant dans plusieurs pays la distorsion fiscale entre dette et capital (cliquez dessus pour l'agrandir).
Sans chiffrer de façon précise l'impact de cette distorsion, le FMI estime qu'elle a un impact énorme sur les choix faits par les directions financières des entreprises, et augmente considérablement les ratios d'endettement de ces dernières, par rapport à ce que serait leur choix en absence de telles distorsions. Le rapport évoque dans une petite phrase au détour du rapport une variation possible du niveau de fonds propres des entreprises non financières de +15% ou +20%, mais sans l'étayer en détail. Voilà qui renforcerait considérablement la résistance des entreprises aux aléas conjoncturels.
L'année précédente (avec des chiffres différents, pour cause de référentiel différent - le FMI ne comptant pas les impositions personnelles), le Congressional Budget Office avait publié des chiffres américains repris par l'économiste du think tank centriste "Brookings Institution" Jason Furman devant le congrès fin 2008 (PDF, cinquième partie), montrant que le différentiel de taxation des fonds propres et de la dette des entreprises était de 42%, la dette étant quant à elle subventionnée à 6%.
La bonne nouvelle est que Jason Furman est aujourd'hui conseiller de Barack Obama. Espérons qu'il pourra se faire entendre, bien que ses prises de position semblent très impopulaires sur l'aile gauche des soutiens du président américain. Tout ceux qui pourraient favoriser, chez la première puissance du monde, l'adoption d'une fiscalité du financement de l'entreprise "neutre", favorable à la recherche de l'accroissement des fonds propres plutôt qu'à la fuite dans le surendettement, doivent être encouragés.
La prime à la dette est une gigantesque subvention à l'activité des banques !
Mais le lobby bancaire risque de s'opposer de toutes ses forces à une telle évolution, et mes lecteurs savent combien ce lobby compte d'amis à Washington. Car une subvention équivalente à tous les intérêts perçus sur quinze à vingt pour cent du total des bilans de toutes les entreprises d'un pays est évidemment considérable. Felix Salmon, chroniqueur économique pour Reuters, résume la situation:
Si le code fiscal redevenait neutre, les banques seraient certes plus sollicitées qu'aujourd'hui pour aider les entreprises à lever du capital. Mais elles ne percevraient alors que des revenus "immédiats", sous forme de commissions d'intermédiations versées en une seule fois, mais pas d'intérêts, source de revenus récurrents hautement appréciables.
Entendons nous bien. Il ne s'agit pas ici de condamner le crédit. Il existera toujours des investisseurs qui préfèreront prêter leur épargne et engranger des revenus stables et récurrents, plutôt que de l'investir dans le capital d'une entreprise, ce qui est plus risqué. Il est donc tout à fait bénéfique pour l'économie que ces épargnants trouvent des emprunteurs prêts à s'agrandir par recours aux effets de levier. Simplement, la neutralité fiscale doit rétablir un équilibre plus favorable aux fonds propres.
Il existe d'autres formes de subvention des banques par les états. Aux USA, depuis 1996, les intérêts des prêts immobiliers sont déductibles de la base taxable des ménages, mesure reprise en France en 2007 (à mon grand dam). Tant le rapport du FMI que le témoignage au congrès de J. Furman évoquent le rôle de cette distorsion majeure dans la formation de la bulle qui a engendré la crise.
La plus importante subvention aux banques est sans doute celle apportée par les banques centrales sous forme de taux de refinancement très bas de leurs effets de commerce (les fameux taux directeurs, aujourd'hui proche de zéro) et la possibilité pour les banques centrales "d'injecter" de la monnaie dans les banques commerciales en la prêtant à des coûts inférieurs à ce que serait le coût de l'argent sur un marché libre, ce qui permet aux banques commerciales d'accroitre leur volume d'affaires de façon déraisonnable...
Toutes ces généreuses aides engendrées par le "design" de nos institutions bancaires centrales et notre fiscalité ont conduit à créer un secteur léviathan financier devenu gigantesque mais instable et fragile, facteur de risque dit "systémique". J'aurai l'occasion de revenir sur cette notion particulièrement exaspérante ultérieurement, mais l'on voit qu'une fois de plus, un secteur grandement subventionné, fusse-ce indirectement, s'est enfoncé dans l'erreur de gestion collective, au détriment du reste de l'économie.
