------------
Cette information aurait pu passer inaperçue, mais grâce à Olivier Demeulnaere et Philippe Herlin, elle est portée à notre attention. Le 29 janvier, une dépêche Reuters annonçait que:
Dans un avis juridique publié sur son site internet vendredi, la BCE estime qu'"il y a lieu de maintenir la confidentialité des informations portant sur les prêts ou les autres facilités de liquidité accordés par une banque centrale (...) y compris l'aide d'urgence en cas de crise de liquidité, afin de contribuer à la stabilité du système financier dans son ensemble et de préserver la confiance du public en période de crise"
Elle ajoute "qu'une évaluation de la nécessité de divulguer l'information au cas par cas est susceptible de mener à une impasse lorsqu'une réaction rapide s'impose".
Ainsi donc, la BCE souhaite modifier ses statuts (voir son avis, PDF, §2), pour, dit-elle, "éviter une panique financière". En cas de sauvetage d'une banque, si des rumeurs de ses difficultés filtrent dans le public, une ruée sur les guichets ("bank run") est à craindre, avec comme double risque celui d'une faillite en cascade des banques créancières, et d'une impossibilité de maintenir l'ordre public.Sauver les banques ou les états ?
Mais on peut légitimement se demander si l'objectif réel d'un tel amendement de la directive sur la transparence, si elle était adoptée, n'est pas de permettre un sauvetage en douce des états au bord de la faillite, en permettant une monétisation de la dette plus discrète qu'un rachat direct par la BCE d'obligations pourries émises par les états.
La FED elle même maintient le secret absolu sur les mouvements de fonds qu'elle a opérés en faveur des banques en difficulté. Mais plusieurs analystes, comme Eric Sprott, du groupe Sprott Asset Management, estiment que la FED couvre de cette façon une opération de monétisation rampante de la dette américaine.
Monétisation rampante, comment ça marche ?
Si l'hypothèse de Sprott est avérée, voici le schéma de cette monétisation:
Avec le solde, la banque aidée pourra investir, et provoquer une mini-bulle sur les actions comme celle que nous venons de vivre entre mars et décembre 2009 et, si elle est avisée, en sortir à temps, histoire de s'octroyer un bénéfice "tombé du ciel" si utile pour reconstituer des fonds propres exsangues... et éventuellement rembourser la banque centrale. Bien sûr, le petit épargnant et le gestionnaire de fonds indépendant, qui ignorent tout du timing de la manoeuvre, se retrouveront acheteurs au mauvais moment. Mais le gestionnaire de fonds indépendant et le petit épargnant ne sont que de sales exploiteurs pour lesquels l'opinion ne lèvera pas le petit doigt, pas vrai ? Pourquoi se gêner...
Aux USA, les produits dérivés des prêts immobiliers constituent l'actif "toxique" de base d'un tel échange "actif contre création monétaire".
En Europe, les actifs le plus sujets à des craintes majeures dans le compte des banques sont les obligations des états, quoique vous en disent les économistes de la dette décontractée qui continuent de dire qu'un état "ne peut pas faire faillite".
Par conséquent, sous couvert de sauvetage des banques, si ces sauvetages étaient secrets, l'on pourrait voir la BCE reprendre de façon non transparente des obligations grècques, espagnoles, voire françaises, à l'actif de ces banques, et en contrepartie, leur octroyer des prêts à taux massacrés que les banques iraient à leur tour... Reprêter aux grecs, espagnols et français, permettant à ces pays de s'en tirer avec des plans de rigueur mollassons tout en maintenant l'illusion d'une soutenabilité perpétuelle des dettes.
J'ai naïvement cru que l'Allemagne s'opposerait à de telles visées. Mais avec près de 390 milliards d'euros d'emprunts à effectuer en 2010, en combinant le renouvellement sur les tranches de la dette existante venue à échéance et le financement de son déficit budgétaire, elle n'est pas tellement en meilleure forme que la France (450 milliards).
