Un Guest Post signé Jean-Michel Bélouve
Le XXIème siècle pourrait devenir le siècle du tout-électrique, comme le XXème a été celui du
pétrole, et le XIXème celui du charbon. Si l’on veut que l’usage de
l’automobile électrique se répande, que le chauffage ne soit pas
générateur de gaz plus ou moins nocifs tout en restant une solution à
portée de toutes les bourses, que l’industrie utilise moins
d’hydrocarbures importés, il convient d’assurer au pays les capacités de
production d’électricité à énergie primaire non fossile, et, dans ce
domaine, les centrales nucléaires constituent actuellement, et pour de nombreuses années encore, la solution la plus éprouvée, la plus
performante et la plus compétitive (avec l’hydroélectricité, qui manque
de sites pouvant être équipés). De plus, le combustible nucléaire
constitue une ressource qui sera disponible pendant des milliers
d’années.
Entre la décision de construire une centrale nucléaire
et le démarrage de sa production, il s’écoule environ huit ans. Si l’on
pense que l’électricité doit voir sa part de marché croitre au détriment
des hydrocarbures, c’est maintenant qu’il faut décider d’investir.
Emmanuel
Grasland, dans Les Echos du 24 février, rend
compte d’un projet de Gaz de France-Suez pour la construction
d’une centrale de type ATMEA, technologie nouvelle et complémentaire
d’EPR car adaptée à des unités de plus faible puissance. Le but est
double : élargir la part de marché national et européen de GDF dans
l’électricité, et créer une vitrine qui permettra de vendre ce type de
centrales à de petits pays, tels que la Jordanie, pour lesquels les
centrales EPR sont surdimensionnées. La stratégie de GDF parait donc
cohérente : marché porteur, choix d’un créneau délaissé par son
concurrent EDF…
Oui, mais une décision de marketing industriel ne
se prend pas comme cela dans notre beau pays. Les Echos concluent
l’article en exposant le point de vue étatique :
Un industriel ne peut donc définir son plan de développement en fonction des opportunités de marché, de ses ressources propres et de ses objectifs commerciaux. Il doit en passer par les fourches caudines de nos gouvernants. Liberté d’entreprendre ? Vieux souvenir !
Quant à l'argument "compte tenu de la désindustrialisation de la France", il laisse particulièrement pantois. L’état l’accepte comme une fatalité, et se fonde sur cet argument pour s’arroger de décider, à la place de l’industriel, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.
Imposer taxe carbone ou un "paquet européen énergie climat" aura il est vrai pour conséquence de brader nombre de filières industrielles dans lesquelles notre pays a dans le passé exprimé son savoir faire de belle façon. Adieu raffineries, sidérurgie, métallurgie, cimenteries, verreries, chimie, papeteries, cartonneries, allez régurgiter votre CO2 en Inde et en Chine, ou au diable vauvert. Alors dans ces conditions, pourquoi nos politiques approuveraient-ils un réacteur nucléaire de plus ? Non, qu'importe que des moyens d'accroitre notre production de façon rentable existent, ils nous parlent de "maîtrise de l'énergie", pour ne pas dire son rationnement. La pollution de la pensée politique par l'écologisme de la décroissance le plus extrémiste est hélas de plus en plus flagrante.
Et puis, l'on apprend au détour d'une phrase que le projet déplairait à la CGT, face à laquelle nos dirigeants successifs ont pris l’habitude de se coucher ! Halte au nucléaire, Greenpeace et la CGT l’exigent ! Seuls ont droit de cité auprès de nos élites bien pensantes les agro-carburants dont nos agriculteurs ne peuvent plus se passer (faute de pouvoir développer leur marché dans le secteur des OGM), les éoliennes tellement peu productives, le photovoltaïque qui s’amortit en 60 ans, et, pactole escompté pour demain, la séquestration du carbone.C’est en puisant toujours plus au fond des poches des contribuables que l’on compte faire vivre ces activités qui n’auraient aucun avenir économique sans la conjonction de règlementations liberticides et de largesses financières publiques qui laminent les pouvoirs d’achat individuels et mènent l’Etat à la ruine... Mais elles seraient tellement créatrices d’emploi, à en croire nos élites gouvernantes ! Ainsi remplace-t-on les emplois créés par le marché et la réussite industrielle par des emplois (enfin, moins d'emplois...) payés par les contribuables, et qui ne dureront que le temps que le budget public pourra en subir le poids.
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Jean Michel Bélouve (son site), qui livre de nombreuses analyses sur la géo-économie du changement climatique pour l'institut Turgot, est l'auteur de "La Servitude Climatique - Changement Climatique, Business et Politique", aux éditions Libermédia, livre déjà présenté ici.
Actuellement, on sait parfaitement construire des logements ne nécessitant que très peu de chauffage. Mais on ne le fait pas.
- un interventionniste dira : les normes ne sont pas assez exigentes.