Le pouvoir considérable conquis ainsi par l'oligarchie financière rendra les efforts d'un Jason Furman ou d'autres économistes sur la même longueur d'onde particulièrement difficiles à convertir en résultats. Pourtant, comme l'a dit l'ancien chef économiste du FMI Simon Johnson dans un article intitulé "le coup d'état tranquille":
Réactions politiques: mauvais diagnostic, mauvaises réponses
Si les dirigeants des G8, G20 ou combien sais-je avaient posé le bon diagnostic de la crise actuelle, ils auraient d'ores et déjà mis sur la table la question des banques centrales, du système monétaire, et celle de la neutralité des codes fiscaux vis à vis des différentes rémunérations de la dette et du capital des entreprises. Si la réforme des monnaies et du fonctionnement des banques centrales est un sujet complexe qui ne se traitera pas en trois sommets vite bâclés, l'adoption conjointe de réformes fiscales permettant de réintégrer les intérêts versés aux créanciers dans les bases taxables des entreprises pourrait être rapide.
Elle permettrait, au niveau mondial, d'entamer un retour vers des économies moins basées sur la disponibilité de techniques financières aux prémisses mathématiques visiblement mal maîtrisées, mais plus sur la volonter des agents économiques d'accumuler de l'épargne. La croissance ainsi générée serait plus saine, moins sujette à des à-coups. Accessoirement, l'ensemble des pays adoptant de telles mesures verraient la base taxable des entreprises augmenter, ce qui permettrait en contrepartie d'en réduire les taux d'imposition, donc de mieux inciter à la formation de capital, et par ricochet améliorerait la productivité des salariés, synonyme d'accès à de meilleures rémunérations.
Naturellement, rien n'empêcherait certains pays d'adopter de telles mesures en dehors d'un cadre mondial. Mais la distorsion entre pays qui subventionneraient la dette et ceux qui cesseraient de le faire resterait alors présente. Il est difficile, évidemment, d'en évaluer par avance les effets pervers, mais une subvention augmentant artificiellement le taux de rentabilité des fonds propres dans certains pays et pas dans d'autre serait de nature à polluer les décisions d'implantation internationales d'entreprises par des questions fiscales qui ne devraient pas entrer en ligne de compte.
Au lieu de s'attaquer à la source du mal, l'encouragement monétaire et fiscal au surendettement des banques, des entreprises et des ménages, les gouvernements des économies riches préfèrent amuser la gallerie avec ce qui n'en est qu'une épiphénoménale conséquence, un symptôme: la surtaxe des bonus des dirigeants et traders des banques. Consternant.
Subventionner puis taxer les profits nés de la subvention: ne serait-il pas plus adroit de supprimer la subvention ?
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Lire également:
James Surowiecki, "debt economy"
Steve rany Waldman, "Eliminate the business interest tax deduction"
Felix Salmon, "What are the arguments for privileging debt?"
Simon Johnson, "The Quiet Coup"
Et sur Ob'lib':
Vincent Bénard, "Sortir de la crise, passer de la société du crédit à celle du capital"
Silvère Tajan, "Le règne de la dette ou la vraie défaite du capitalisme"
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le FMI, peu suspect de libéralisme débridé
Mais quels journaux lisez-vous donc?
Rédigé par : lukas | lundi 14 décembre 2009 à 02h55
@ Lukas:
Je suppose que c'est ironique ?
pour le cas ou ce ne le soit pas, le FMI s'inscrit dans une perspective "capitaliste" relativement libérale par certains aspects (mondialisation supportée, maîtrise des déficits publics) et moins par d'autres (forte régulation publique des activités économiques "sociales" (santé etc...) et financières, progressivité importante de la taxation, état providence...) - Avec DSK, le virage vers une sociale démocratie "smooth" est patent.
Bref, on est assez loin de frédéric bastiat !
