L'intervention massive du gouvernement américain dans l'économie par
le biais du plan Paulson n'a atteint aucun de ses objectifs économiques
et a engendré dérives graves, tout en contribuant à perpétuer les
problèmes structurels qui ont conduit à la crise. Telle est la
conclusion du rapport de l'inspection générale américaine en charge de
la surveillance des fonds du désormais célèbre plan TARP. Plongeons
dans les eaux troubles des cascades d'argent public.
Programme TARP : un rapport qui fait mal
Le rapport du Superviseur Général du programme TARP, "Troubled Assets Relief Program", également appelé "plan Paulson", déjà critiqué ici,
vient tout juste de sortir (daté du 30 janvier). C'est un document
volumineux de plus de 140 pages hors annexes. Heureusement, Mish Shedlock l'a déjà décortiqué, et en voici l'essentiel.
Rappelons
que le plan TARP a consisté en 787 milliards de dollars alloués par le
congrès au trésor américain pour venir en aide de diverses façons aux
grandes banques au bord de la faillite, y compris de façon indirecte
via un programme de soutien aux propriétaires de maisons en difficulté.
Incidemment, le plan TARP a aussi servi à soutenir General Motors et
Chrysler.
Le rapport constate certes que le plan TARP a sans
doute empêché que quelques très grosses institutions ne déposent le
bilan. Toutefois, la tonalité du reste du rapport laisse entrevoir que
les rédacteurs ne sont pas certains que cela ait été une bonne chose.
Le rapport accumule en outre les constats accablants. Extraits:
Notwithstanding the fact that preserving homeownership and promoting jobs were explicit purposes of the Emergency Economic Stabilization Act of 2008 (“EESA”), the statute that created TARP, nearly 16 months later, home foreclosures remain at record levels, the TARP foreclosure prevention program has only permanently modified a small fraction of eligible mortgages, and unemployment is the highest it has been in a generation. Whether these goals can effectively be met through existing TARP programs is very much an open question at this time.
Autrement dit: Il n'a servi à rien d'aider les banques, elles n'ont pas été en mesure de prêter plus aux PME. Les mesures d'aides aux ménages n'ont pas empêcher les faillites de propriétaires de maisons d'atteindre des sommets, tout comme le Chômage.
Les banques jugées "trop grosses pour être laissées en faillite" sont aujourd'hui encore plus grosses... Grâce à l'argent du plan Tarp (et aussi parce que les concurrents plus petits, eux, font faillite, NdVB.).
Les institutions sauvées n'ont donc pas été incitées à prendre moins de risque... Et le marché reste persuadé que l'état interviendra en cas de malheur: pourquoi se soucier du risque dans ces conditions ?
Des soupçons de fraudes massives
Mais le "meilleur" est à venir:Through December 31, 2009, SIGTARP has opened 86 and has 77 ongoing criminal and civil investigations. These investigations include complex issues concerning suspected TARP fraud, accounting fraud, securities fraud, insider trading, bank fraud, mortgage fraud, mortgage servicer misconduct, fraudulent advance-fee schemes, public corruption, false statements, obstruction of justice, money laundering, and tax-related investigations.
Nooon ? L'intervention massive de l'état dans l'économie aurait suscité des fraudes massives ? L'argent facile du contribuable attirerait les aigrefins ? Des officiels publics se laisseraient corrompre ? Et dire que l'état est censé "moraliser le capitalisme"...
Passons maintenant à une critique en règle du secret qui a entouré moult transactions effectuées au titre du plan TARP (nb. "Maiden Lane III" désigne une des structures crées par le trésor pour racheter en toute discrétion certains actifs pourris des établissements placés en Faillite tels que AIG):
After public and Congressional pressure, AIG disclosed the identities of its counterparties, including its eight largest: Société Générale, Goldman Sachs Group Inc., Merrill Lynch, Deutsche Bank AG, UBS, Calyon Corporate and Investment Banking (a subsidiary of Crèdit Agricole S.A.), Barclays PLC, and Bank of America. Notwithstanding the Federal Reserve’s warnings, the sky did not fall; there is no indication that AIG’s disclosure undermined the stability of AIG or the market or damaged legitimate interests of the counterparties.
Incidemment, voilà qui constitue un soutien implicite à peine voilé à tous ceux qui voudraient que le congrès puisse auditer les opérations menées par la FED dans le cadre de ses rachats d'actifs toxiques, en dehors du champ du plan TARP, à commencer par les congressmen Ron Paul (R-Tx) et Grayson (D-Fl), soutiens du projet de loi HR 1207 "Audit the Fed".
