La 6ème étude annuelle "Demographia" publiée par Wendell Cox (photo), consultant en transports urbains et économie urbaine, enseignant visiteur aux arts et métiers, bien connu des lecteurs, et Hugh Pavletich, un urbaniste libéral néo-zélandais, vient de paraître.
Cette étude analyse la correspondance entre marchés à terre libre ou
réglementé, et niveau d'accessibilité financière des logements.
Cette
année, crise oblige, l'étude est marquée par le recul des multiples médians, (rapport
entre prix du logement de la transaction médiane et le revenu médian
des ménages) en 2009. Mais malgré ce recul, nombre de marchés
américains, et canadiens et australiens se situent encore à un niveau
très élevé et au dessus de leur plancher historique.
Ainsi, alors que la plupart des marchés immobiliers américains ont longtemps bénéficié d'un multiple médian inférieur à 3, synonyme de marché très abordable, 19 agglomérations conservent des ratios supérieurs à 4, voire 5: En tête du palmarès, Honolulu (8,6), puis New York (7,0) et San Francisco (7,0), San Diego (6,0). Sur ces marchés très fortement bullaires, même s'ils sont en fort reflux, le potentiel de baisse reste important, et les banques qui ont beaucoup prêté en Californie doivent se préparer à admettre des nouvelles pertes gigantesques de ce seul fait. La baisse semble par contre avoir été plus vive sur les marchés de deux autres états fortement bullaires, la Floride et le Nevada, quand bien même elle ne semble pas encore avoir atteint son plancher historique dans le premier de ces deux états.
Dallas-Atlanta vs. Melbourne-Sydney, des cités comparables... Aux destins totalement différents
Le
rapport complète la comparaison entre cités américaines à terre "libre"
et cités australiennes de taille comparable au début des années 80,
quand des règles contraignantes furent adoptées. Atlanta et Dallas ont
connu un développement bien plus rapide que Melbourne et Sydney, et
pourtant, malgré cette demande bien supérieure, les prix du logement
exprimés en multiple du revenu médian des ménages sont restés stables,
voire ont légèrement diminués, sans connaître de bulle, alors que les
cités australiennes pénalisées par leurs réglements d'urbanisme
anti-expansion périphérique sont devenues parmi les plus chères du monde,
presque ex aequo avec Vancouver, au Canada.
A Atlanta ou
Dallas, une mensualité d'emprunt à la moyenne du marché pour emprunter
une maison médiane est de l'ordre de 700 à800$ US, contre plus de 2500
pour leurs jumelles australiennes. Avec pour effet que les villes
chères chassent vers la périphérie, voire vers l'hyper périphérie, les
professions à salaire bas ou moyen, et que les polices, les pompiers,
les écoles et les hôpitaux ont du mal à trouver du personnel.
Prise de conscience timide... par endroits
La
principale leçon à retenir de l'étude est que en Grande Bretagne, en
Nouvelle Zélande et en Australie, la dimension foncière de la bulle
immobilière fait son chemin dans les esprits, et qu'il n'est pas
utopique d'espérer des assouplissements réels des règles de gestion de
la constructibilité des sols, même si ces assouplissement tardent à se matérialiser.
Par contre, en Irlande, au Canada et surtout aux USA, la situation est plus inquiétante. Notamment, aux USA, l'administration Obama aurait souhaité, au nom du développement dit "durable", imposer aux états où le sol est encore "libre" d'adopter des réglementations strictes anti-étalement urbain. Nous avons vu récemment que Ben Bernanke ignorait totalement ce facteur dans son analyse de la bulle.
Espérons que les lois restrictives en préparation au niveau fédéral soient rejetées par le congrès.
Ceux qui n'ont pas la patience de lire les 56 pages de l'étude pourront se reporter à cet article de Wendell paru sur New Geography: "Le logement cher comme résultat des politiques publiques".Télécharger les rapports demographia depuis 2006, PDF:
A noter : lire ma présentation de l'étude 2009, plus complète que celle ci.