Rédigé par : vincent | lundi 14 décembre 2009 à 07h55
Il y a un autre obstacle à la réforme globale du système. Outre le poids du lobby bancaire, il y a le fait que les gouvernements y trouvent leur compte, notamment en terme de capacité accrue à financer par la dette et l'inflation leurs politiques pléthoriques. Réformer le système monétaire et bancaire quand tout semble aller pour le mieux, que la croissance est là (du moins en apparence) et qu'on est sur la pente ascendante de la bulle leur semble inutile, et le réformer quand la bulle a éclaté, que les finances publiques se cassent la figure et que le recours débridé à la dette parait le seul échappatoire à court terme, leur parait suicidaire (c'est fermer le robinet alors qu'on a peut de mourir de soif, quand en réalité on est menacé de noyade).
Rédigé par : ST | lundi 14 décembre 2009 à 09h31
Très bien ! Un entrepreneur qui n'a toujours misé que son capital ne peut qu'approuver...
Rédigé par : Galuel | lundi 14 décembre 2009 à 10h18
En effet, que l'on soit "particulier" ou "professionnel" toute la fiscalité nous pousse à emprunter et, soit à dépenser, soit à placer de l'épargne en banque.
En agriculture, les aléas climatiques et de plus en plus ceux des marchés font varier considérablement les revenus, ce qui est très pénalisant avec l'impôt progressif. Pour étaler les revenus il existait notamment une déduction pour investissements, l'équivalent d'une provision comptable simple et sans contrainte. Un régime de déduction pour aléas, réclamé depuis longtemps, vient d'être accordé, mais assorti d'une obligation de placement dans un compte bancaire spécifique!
On remarque que chaque fois qu'un "avantage fiscal" induit un placement bancaire spécifique, celui-ci est soit très peu rémunéré, soit catastrophique (SCPI Méhaignerie...).
En cas de mauvaise conjoncture agricole (par exemple le dernier plan dit "Sarkosy") on favorise l'endettement: bonification d'intérêts, report d'échéances, etc. Chaque fois pareil.
Objection possible à ObLib: Favoriser l'endettement au détriment du capital direct, c'est favoriser les entrepreneurs sans capital pour éviter une société figée dans laquelle il faudrait être riche, héritier, pour entreprendre, diriger...
Je sais que vous avez des réponses à cette objection, mais je vous laisse les développer!
Rédigé par : Cultilandes | lundi 14 décembre 2009 à 10h58
@Cultilandes :
> Favoriser l'endettement au détriment du capital
> direct, c'est favoriser les entrepreneurs sans
> capital pour éviter une société figée dans laquelle
> il faudrait être riche, héritier, pour
> entreprendre, diriger...
Si vous n'avez aucun capital de départ, ni patrimoine personnel, vous n'obtiendrez pas de prêt non plus pour lancer votre activité. Le financement par apport de capital des entreprises nouvelles doit pouvoir se faire par investissement direct de tiers au capital de société nouvelles. Cet état d'esprit quasi inexistant en France est très développé par exemple outre atlantique. Les business angels, généralement d'anciens entrepreneurs qui ont eux même réussis et qui sont mieux a meme de juger des qualités d'un projet et de prendre le risque d'y être associé, sont une source de capital appréciable pour les entrepreneurs en manque de capitaux. Encore faut il pour cela que ces patrimoines à meme de se réinvestir dans des projets innovants et risqués aient pu eux memes se former, ce qui n'est pas possible dans les systèmes ou la progressivité de l'impot limite l'émergence de fortunes entrepreneuriales abondantes.
Rédigé par : ST | lundi 14 décembre 2009 à 13h37
Est-il possible de compléter le second paragraphe? Après "Cela n'a pas toujours été vrai: jusqu'à la fin du XIXème siècle, le niveau de fonds propres des banques " j'attendais "quelque chose" lol
Rédigé par : fred972 | lundi 14 décembre 2009 à 18h24
@ Fred 972 : Ouuuuups ! corrigé. Ca, c'est l'effet magique des notes écrites entre 23h et une heure du mat'
Rédigé par : vincent | lundi 14 décembre 2009 à 20h54
"La rémunération de l'actionnaire, qu'il s'agisse de la part des bénéfices réinvestis dans l'entreprise, ou des dividendes versés aux actionnaires, ne l'est pas."