Le rapport consacre également une section à l'affaire du "sauvetage" d'AIG, un cas d'école de banditisme financier déjà évoqué ici. Il évoque la façon dont les programmes de prise de participation dans plus de 700 banques se solderont inévitablement par des pertes sèches supportées par le contribuable.
Dans la section consacrée aux aides à l'automobile, qui ont totalisé 84 milliards de dollars, le superviseur note que:
35% de pertes, et encore s'agit-il d'une estimation conservatrice. Le rapport ne s'avance pas sur le pourcentage de pertes que les contribuables pourraient subir du fait des aides au secteur financier.
Conclusion: l'argent public ne soigne pas l'économie malade, il l'empoisonne
Le superviseur du plan TARP ne prend pas de gants pour souligner que l'injection massive d'argent public dans l'économie n'a produit qu'effets d'aubaines et incitations perverses, ce qui n'a rien d'étonnant, tant l'interpénétration de l'état et de grands intérêts financiers engendre toujours inefficacité et immoralité.
Un tel rapport risque bel et bien de légitimer de nouvelles investigations du congrès, et l'inspecteur peut lui même lancer des procédures judiciaires. Les rubriques "faits divers" des semaines à venir devraient être très intéressantes à suivre.
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Plus de détails: Le rapport du SIGTARP (PDF) - Le long résumé de Mish Shedlock
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Merci pour cet article et pour ce travail de synthèse.
J'ai traité plus modestement du sujet sur mon blog, où je vous ai mis en lien.
Rédigé par : René | lundi 01 février 2010 à 09h27
Au final, rien de bien nouveau sous le soleil sur le fond, à part peut être justement le fait que ce que la minorité des libéraux dénonçait depuis le début est désormais synthétisé dans un rapport officiel.
Peut être eu t-il été utile que ce rapport sorte AVANT la toute récente reconduction de Bernanke par le congrès à la tête de la FED.
Le post d'aujourd'hui de Loic Abadie sur Tropical Bear (http://tropicalbear.over-blog.com/article-quel-declencheur-pour-la-prochaine-grande-sequence-baissiere--43931218.html) sonne comme un échos à ces constatations, faisant le pari que si les banques et institutions financières avaient été critiquées lors du premier krach comme les "seuls responsables", ce sera cette fois le tour des faiseurs de crédit et des politiques, quand la prochaine vague nous éclatera à la figure : car cette fois il sera plus évident que les réponses politiques à la crise, en poursuivant les dérives qui étaient les causes fondamentales du premier Krach, auront précipité une nouvelle vague autrement plus forte, et laissé les Etats surendettés dans l'incapacité d'apporter une quelconque réponse au problème.
Quelque part, j'aimerais y croire (qu'avant de toucher le fond, le diagnostique libérale rencontre une plus large audience). Cela parait plausible et raisonnable. Mais je ne sais pas pourquoi, mais je suis comme pessimiste sur ce coup là. Jamais je n'aurais imaginé que les analyses des libéraux qui furent les seuls à dénoncer et annoncer la crise avant qu'elle ne se produise n'ait aussi peu d'écho et d'influence une fois celle ci arrivée, en tout cas jusqu'à maintenant.
Rédigé par : ST | lundi 01 février 2010 à 10h14
Bonjour, et merci pour votre billet
Que le Tarp soit très contestable est une évidence, mais votre critique pourrait être davantage équilibrée. Quelques exemples :
"Le rapport constate certes que le plan TARP a sans doute empêché que quelques très grosses institutions ne déposent le bilan"
Vous avez raison d'expédier ce point en une phrase, c'est un détail....
"Il n'a servi à rien d'aider les banques, elles n'ont pas été en mesure de prêter plus aux PME. Les mesures d'aides aux ménages n'ont pas empêcher les faillites de propriétaires de maisons d'atteindre des sommets, tout comme le Chômage."
Le but du TARP n'était pas de les empêcher, mais de les réduire. La bonne question est : Quel aurait été le niveau des prêts aux PME, des faillites, ou du chomage sans le programme TARP?
Vous passez sous silence, la proposition de B Obama de taxer les banques pour rembourser l'argent du contribuable.
Rédigé par : Coriolan | lundi 01 février 2010 à 10h50
Taxer les banques (dont la plupart ont déjà remboursé l'argent emprunté) pour financer le plan de sauvetage est une idée populaire mais étrange.
Cette "taxe sur la responsabilité de la crise financière" est une originalité... et il me semble assez grotesque de dire que ce sont les banques qui sont responsables (à elles seules) de la crise (qui derrière Fanny Mae et Freddie Mac par exemple ? quels politiques ? quel cabinet d'avocat s'est illustré en faisant un procès aux banques qui refusaient de prêter à des clients insolvables ? Quel cabinet d'avocat a vu le futur Président américain plaider ce genre de choses ? etc. (en passant d'ailleurs, seuls quelques républicains - et Bush - s'étaient opposés ou inquiétés de cette dérive...)