- un libéral dira : les prix actuels de l'énergie font que la rentabilité d'une construction bioclimatique n'est pas assurée.
Mais, investir maintenant dans une construction à basse consommation permet aussi de se prémunir contre un risque financier assez lourd, mais difficile à quantifier : l'insécurité législative. Quand le gouvernement aura une petite poussée de fièvre verte et décidera de rendre obligatoire la mise aux normes BBC du parc de logements existants, les frais seront énormes pour les pauvres gens qui n'auront rien vu venir.
Rédigé par : Pierre | jeudi 25 février 2010 à 09h47
Au sujet du potentiel du nucléaire, un article fort intéressant de Wired sur les possibilités un peu trop vites oubliées du Thorium en remplacement de l'Uranium.
http://www.wired.com/magazine/2009/12/ff_new_nukes/all/1
On y découvre en autre que ce combustible très prometteur, beaucoup plus abondant que l'uranium, susceptible de faire fonctionner des réacteurs beaucoup plus sûrs car auto régulés et incapables de s'emballer, aurait notamment été écarté au début de l'ère nucléaire, car ne permettant pas de générer de produit secondaire utilisable pour confectionner des armes nucléaires.
Le potentiel semble en tout cas fort intéressant.
Rédigé par : ST | jeudi 25 février 2010 à 10h14
@ Pierre : oui, mais investir aujourd'hui dans les techno non rentables d'aujourd'hui aux prix d'aujourd'hui vous rendra incapable d'investir demain dans les technos rentables de demain au prix de demain.
Si une législation trop contraignante est votée sur les logements existants, simple: les gens s'assoiront dessus, et ils auront raison, désolé de le dire aussi brutalement. Le marché donnera juste une moins value aux logements "énergétiquement pas aux normes" et puis voila, mais je vois mal l'ensemble des français acceptant de faire 50 à 100 000 euros de frais simplement pour avoir le droit de mettre leur logement ancien sur le marché.
Rédigé par : vincent | jeudi 25 février 2010 à 10h36
> investir aujourd'hui dans les techno non rentables
> d'aujourd'hui aux prix d'aujourd'hui
Hé oui. Mais un logement est difficile à changer où à faire évoluer technologiquement. Si par exemple une nouvelle catégorie d'isolants extrêmement performants apparaît, difficile d'éventrer tous les murs pour en installer...
Une construction passive coûte beaucoup plus cher, mais on n'est pas obligé d'aller aussi loin. Il y a moyen d'augmenter l'efficacité énergétique ET le confort pour un surcoût assez faible (quelques %), en faisant du bioclimatique par exemple. On obtient de plus un logement beaucoup plus agréable (ce qui augmente sa valeur).
> Si une législation trop contraignante est votée
> sur les logements existants, simple: les gens
> s'assoiront dessus, et ils auront raiso
Vous avez tout à fait raison, malheureusement le gouvernement a perdu tout contact avec le réel depuis longtemps. Ils prétexteront l'écologie et la relance de l'artisanat, etc. Je suis persuadé que cela arrivera.
Malheureusement, les lois de zonage (encore elles !) obligent la plupart des acquéreurs à se saigner pour acheter le terrain. On tire donc au max le budget pour la construction.
Quand le diagnostic énergétique deviendra vraiment contraignant, les dindons de la farce socialiste seront comme d'habitude les pauvres, qui se retrouveront avec une baraque en parpaing invendable.
On peut envisager le surcoût de construire des logements raisonnablement économes en énergie comme une assurance sur le risque énergétique, le risque législatif, le risque d'une pénurie de mazout/gaz/électricité suite à une grève générale...
Il faudrait aussi calculer combien de millions de m3 de mazout sont brûlés à cause des lois de zonage qui obligent à placer et à orienter les constructions "n'importe comment pourvu que ça rentre".
Sans oublier les coûts de transport liés à l'hyper-étalement urbain dû au zonage...
Virer le code de l'urbanisme serait une grande action écologique...
Rédigé par : Pierre | jeudi 25 février 2010 à 13h08
Filière thorium
La production d'énergie à partir de thorium a fait l'objet d'une exploitation expérimentale à Oak Ridge dans les années soixante. Lire l'article de wikipedia "réacteur nucléaire à sels fondus" http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_nucl%C3%A9aire_%C3%A0_sels_fondus
Cette expérimentation a permis de vérifier la pertinence industrielle de cette technologie. Il reste d'importants développements a réaliser en vue d'exploitation industriellement rentable. Seule l'abondance actuelle de l'uranium fait qu'on a négligé ces développements.
La filière thorium offre des avantages déterminants:
- Le thorium est un combustible fertile, qui se transforme en uranium 233 fissile au sein du réacteur. La totalité du minerai est donc utilisé (alors que dans les techniques actuelles, seul est utilisé l'isotope 235, qui représente 0,7% de l'uranium métal).