D'une part, ce n'est pas vrai, 50% des dividendes distribués sont soumis à l'impôt progressif après que les 100% aient été prélevés de 12,1% au titre de la CGS/RDS (en France) mais d'autre part, le texte laisse entendre qu'il faudrait taxer encore davantage le bénéfice distribué!
Rédigé par : Rocou | mardi 15 décembre 2009 à 15h53
@Vincent
D'après vous, qu'elle est la manière la plus libérale et la plus simple ( dans une perspective de simplification du code des impôts) pour corriger cette distorsion ?
Faut t-il supprimer la déductibilité des intérêts ? Ou au contraire rendre la rémunération des actionnaires (dividendes) déductible ? Il faudrait éviter aussi que des actionnaires peu scrupuleux puissent "piller " l'entreprise en se versant la totalité des bénéfices et que l'entreprise se retrouve sans fond propre.
Merci pour votre avis
Rédigé par : vicken | mardi 15 décembre 2009 à 16h20
@vicken :
supprimer la déductibilité des intérêts parait une bien meilleure option. D'une manière générale, il faut élargir les assiettes au maximum et réduire les taux, donc moins de déductibilité /exemptions à tout va, et des taux très faibles sur une large base. C'est le plus juste. Mais cela revient à dire que l'impôt n'est plus utilisé pour canaliser les investissements ou les dépenses vers tel ou tel secteur, tel ou tel choix économique, et redevient un simple système de perception des sommes nécessaires au bon fonctionnement de l'Etat.
Personnellement, j'irais même encore plus loin. Dans l'absolu, je pense qu'il ne faudrait aucune imposition des revenus, que ce soit des entreprises ou des individus. Des taxes légères sur certains transactions devraient être suffisantes au besoin d'un Etat recentré sur ses prérogatives régaliennes. La taxation des revenus a de très nombreux effets pervers, est moralement douteuse, nécessite un énorme investissement bureaucratique et comptable, et ouvre la voie au camouflage des revenus (travail au noir, astuces comptables etc ...) dans le meilleur des cas, et à leur limitation volontaire dans le pire des cas.
Rédigé par : ST | mardi 15 décembre 2009 à 17h55
Merci ST, mais pourquoi pensez vous que la taxation des revenus soit douteuse ? A mon sens elle ne l'est pas plus que les bénéfices d'une entreprise, une TVA ou autre. Mais c'est vrai qu'en France le contribuable a un spectre de choix de taxes et impôts extrêmement diversifié.
Rédigé par : vicken | mardi 15 décembre 2009 à 22h12
@ ST
Les transactions sont des échanges de biens. Le travail est un échange de service.
Pourquoi considères-tu que la taxation des échanges de services est plus moralement douteuse que la taxation des échanges de biens?
D'un point de vue utilitariste, il me semble qu'il est plus efficace de taxer les transactions que le travail, mais n'ayant pas réfléchi à la question ni fait de recherches sur le sujet, je ne sais pas pourquoi.
Il est également vrai que le prélèvement de taxes est plus aisé et moins propice aux "camouflages" comme tu le dis (mais ils sont loins d'être impossibles).
Mais d'un point de vue jusnaturaliste, je ne vois pas de justification à la taxation de l'un plutôt que de l'autre. À moins que ce soit pour des raisons d'équité entre la taxation de ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent (les premiers étant "doublement" taxés)?
Rédigé par : Mateo | mardi 15 décembre 2009 à 22h59
@ Rocou: je pense que vous avez mal lu le texte. Trop vite ?
Les dividendes versés aux actionnaires ne sont pas déductibles de la base taxable au titre de l'IS. et ce dans à peu près tous les pays du monde, sauf la Belgique. Et je ne vois pas où je dis que les gains du capital devraient être plus taxés.
@ ST : ah, enfin un désaccord. Il était temps.