Au reste, les 16 principales économies européennes devront lever 2 200 milliards d'Euros d'emprunts en 2010, pour un PIB de l'ordre de 12 000 milliards ! Je n'ai pas réussi à me procurer la répartition entre renouvellement du stock de dette et nouveaux emprunts, mais enfin, ceux ci, que l'on peut estimer à vue de nez à 50% du total, vont tutoyer la totalité du taux d'épargne des ménages ou de formation de capital de toutes les entreprises privées (de l'ordre de 10% du PIB des 27). On voit qu'il y a pratiquement impossibilité physique d'éviter une asphyxie de certains états emprunteurs, d'autant plus que la prise de conscience croissante de leur faillibilité risque, pour la première fois, d'inciter les investisseurs a préférer des émissions d'opérateurs privés très diversifiés à l'international sur celles des états, et ne devrait pas inciter les investisseurs extra-communautaires à sur-investir en masse sur l'Euro.
Effets pervers
Vous me direz: "mais c'est bien joué, non ? Après tout, si cela évite la faillite généralisée des états et des banques qui détiennent leurs obligations, c'est infiniment préférable au chaos ?"
Hélas, tout n'est pas si simple. La manoeuvre a un effet pervers qui peut se rêvéler dramatique. Si la banque ne remboursait pas son prêt à la banque centrale, celle ci serait censée se payer par la liquidation de l'actif toxique déposé en collatéral. Sauf que cet actif toxique ne valant plus qu'une fraction de son nominal, la banque centrale aura peu de chance de voir revenir tout l'argent créé. Et voilà qu'auront été créés plusieurs milliards d'unités monétaires sans création de valeur en contrepartie dans "l'économie réelle". Ce qui, dès que la base monétaire ainsi gonflée se remettra à circuler, nous ramènera vers des inflations telles que celles des années 70, entre 10 et 20% par an.
Voire pire. Car après tout, si vous permettez aux états "insouciants", genre Grèce... ou France, de s'épargner des restructurations très impopulaires de leur secteur public par le biais d'un montage financier en apparence miraculeux, pourquoi feraient ils l'effort d'arrêter de fabriquer de la nouvelle dette ? Et dans ce cas, qui pourrait empêcher ces états de se livrer à la fuite dans les déficits, attendu que chacun attendrait que le voisin fasse plus d'efforts ?
Et dans ce cas, les agents économiques, incapables de prévoir la dépréciation de la valeur de leur production, devront adopter des attitudes très frileuses en terme d'investissement, ce qui provoquera un chômage encore plus massif. Les années 70 ont vu l'émergence d'une nouveauté dont tout le monde se serait bien passé, la "stagflation". Mais le monde occidental était entré dans la crise des années 70 avec moins de 2-3% de chômage pour en ressortir à plus de 10, avant la vague dérégulatrice des années 80... Et un retour à l'orthodoxie des banques centrales sous la férule d'un Paul Volcker ou sous le régime strict du SME.
Mais si les craintes ci dessus venaient à se matérialiser, nous entrerions dans la crise stagflationniste avec déjà plus de 10% de chômage. Le prix à payer, dans le cas où ce scénario se matérialiserait, pour la prétendue "stabilité" du système financier, serait énorme.
Alternative : Des faillites bancaires express en toute transparence
A ce stade, je ne vous ai pas dit que faire à la place de ce scénario peu avenant. Car si l'alternative à l'inflation est un arrêt total de l'économie par suppression des banques qui lui procurent son lubrifiant, la monnaie et les moyens d'échange, alors il n'est pas sûr que nous y gagnions au change.
Mais il existe d'autres possibilités déjà évoquées ici: d'une part, il ne faudrait pas sauver les états en faillite, pour les forcer à se restructurer et cesser de susciter des vocations de "passager clandestin" de l'Euro au sein des pays dits "du Club Med", ce qui revient à laisser tomber la Grèce.
Mais au préalable, afin d'éviter que la chute du domino Grec n'aboutisse au chaos, il faudra permettre aux prêteurs, c'est à dire les banques, de faire faillite dans un processus rapide et ordonné, une sorte de "super chapitre 11 bancaire", une "quick and dirty bankruptcy", ou une faillite "en référé" dans laquelle les déposants bancaires, en tant que créanciers de premier rang de la faillite, se verraient quasiment garantis de ne rien perdre, mais où actionnaires et créanciers des banques se verraient contraints d'accepter un accord d'échange dette contre capital express sur la base de formules précalculées, en fonction de la perte de valeur des actifs en portefeuille.
Concrètement, lorsqu'un état ferait défaut (partiellement, en général), sur sa dette, par exemple une faillite des 3/5èmes, les banques et assureurs de titres de l'état considérés pourraient voir leur actif massacré et donc se retrouver insolvables au niveau de leur bilan. Dans ce cas, la procédure de faillite express (expliquée ici) serait appliquée. Si la perte excèdait les fonds propres, les créanciers deviendraient seuls actionnaires, l'intégralité de leurs bons étant convertis, pour une valeur au bilan inférieure au nominal de leur dette.