- Le thorium est quatre fois plus abondant que l'uranium. La conjonction de ces deux premières caractéristiques fait que cette filière peut assurer 20000 à 30000 années de production au rythme actuel des besoins en électricité.
- La filière produit beaucoup moins de déchets radioactifs que les solutions classiques à l'uranium, et des déchets à plus courte durée de vie radioactive.
- Elle ne présente pas les risques d'explosion qui existent dans les surgénérateurs fonctionnant à l'uranium fertile 238, car on opère à température beaucoup plus basse. Outre ce point capital de la sécurité, la réalisation ne nécessite donc pas le luxe de dispositifs de sécurité nécessaire pour la mise en oeuvre des surgénérateurs à l'U238 fertile, et conduit donc à un investissement et un fonctionnement beaucoup moins coûteux.
- On ne produit pas de plutonium pouvant être utilisé pour faire des armes nucléaires, et donc cela résout les problèmes de prolifération.
Rédigé par : Jean-Michel Bélouve | jeudi 25 février 2010 à 16h32
Une question pour Mr Bélouve, avez vous entendu parlé de Bloom energy et de sa pile à combustible au rendement avoisinant les 50% ?
Pensez vous cela crédible ? A mon sens si une telle innovation voit le jour aussi rapidement qu'il le prétende, cela serait une petite révolution dans le secteur de l'énergie ?
Merci pour votre avis
Rédigé par : vicken | jeudi 25 février 2010 à 16h42
@vicken
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les informations publiées sur cette Bloom box manquent singulièrement d'explications techniques.
En fait, il s'agit, semble-t-il, d'une pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène, dans laquelle l'inventeur aurait remplacé des matériaux coûteux comme le platine par d'autres de faible coût. Mais d'où vient l'hydrogène nécessaire ?
Le gros problème de la pile à combustible est que l'hydrogène n'existe en abondance que dans les molécules d'eau ou d'hydrocarbures. Pour casser ces molécules et en extraire l'hydrogène, il faut fournir plus d'énergie que l'hydrogène n'en produira dans la pile par la réaction:
2 H2 + O2 => 2 H2O + énergie.
On peut concevoir de fabriquer de l'hydrogène avec des sources peu coûteuses d'électricité, pour utiliser ensuite cet hydrogène dans des piles destinées à faire fonctionner des véhicules. Le bilan énergétique est très négatif, et le bilan financier me parait plus qu'aléatoire. Je suis sceptique sur l'avenir de ces piles à hydrogène.
D'après certains journaux, ce serait la Bloom Box elle-même qui fabriquerait l'hydrogène. C'est stupide.
S'il faut une source extérieure d'hydrogène, alors on est confronté à la question du coût de ce gaz, élevé même en supposant de l'électricité presque gratuite pour sa fabrication, au coût encore du conditionnement et du transport de cet hydrogène, et aux dangers de sa mise en oeuvre, car il ne demande qu'à exploser au contact de l'air. Alors pour fournir de l'électricité à une maison ou à un local commercial, comme l'annonce l'inventeur, cela me parait peu crédible.
Franchement, je pense que ça sent l'arnaque, comme jadis le moteur à eau d'un inventeur farfelu qui avait connu un grand succès...médiatique.
Rédigé par : Jean-Michel Bélouve | jeudi 25 février 2010 à 18h26
La bloombox n'est rien d'autre qu'une pile à combustible. Le gros intérêt est que la pile est tantot un générateur, tantôt un stockeur d'énergie. Une sorte de grosse batterie rechargeable.
L'énergie extérieure peut venir du bon vieux pétrole, mais depuis peu, on commence à voir en labo des technos permettant d'utiliser l'énergie solaire pour alimenter la pile. Gros intérêt: le solaire devient alors stockable. pas encore très efficient, mais comme on le dit là bas, "there is room for improvement". Dans le cas de la bloom, l'énergie externe reste de type hydrocarbure (fossile ou agro): l'intérêt me parait du coup un peu moindre, même s'ils annoncent une efficacité énergétique 4 fois plus grande que dans le modèle classique à centrales et distribution cablée longue distance de l'énergie.
Ce n'est donc en rien une escroquerie mais une anticipation de ce qui est possible dans les prochaines années.
Simplement, la techno m'apparait encore immature. Déjà, les universités US sont en compétition pour sortir la prochaine génération, plus efficace et moins chère.
un exemple:
http://web.mit.edu/newsoffice/2009/liquid-battery.html
Ah au fait, j'avais évoqué ces technos ici:
http://www.objectifliberte.fr/2008/08/moteur-hydrogne.html
une vidéo intéressante là:
http://web.mit.edu/newsoffice/2008/oxygen-0731.html
Le site de bloom
http://www.bloomenergy.com/
Rédigé par : vincent | jeudi 25 février 2010 à 22h06