Je pense que les impots, pour minimaux qu'ils soient, doivent être "sensibles", à défaut d'être douloureux. Et le système fiscal devrait mieux associer "coûts-politiques publiques". Un impôt sur les transactions, "indolore", n'incite pas celui qui le prélève à limiter la dépense. Un impôt "qui oblige à faire mal à l'électeur", si... Du coup, un impot sur les revenus me parait préférable à un impot sur les transactions.
par contre, Ok pour le paradigne "taux bas, assiette large", qui est évidemment préférable.
Rédigé par : vincent | mercredi 16 décembre 2009 à 00h12
@Mateo :
On peut arguer en effet que toute taxation revient d'une manière ou d'une autre à la taxation d'un échange, ou à l'inverse, démontrer que toute taxation revient d'une manière ou d'une autre à la taxation d'un revenu.
Je suis d'accord avec toi sur le principe.
Pour aller néanmoins dans mon sens : je trouve les effets pervers de la taxation des revenus particulièrement vicieux (notamment dans le cas de la progressivité de l'impôt) et visibles. C'est une véritable machine à tuer l'effort. Si une fois payé son assurance santé, ses impots, ses frais fixes etc ... chaque euros gagné était un euro net de taxe ou de prélèvement, l'incitation une fois l'effet de seuil dépassé serait vraiment maximale, soit l'inverse de ce qui se passe aujourd'hui. L'autre problème que j'ai avec la taxation des revenus, c'est son coté inquisitoriale. Taxer les revenus nécessite d'une manière ou d'une autre de centraliser qui gagne quoi. C'est couteux, c'est quelque chose qui ne devrait pas regarder l'Etat, c'est la porte ouverte à toutes les tricheries. La taxation de la consommation est nettement moins inquisitoriale et décentralisée.
Autre point : la taxation des transactions, quand elle est mesurée, a l'avantage de rapprocher la perception de l'impot de la chose financée. Une taxe sur l'essence me parait un moyen intelligent de financer l'entretien des routes par exemple, car l'utilisation du réseau routier et la consommation d'essence sont étroitement lié (je ne parle pas de taxer à 80% hein ?). Taxer (avec mesure) les transactions immobilières peut être mis en rapport des couts d'investissement de viabilisation des terrains par les communes etc. Je ne dis pas que c'est parfait, mais relier une taxe à une dépense permet d'éviter l'effet on prélève un peu partout d'un coté, et on dépense à tout va de l'autre, sans rapport particulier, ce qui incite à dépenser n'importe comment.
@vincent :
je suis d'accord avec l'idée que l'impot doit etre sensible. Aux Etats Unis, les Etats se financent par exemple par une Sale Taxe qui est parfaitement visible car tous les prix sont donnés hors taxe, et la taxe ajouté au passage en caisse. Ca a le don d'agacer les européens en vacances outre atlantique, mais les américains y tiennent : ils veulent savoir quel est la somme qui revient au commerçant, et celle qui part à l'Etat. L'augmentation de la Sale Taxe est immédiatement visible car les prix affichés ne changent pas, et la note elle s'élève. Dans ce contexte, la sale tax dépasse rarement le 10% aux Etats Unis, quand les européens qui intègrent une TVA dans tous les prix mais imposent l'affichage du prix TTC, montent allègrement au dessus des 20%. Donc tout a fait d'accord avec le fait que les impots doivent être sensibles, mais ils peuvent tout a fait l'etre dans le cas d'une taxation des transactions, comme ils peuvent être indolore dans une taxation du revenu (prélèvement à la source, mensualisation ...).
Pour terminer, je suis contre la suppression de l'impot sur le revenu en France tant que le niveau de prélèvement n'aura pas très largement baissé. Je suis contre l'idée de remplacer l'IR par une TVA à 25 ou 30% par exemple, notamment pour les raisons invoquées par Vincent. Ma préférence pour l'absence de prélèvement sur les revenus est dans le contexte d'une fiscalité basse, j'aimerai dire, "normale", de 10 à 15% du PIB.
Rédigé par : ST | mercredi 16 décembre 2009 à 12h39