Un administrateur judiciaire serait nommé comme pour une faillite classique (système Français - à chaque pays de l'adapter suivant ses traditions), et très rapidement, un tribunal devrait décider s'il laisse le temps aux créanciers de s'organiser au sein d'un nouveau CA, afin soit de continuer l'activité, soit d'adosser la banque nouvellement capitalisée à un groupe plus important et plus sain, ou s'il rembourse tous les déposants en liquidant les actifs encore debout, et laisse l'éventuel reliquat en peau de chagrin aux nouveaux actionnaires ex-créanciers.
Lesquels ex-créanciers pourraient eux même se retrouver en faillite, et donc mettre en oeuvre pour eux mêmes le super chapître 11. Et ainsi de suite.
De cette façon, l'excédent de dette du système financier et des états serait purgé sans que les propriétaires de comptes bancaires ne subissent de pertes, ou alors marginales. Et surtout, aucun risque d'inflation !
Certes, la banque et la finance licencieraient massivement, mais les nouveaux établissements ainsi solidifiés par la conversion d'une dette asphyxiante en fonds propres pourraient très vite se remettre à embaucher les meilleurs, et puis il faut bien que ceux qui ont mal géré leurs risques dans les années d'abondance en paient le prix. Les opinions comprendraient mal que des petits arrangements secrets entre banques centrales et grandes banques permettent à ces dernières de continuer à engranger profits et bonus se chiffrant en milliards alors que l'économie non financière continuerait à s'enfoncer dans la récession.
Après les mesures d'urgence, la reconstruction
Il faudrait ensuite rapidement reconstruire un nouveau système financier, sujet qui dépasse de loin le temps imparti au présent article, mais qui devrait remplacer par toute une gamme de moyens monétaires et fiscaux l'économie de la dette par celle du capital, et donner toute latitude aux banques de réussir ou de faire faillite, la réglementation se focalisant sur l'obligation d'être réellement transparentes, et de laisser le marché évaluer la pertinence des choix managériaux.
L'économie dans son ensemble aurait tout à gagner à ce que les leçons de la crise nous orientent vers le retour à un capitalisme fondé sur le capital plutôt que sur l'argent dette, et où aucune catégorie ne pourrait espérer le soutien du contribuable en cas de faillite. La croissance n'y connaitrait sans doute pas de phase ultra spectaculaire, mais elle serait autrement plus saine, et moins sujette à des formations de bulles dont l'éclatement se révèle au final tellement dommageable.
Conclusion
A l'heure où j'écris, rien ne semble décidé, et nous n'avons pour nous faire peur qu'un "simple" communiqué de presse de JC Trichet demandant la liberté de faire n'importe quoi à nous mettre sous la dent. Le scénario de la monétisation rampante n'est donc pas encore adopté. Mais je vois mal Trichet émettre une telle demande en catimini sans s'être préalablement assuré d'un certain niveau de réceptivité des politiques à cette demande. Je suis donc raisonnablement pessimiste sur le futur économique de la zone Euro, même si à court terme, nous pourrions avoir l'illusion que la beuverie à crédit peut continuer.
---------------
Anecdote: j'avais commencé cette note comme un simple entrefilet suite aux articles de MM. Demeulenaere et Herlin. Et puis patatras, je finis avec une note fleuve achevée le nez dans le clavier, avec fautes d'orthographe et phrases bancales, après minuit. Je suis incorrigible.
---------------
Lire également :
Ailleurs:
- Eric Sprott, Is this a ponzi Scheme ?
- Pierre Leconte, note de conjoncture (longue)
- Mercatus Center, "speed bankruptcies", version courte et version longue
- Gilles Dryancour, Survivre au crash de l'économie
Sur Oblib:
- L'Euro va-t-il exploser ? Le scénario 2 évoqué il y a un an parait d'actualité
- Grèce, Espagne, France... Non à un sauvetage européen des états mal gérés !
- La faillite, seul outil efficace de régulation de la finance
Et si vous en avez encore le courage,
- Sortir de la crise: passer d'une société du crédit à une économie du capital
- réconcilier capital et travail
- Hyper Inflation ou faillite des états, quel sera le prochain cygne noir ?