L'accélération de la circulation monétaire avec la mondialisation et la décomposition des processus de production ne sont bien évidemment pour rien dans la crise !! Ben voyons...
Trouver un moyen pour empêcher les banques de trop créer de monnaie pour leur propre compte et dé-corrélée de tout bien, c'est une chose, les taxer parce qu'elles sont solvables et qu'elles ont bon dos en ce moment en est une autre.
Par ailleurs, quelles conséquences à cette taxation sur des banques essentiellement américaines, en matière de géo-politique, géo-économie ?
La proposition d'Obama est difficile à commenter sans essayer de faire le tour de la question, et il est difficile à faire ! Le populisme n'est que rarement de bonne politique, car c'est souvent tel est pris qui croyait prendre dans la durée... et le problème dépasse alors largement Obama
Rédigé par : aetuo | lundi 01 février 2010 à 11h41
@Coriolan :
> "Le rapport constate certes que le plan TARP a
> sans doute empêché que quelques très grosses
> institutions ne déposent le bilan"
> Vous avez raison d'expédier ce point en une
> phrase, c'est un détail....
En une phrase dans ce post, mais en détail sur ce blog à de nombreuses reprises, par exemple ici : http://www.objectifliberte.fr/2010/01/la-faillite-seule-regulation-efficace-de-la-finance.html
Donc oui, cet objectif du TARP ne semble pas bonne idée en soi, et que cet objectif là est réussi n'est pas forcément source de réjouissance, car dans ce cas, le remède est sans doute pire que le mal.
> La bonne question est : Quel aurait été le niveau
> des prêts aux PME, des faillites, ou du chomage
> sans le programme TARP?
C'est toujours la façon de présenter des partisans de l'intervention étatique. Ils nous peignent un tableau noir de l'avenir, plaident que grace a l'intervention de l'Etat on va pouvoir limiter les dégats, et quand finalement, la situtation se révèle pire MALGRES l'intervention de l'Etat, on nous dit : et bien, qu'est ce que ca aurait été si en plus on était pas intervenu.
C'est exactement le cas pour le chomage aux etats unis : le gouvernement obama avait donné deux courbes, avec ou sans stimulus, la réalité c'est que 6 mois plus tard on avait le stimulus et plus de chomage qu'annoncé en l'absence de stiumulus.
C'est la parabole de l'aspirine. Le médecin donne au patient 1 cachet d'aspirine, l'etat du patient empire, alors il lui donne 2 cachets, le patient s'amenuise encore. A chaque fois il augmente les doses sans résultats si ce n'est une situation toujours dégradée. Finalement au chevet de son patient agonisant, le médecin procède en urgence a une perfusion massive d'aspirine. Le patient décède. Et le médecin de conclure : on aurait du lui donner plus d'aspirine.
Pour revenir à votre question : le niveau des prets aux PME aurait peut etre été plus faible, mais si ca pouvait reduire le financement des entreprises par la dette au profit d'une meilleur capitalisation, pourquoi pas. Les faillites auraient été plus nombreuses, mais c'est toujours mieux que de tenir en perfusion des entreprises inefficace ce qui grève l'allocation optimale des ressources, et gêne la croissance dans le long terme. Quand au chomage, c'est un chiffre artificiel qui ne veut plus dire grand chose. Une seule chose est sure : il n'a jamais été aussi important et durable depuis que l'Etat s'est mêlé d'y mettre fin.
> Vous passez sous silence, la proposition de B
> Obama de taxer les banques pour rembourser
> l'argent du contribuable.
Absurde et démagogique. Typique du comportement schizophrène de l'Etat : on crée les conditions artificiel d'un enrichissement d'une partie de la population, pour la sur-taxer de l'autre coté. La réalité c'est que c'est un effet de manche de plus d'Obama : s'il veut être crédible dans le face a face avec les banques, qu'il vire sont secrétaire d'état au budget et affronte la réserve fédéral sur le sujet totalement évincé de la politique monétaire.
Mais l'un dans l'autre, on ne peut pas créer une taxe pour résoudre des problèmes créés par l'Etat. Exactement comme de créer des lois qui de fait restreignent la mise sur le marché des logements à louer, et ensuite vouloir créer une taxe pour contraindre les propriétaire à louer sous peine d'imposition des biens vacants.
Rédigé par : ST | lundi 01 février 2010 à 14h05