------------
Autres articles sur le sujet sur ob'lib':
- Interview (français) de Wendell Cox par Ob'lib' (également: Anglais)
- Vidéo (anglais): Wendell Cox et le rôle des réglementations foncières dans la bulle
- Lois de zonage et hausse des prix du foncier: enfin une étude française !
- La réglementation foncière et les prix du logement: les mécanismes
- Réglementation foncière et crise du logement, problèmes et solutions
- Immobilier anglais, ou l'archétype de la faillite de la planification spatiale
- Houston, Dallas, les grandes villes libres sont elles des enfers urbains ?
- Pour en finir avec la diabolisation de l'étalement urbain
- Les causes immobilières et foncières de la crise des subprimes
- Droit des sols français: un vol légal au profit des bien nantis
------------
Autres lectures intéressantes ailleurs :
- Le rapport "Barker" sur le rôle des lois foncières britanniques sur le prix (prohibitif) du logement outre-Manche
- L'étude "Evans Hartwich" sur le même sujet
------------
On connait votre position a propos des marchés immobiliers anglo-saxons, chinois et français, dont les exces ont été provoqués par des reglementations trop strictes combinées à de fortes baisses de taux d'emprunt. Mais que pensez vous de la situation immo en Allemagne et Japon. J'ai vraiment du mal a comprendre, bien que les projections demographiques indiquent un viellissement de la population, comment les prix ont pu tomber aussi bas dans ces deux pays, qui sont quand meme des poids lourds économiques. Ces deux pays ont du connaitre aussi des baisses de taux, et la reglementation ne doit pas etre si laxiste que cela, pas plus qu'en France j'imagine ??
Rédigé par : Nam | jeudi 28 janvier 2010 à 20h45
En allemagne, le droit du sol a, pour ce qu'on m'en a dit, la caractéristique suivante: tous les ans, les terrains contigus des terrains déjà construits peuvent devenir constructibles. Toutefois, un propriétaire peut demander à ne pas devenir constructible si il estime que le marché n'est pas suffisamment porteur: les taxes sur les terrains constructibles non développés sont élevées. Le résultat est que contrairement à nos PLU figés sur 5 à 15 ans, tous les ans, les communes allemandes réfléchissent à ouvrir du terrain constructibles et que les entrepreneurs fixent eux mêmes le niveau de l'offre en fonction de la demande estimée, ce qui engendre une vraie réflexion prospective. pas "ultra libéral" certes, mais mieux que rien. Ajoutons que la compensation de servitudes d'urbanisme est mieux assurée que chez nous, si j'en crois une étude (que je n'ai pas trouvée en ligne mais que l'on m'a envoyée). Enfin, la démographie allemande est assez terne.
la réglementation de la construction par elle même peut être assez tatillonne selon les endroits, mais au moins le foncier est il assez facile à mobiliser.
Et rappelez vous, pour qu'il y ait bulle il faut ET une réglementation ET une euphorie de la demande liée au crédit facile. Au japon , l'euphorie semble avoir disparu depuis 20 ans.
au japon, je n'ai rien trouvé dans une langue que je maitrise (en gros, l'anglais !). Par contre, la bulle avait été sévère à la fin des années 90. Quelle était la part de la rareté physique du foncier (parce que par endroit, l'expansion périphérique, au japon, ne doit pas être facile vu la géographie) et la part de la rareté réglementaire, je n'en sais rigoureusement rien. La réglementation a t elle évolué depuis 90? Je ne sais pas non plus.
Rédigé par : vincent | jeudi 28 janvier 2010 à 21h05
Comme d'habitude, les allemands semblent mieux organisés que nous.
Rédigé par : Nam | vendredi 29 janvier 2010 à 01h23
Peut etre aussi que le marché immo allemand n'est pas tiré par les achats de gens du moyen orient et de russie, et plus généralement par les elites mondialisées, l'allemagne étant moins "glamour" et touristique, avec un centre peu localisable (mis à part Berlin pour les bobo frenchy).
Rédigé par : Nam | vendredi 29 janvier 2010 à 01h27