- Le règne de la dette ou la vraie défaite du Capitalisme (S. Tajan)
Et plus généralement,
- Dossier "crise financière" (qui mériterait un brin de remise à jour...)
--------------
pour échapper à la monétisation, il faudrait que la stabilité politique (par exemple sur des questions liées à l'identité nationale) soit grande et que nous ayions des leaders gouvernementaux qui aient une certaine vision de l'avenir... afin d'avoir le courage d'expliquer la logique pain noir/pain blanc.
Hélas, cela ne me semble pas gagné !
Quand on entend les commentaires délirants sur les "spéculateurs" responsables des chocs sur la Grèce ou autre, on se dit que vraiment non ce n'est pas gagné.
Selon les calculs de Loïc ABADIE à partir de CIA world factobook, le coût extrapolé de la dette publique sur 5 ans pour une famille standard (un couple et deux enfants) se monte à
USA 68 673 euros
France 43 727 euros
Espagne 59 184 euros
Grèce 58 542 euros
Angleterre 66 302 euros
Portugal 27 930 euros
Allemagne 35 224 euros
C'est d'autant moins gagné, quand on entend que l'Etat ne peut pas vouloir réduire son train de vie (la perle d'hier me semblait celle sur la prime des Hauts fonctionnaires), car (allez prenons l'exemple le plus frappant de ce discours entendu x fois ces derniers jours) les infirmières ne sont pas responsables de la crise, et qu'il n'y a aucune raison de faire porter l'effort sur le budget de l'Etat. Et quand ce discours de non-responsabilité généralisé, se renforce en disant on ne va pas demander encore des efforts aux Européens alors que la crise a été créée aux Etats-Unis, le tout avec un manque de lucidité abyssal, on se dit que décidément ce n'est pas gagné. Effrayant d'ailleurs comme ce discours a cours y compris sur BFM (officiellement la radio de l'économie) mais qui décidément n'a plus grand chose de réellement économique et peut-être pour des questions d'audience reste furieusement dans le politiquement correct bien loin des fondamentaux,
Au global, la monétisation rampante est effectivement assez probable, mille fois hélas.
D'autant plus hélas que pendant ce temps et par force, les forces vives de la reconstruction auront "définitivement" assuré le rééquilibrage des zones de production-consommation au détriment de l'Europe.
Peut-être qu'un choc politique d'envergure permettrait un autre scénario en provoquant une autre lucidité ? Mais le risque de conflagration associé alors est aussi un autre hélas, probablement pire.
Rédigé par : aetuo | mercredi 10 février 2010 à 05h30
@aetuo
> Peut-être qu'un choc politique d'envergure
> permettrait un autre scénario en provoquant
> une autre lucidité ?
je ne crois pas à un choc politique ex nihilo. Mais il est toujours possible qu'on assiste à un chox politique qui suivra un choc économique incontrôlable. Car si le scenario de la monétisation rampante me parait aussi le plus probable (dans une modalité ou dans une autre), rien ne dit qu'ils parviendront à éviter le choc. Les choses peuvent parfaitement s'accélerer avant qu'ils n'aient pu reprendre le contrôle de la situation. Dans ce cas, il n'y plus qu'à espérer que l'opinion soit sensible à d'autres arguments que ceux qui lui sont habituellement proposés. C'est partiellement le cas aux Etats Unis, pas encore en Europe, mais nous n'avons pas subi le premier choc de la même façon.
En tout cas, il est capital que les voix libérales s'expriment comme le fait Vincent AVANT toute déflagration majeure. Ces prises de position seront autant de témoignages de l'absence d'opportunisme de notre discours, et de la continuité dans l'analyse et les solutions proposées.
Rédigé par : ST | mercredi 10 février 2010 à 10h07
> Avec le solde, la banque aidée pourra investir, > et provoquer une mini-bulle sur les actions
> comme celle que nous venons de vivre entre mars > et décembre 2009 et, si elle est avisée, en
> sortir à temps, histoire de s'octroyer un
> bénéfice "tombé du ciel" si utile pour
> reconstituer des fonds propres exsangues... et
> éventuellement rembourser la banque centrale.
Intéressant,
Cela me fait un peu penser à l'UBS et à la Banque Nationale Suisse. On crée une "bad bank" dans laquelle on met tout ce qui est toxique. On attend un peu, et voilà :
http://info.rsr.ch/fr/economie/L_UBS_retrouve_les_benefices_mais_perd_des_clients.html?siteSect=200201&sid=11789327&cKey=1265790645000
Rédigé par : Retour-Arrière | mercredi 10 février 2010 à 10h50
Cela ne me surprend guère, la monétarisation je m’y attendais.
Un scénario probable :
- l’inflation augmente plus ou moins (4% voir 10%).
- Les dettes sont purgées de cette façon.
- Après la phase d’ajustement qui dure plusieurs années, on met un terme à l’inflation tout en ayant réformé les sources de déficits.
C’est le scénario année 1970/1980.
Rédigé par : jb7756 | mercredi 10 février 2010 à 11h46
Créer de la monnaies ex-nihilo pour garantir les avoirs des déposants en banque, c'est créer de la monnaie de singe, de la vraie fausse monnaie. L'imprimeur qui fabrique des billets de banque est un criminel, mais un président de banque centrale et ses administrateurs sont des faux-monnayeurs astucieux et non passibles de sanctions... Il est évident qu'un accroissement de la masse monétaire sans justification de contrepartie de production économique conduit à l'inflation galopante.
C'est d'autant plus dangereux que cela incite les banquiers à se lancer à qui mieux mieux dans les spéculations les plus hasardeuses. Sauf que, dans les casinos, ce sont les joueurs qui perdent !
Ma solution : l'Etat garantissant les comptes courants et assimilés (livret A, CEL et PEL, etc.)doit être subrogé dans les droits des déposants dont il assure paiements et retraits. Il suffit de faire de ces dépôts en compte des créances super-privilégiées, et alors il n'y a plus aucune raison de s'opposer à la faillite de la banque, de la mettre sous tutelle d'une autre banque ou d'un syndicat de banques,puis d'organiser tranquillement le partage des dépouilles opimes de la banque moribonde, dont la vente revient en priorité au créancier superprivilégié par subrogation, l'Etat. Les actionnaires de la banque faillie sont ruinés, ce qui est normal, les dirigeants virés,leurs stock options en fumée, et leurs boni à la masse. Les épargnants en produits financiers tels que fonds ou assurance-vie perdent une grosse partie de leur mise, voire n'ont plus que leurs yeux pour pleurer, mais c'est le risque de ces placements, les organismes financiers qui ont prêté à la banque, c'est dommage pour eux, mais ce sont de grands garçons qui savent ce qu'ils font. Mais on limite les dégats pour le contribuable, qui, dans les pratiques actuelles, supporte tout le poids des défaillances bancaires, "à l'insu de leur plein gré".
Si l'on avait procédé comme cela pour le Crédit Lyonnais, les déposants auraient vu leurs avoirs aussi bien sauvegardé que ce fut le cas, Les contribuables n'auraient perdu qu'une partie des 150 milliards dont ils ont été plumés, c'est à dire le capital de la banque détenu par l'Etat, mais ce dernier aurait récupéré la totalité du prix payé par BNP ou Crédit Agricole pour reprendre les actifs du failli.
Evidemment, ne comptez-pas sur les banquiers pour soutenir mon point de vue, ni sur les décideurs politiques, qui sont leurs obligés (doux euphémisme).
Rédigé par : Jean-Michel Bélouve | mercredi 10 février 2010 à 16h15
@JM Bélouve
> Créer de la monnaies ex-nihilo pour garantir les
> avoirs des déposants en banque
Oui c'est exactement ça. Dit comme ça d'ailleurs, ça a un vrais coté comique : rien dans les mains, rien dans les poches ... la faillite des banques risqu d'effacer 20% des avoirs des français déposés dans ces banques ?... qu'à cela ne tienne, je vous garantie que les banques ne feront pas faillite, et que vous garderez 100% de vos avoirs ! Pour ce faire, je vais donner aux banques l'argent nécessaire pour couvrir ces pertes, et comme je n'ai pas cet argent, je vais le ponctionner en diminuant sur les 3 prochaines années la valeur de ces mêmes avoirs de ... 20%. Sous vos yeux ébahis, mesdames messieurs.
La richesse qui n'existe pas ne sera pas créé par miracle. Nous paierons toutes nos dettes. La seule question est QUI est nous et COMMENT. Bizarrement, seuls les libéraux semblent souhaiter que les détenteurs de capitaux soient en première ligne pour assumer les pertes. Ca veut dire les actionnaires des banques, puis les créanciers. Et oui ca veut aussi dire, je suis d'accord avec vous l'épargne stocké dans les assurances vie dites sécurisées qui investissent massivement sur les bons du trésors : il est nécessaire que même les petits épargnants comprennent qu'il n'existe pas de placement sur. Quelque part, des défauts en série sur la dette des Etats serait peut etre la seule chose qui puisse ancrer dans la tete des gens pour une ou deux génération des dangers de la course folle à l'endettement.
Rédigé par : ST | mercredi 10 février 2010 à 16h48
@jb
> C’est le scénario année 1970/1980
Sauf qu'on entrait dans la stagflation avec une dette minimale, et un chomage quasi nul. Aujourd'hui on y entre avec 10% de chomeurs officiels, plutot 15 à 20% si l'on se remet sur les memes bases de calcul qu'a l'époque. Et on y entre avec une charge de la dette autrement plus conséquente : comme le note la cour des comptes (via Philippe Herlin : http://ladettedelafrance.blogspot.com/2010/02/cour-des-comptes-la-dette-semballe.html), en 2013, la charge des intérets de la dette sera de 90 milliards d'euro, le double d'aujourd'hui, le tiers du budget de l'Etat, et ce SI LES TAUX D'INTERETS NE CHANGENT PAS. Si on joue l'inflation, les taux s'envoleront, et avant qu'on grignote la dette par l'inflation dans le long terme, on aura très vite la moitié voire plus du budget de l'Etat qui servira uniquement à payer les intérets de la dette.
Ca ne marchera pas cette fois ci. 2010 n'est pas 1970. Ce qui a marché autrefois n'est pas garanti de fonctionner cette fois.
Rédigé par : ST | mercredi 10 février 2010 à 18h43
@ST
Alors je ne vois qu’une solution, la nationalisation totale du système financier. Les états fixeront eux même leur propre taux d’intérêt et se prêteront l’argent dont ils ont besoin. C’est déjà un peu le cas. Et la dette gonflera jusqu’à des niveaux absolument coupés de toute réalité.
On assiste peut être en ce moment à la mort de la monnaie. L’obsession des politiques est de maintenir la consommation, on va peut être substituer un « droit à consommer » à la monnaie. Si l’état prend le contrôle des banques, il pourra aussi contrôler l’accès au crédit et donc l’inflation et la consommation.
Car finalement on a plus à se partager la rareté mais l’abondance. Notre appareil productif peut produire bien plus que ce que l’on peut consommer, il faut simplement l'orienter. Il faut peut être changer de système tout simplement.
Rédigé par : jb7756 | mercredi 10 février 2010 à 21h20
@ST
> je ne crois pas à un choc politique ex nihilo.
> Mais il est toujours possible qu'on assiste à un
> chox politique qui suivra un choc économique
> incontrôlable
le ex-nihilo, moi non plus. Mais je pensais à la situation géo-politique proche et moyen orientale, aux bruits de botte qui s'entendent depuis quelques mois, avec des pics et des reflux, mais une augmentation notable de l'intensité du risque et des signaux économiques ou militaires d'accompagnement.
On peut aussi penser au risque politique associé non pas à la crise mais à la difficulté de cohabitation entre des populations qui perdent "des acquis" (un certain niveau et mode de vie) et des migrants ou récemment installés qui n'ont encore moins ajusté leurs "repères" sur ses fameux acquis dont chacun aimerait profiter au moins lorsqu'il s'agit d'économique ; l'Etat Providence est dans l'explosion économique mais aussi l'explosion sociale. D'une façon ou d'une autre nous n'échapperons pas à ce choc politique ; sur un autre fil du blog (je crois !), quelqu'un demandait à Vincent Bénard si le mouvement de Tea Party pourrait exister en France ; la réponse était non parce que, si je caricature sa pensée pour faire court, le "socialisme des esprits" en France est tel, qu'il n'y a pas de raison pour que ce mouvement surgisse même si quelques lueurs d'espoir existent... les Français étant, en toute schizophrénie apparente, favorables à la réduction du budget de l'Etat.
L'origine sera peut-être différente, l'organisation aussi, mais il me semble fort possible qu'un mouvement de contestation très fort avec des ressorts en large partie identiques à ceux des Tea-Parties existe.
@jb, la mort de la monnaie, non. Mais l'économie du réemploi a probablement une raison de plus d'avoir de beaux jours devant elle.
Rédigé par : aetuo | mercredi 10 février 2010 à 22h40
Il y a un gros problème dans ton raisonnement Vincent, tu dis qu'il faudrait passer à une économie basée sur le capital et non pas sur la dette, mais ce n'est absolument pas cohérent, en effet, pour toute société, la dette coute beaucoup moins cher que le capital, donc aucun chef d'entreprise censé (que ça soit d'une PME, ou une multi-nationale), ne fera jamais d'augmentation de capital au lieu d'une émission obligataire, sauf quand son ratio K/D sera trop faible, et que plus personne ne voudra lui prêter.
Rédigé par : limmt | jeudi 11 février 2010 à 10h26
@ limmt
C'est bien ce que dénonce Vincent dans 2 (au moins) autres billets: le système fiscal n'est pas neutre et priviligie l'endettement au détriment de la formation de capital.
(L'autre responsable du moins grand coût de la dette par rapport au capital est le système monétaire et bancaire.)
Enfin, il ne s'agit pas ici de dire "il fait UNIQUEMENT avoir recours au capital et plus à l'endettement", mais de rétablir l'équilibre en préconisant la neutralité de l'État.
Rédigé par : Mateo | jeudi 11 février 2010 à 11h07
Alors on a le choix entre une façon occulte de repousser les échéances et de remettre en question le mode de fonctionnement des Etats (Monétisation de la dette) ou une façon publique, douloureuse et responsable de laisser les branches pourries faire faillite avant de repartir sur des bases saines?
Pas besoin d'être grand clerc pour savoir ce que nos gouvernants ont déjà choisi.
Rédigé par : Stéphane | jeudi 11 février 2010 à 11h10
ce soir ou jamais sur 'la dette'
avec de closset, woerth et plein d'autre...
je crois que certain passage vont bien te faire rire, il y a 7 parties...
http://www.youtube.com/watch?v=_IOQV_LONkY
Rédigé par : mica | jeudi 11 février 2010 à 22h40
Je suis prêt à parier que la dette publique sera monétisée.
Rédigé par : Libertas | vendredi 12 février 2010 à 00h46
@Libertas :
> Je suis prêt à parier que la dette publique
> sera monétisée
Dire que l'un des intérêts majeur de l'euro était d'empecher les Etats membres de pouvoir monétiser leur dette. Et bing, au premier coup de boutoir, on s'assoit sur les règles. Au final, on a demandé aux citoyens de voter sur un texte (traité de Maastricht). Ils ont voté sur certaines règles : quand elles n'arrangent plus les gouvernements, ils s'assoient dessus sans autre forme de procès (respect des critères de convergence par ex, et maintenant monétisation rampante). Ensuite ils veulent voter de nouvelles règles : elles sont rejetées par référendum, on s'en contrefiche, et on les fait passer quand même. L'Europe fait la démonstration à répétition de son mépris le plus flagrant pour la démocratie la plus élémentaire, et le respect de l'Etat de Droit.
Rédigé par : ST | vendredi 12 février 2010 à 09h39
J'ai du mal a concevoir que l'on puisse revenir, aujourd'hui, à une monétisation rampante de type années 70.
On peut avoir des augmentations a 10% avec un chomage à 2%, mais avec un chomage a 10%, je vois mal un salarié demander une augmentation de 2%.
Rédigé par : Nam | lundi 15 février 2010 à 18h23
Je voulais dire "bien supérieure à 2%" pardon, sauf en cas de rattrapage ponctuel (passage stage vers CDI par exemple).
Rédigé par : Nam | lundi 15 février 2010 à 18h27
Bonjour, article intéressant, mais le principe dont il est ici question n'est-il pas in fine le même que pour les opérations d'open market, pour lesquelles on parle "pudiquement d'augmenter la liquidité" mais qui produisent strictement les mêmes effets (injection de monnaie nouvelle, baisse des taux) pour peu que le bilan de la banque centrale s'en trouve agrandi durablement ?
De même, les banques ne peuvent elle pas recourir à la "fenêtre d'escompte" pour prêter aux états en s'assurant un bénéfice sans risque, profitant actuellement d'un taux ultra bas ?
Je ne suis pas très familier de toutes ces questions donc si quelqu'un peut me fournir une réponse éclairante, je l'en remercierai.
Rédigé par : Mr T | mardi 23 février 2010 à 14h55